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Liban - Démocratie

Pour une meilleure gestion des élections dans un monde arabe déchiré

Six pays de la région, dont le Liban, lancent à Beyrouth l' « Organisation arabe pour la gestion du processus électoral ».

Le ministre de l’Intérieur Nouhad Machnouk prononçant son allocution au cours de la cérémonie du lancement de l’Organisation arabe pour la gestion du processus électoral. Photo Ani

« La violence ne mène nulle part. Seules les élections constituent le moyen et l'outil idéaux pour parvenir à des sociétés apaisées et pacifiées. »
Telle est la ligne directrice prônée par les pays fondateurs de l'Organisation arabe pour la gestion du processus électoral, une première dans le genre. Visant à une coopération régionale exclusivement en matière de techniques et de logistiques électorales, cette nouvelle entité, qui sera basée à Amman, voit le jour à un moment où les États de la région sont livrés aux démons de la guerre et à la violence, et leurs institutions sérieusement ébranlées ou dysfonctionnelles. C'est le cas notamment du Yémen, de la Lybie, de l'Irak et dans une moindre mesure de la Palestine, du Liban et de la Jordanie, tous membres fondateurs de cette organisation.

Lors d'une cérémonie officielle, organisée hier à l'hôtel Mövenpick, les représentants des pays membres ont lancé le projet en expliquant ses ambitions mais aussi ses limites. Parmi ces caractéristiques, le caractère « apolitique » de l'organisation, qui, tout en conférant une indépendance et une liberté certaines au travail des experts, pose toutefois de multiples interrogations quant à l'efficacité d'une mission aux ramifications éminemment politiques.
L'organisation vise en effet principalement à introduire une expertise en matière de gestion électorale sans prétendre à aucun apport qualitatif en matière de lois, qui restent de toute évidence du ressort exclusif du pouvoir législatif.

Soutenue par l'Agence suédoise de coopération internationale pour le développement (Sida) et le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), cette nouvelle structure a des fonctions purement techniques, à savoir préparer en amont l'opération électorale dans les différents pays arabes membres, encourager la coopération interrégionale, répandre et consolider la culture électorale et son importance comme élément fondateur des démocraties.

Le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, qui a ouvert la cérémonie, a émis le souhait que le monde arabe puisse enfin tourner son regard vers l'avenir. « Nombreux sont ceux d'entre nous qui sont devenus otages du passé et des conflits historiques. Nous nous entre-tuons à cause du passé et de ses diktats. D'où l'importance d'une telle rencontre qui nous oblige à regarder vers l'avenir en réfléchissant à des mécanismes meilleurs pour améliorer le rendement de nos institutions », a-t-il dit.

« L'opération électorale est devenue très technique et pointue, nécessitant des cadres spécialisés et des expériences cumulées », a enchaîné le Libyen Imad Sayeh, directeur de l'organisation. D'où la mission confiée à cette organisation qui aspire à introduire dans le monde arabe les standards internationaux en matière électorale, par le biais d'un échange d'expérience et de formation des ressources humaines, mais aussi à travers le renforcement des capacités tel que l'introduction de l'informatisation. Il s'agit en somme de créer l'opportunité pour les citoyens d'exercer leur droit politique le plus primordial.

Composée pour l'instant de six membres seulement – l'Égypte devrait s'y joindre ultérieurement, puis peut-être la Tunisie –, l'organisation devrait réussir à attirer d'autres États arabes. Du moins, c'est ce qu'espèrent les représentants des États membres.
Si elle reste indépendante des pouvoirs exécutif et législatif, l'organisation n'en représente pas moins un socle d'appui pour les gouvernements respectifs qui disposent de faibles ressources. Ce travail de coopération s'impose en vue de servir des objectifs communs, assurent les participants.

Ces derniers ont d'ailleurs saisi l'occasion pour lancer un appel à la coopération des gouvernements et des législateurs concernés pour soutenir leur mission. « Nous ne sommes pas concernés par la mise en place des lois électorales qui sont l'œuvre du Parlement, précise la directrice générale des affaires politiques au ministère de l'Intérieur, Faten Younès. Ce que l'organisation peut toutefois faire, c'est d'apporter l'expertise technique lorsque celle-ci est requise. »
Pour le directeur de l'organisation, les élections sont la voie sûre vers la bonne gouvernance. « Elles se répercutent de manière positive sur la problématique du développement et de la démocratie dans le monde arabe », a-t-il assuré.

Cette organisation n'est pas la première du genre d'ailleurs, tiennent à souligner les intervenants qui citent la multitude d'organisations régionales qui existent déjà (Union européenne, Amérique latine, Amérique du Nord, Afrique, Asie). D'où l'importance d'introduire le mécanisme dans le monde arabe qui ne comporte que peu d'experts électoraux notamment.
Mais cette nouvelle organisation réussira-t-elle là où d'autres initiatives et projets précédents ont échoué? « Il faut bien commencer quelque part. Nous ne pouvons tout de même pas nous croiser les bras. L'important est de mettre à profit les expériences réussies de pays voisins », a conclu Mme Younès.

Les priorités ont changé, affirme Khalil Gebara
La question de la « technicité » de l'opération électorale et du lien inhérent entre cette dernière et le champ politique, voire sécuritaire, a été au centre des débats qui ont eu lieu en marge de la cérémonie de lancement de l'Organisation arabe pour le processus électoral.

Secrétaire générale de l'organisation et membre et de la commission électorale indépendante en Jordanie, Badriyé Balbissi a rappelé que le processus électoral est constitué de deux volets : la volonté politique et le mode de scrutin, d'une part, et les mécanismes et procédures, d'autre part. « Même lorsqu'on a la volonté politique avec un mode de scrutin adapté, si par ailleurs la procédure et la logistique ne sont pas en place, le citoyen perd confiance dans l'opération électorale », affirme-t-elle.

Abdulkarim Belker, membre de la commission électorale libyenne, insiste pour sa part sur l'importance de partager les expériences au sein du monde arabe pour parvenir à développer des systèmes évolués, conformes aux standards internationaux, « quelle que soit la situation politique qui prévaut ».

Plus réaliste, le conseiller du ministre de l'Intérieur libanais, Khalil Gebara, met l'accent sur le changement des priorités dans un monde arabe déchiré.
Si, au cours des dernières années, les élections étaient une requête populaire en vue de la participation, de l'alternance du pouvoir et de la sanction politique, elles n'ont plus le même sens aujourd'hui. « Avec les guerres qui secouent la région, le défi est désormais de savoir comment consolider la confiance du citoyen dans le processus politique pacifique et dans les institutions constitutionnelles. Désormais, le rôle des élections a changé. Il ne s'agit plus de parler de liberté et de sanction, mais de voir plutôt comment convaincre les citoyens de rester attachés au processus politique et d'éviter les conflits armés », poursuit le conseiller.
Pour lui, la discussion autour des élections n'est plus technique de nos jours, car le temps n'est plus aux slogans qui tournent autour de la démocratie mais en faveur de slogans qui portent sur le processus politique et l'édification de l'État.
« Le plus grand danger auquel nous faisons face aujourd'hui est la forme de l'État, désormais en pleine décrépitude dans le monde arabe. Les gens ont perdu confiance en l'État. Ils se dirigent désormais vers le clan, la communauté religieuse, les mini-États », conclut le conseiller, qui reste toutefois confiant qu'un processus électoral digne de ce nom peut, dans le long terme, ramener le citoyen dans le giron de l'État.

 

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