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Nos Lecteurs ont la Parole - Antoine MESSARRA

Une nouvelle espèce humaine ?

J'ai fait la connaissance, dans un cadre universitaire, d'une nouvelle espèce humaine, issue d'une postmodernité sans norme, ni repère ni boussole.
Un étudiant, de nationalité française, en stage dans un pays asiatique et dans un journal numérique, a rédigé un rapport de stage fort bien écrit et documenté. Il relate froidement et objectivement la situation désastreuse dans ce pays, avec l'autoritarisme du pouvoir, la corruption, la pauvreté...
Comment réagit-il en tant que journaliste dans ce contexte ? Dans son rapport écrit et présenté à la soutenance, il ne dit rien ! Je me suis dit : C'est peut-être par discrétion, par crainte de sa part qu'on ne lui reproche une subjectivité qualifiée de non académique.
Quand je lui pose alors la question : Comment avez-vous réagi en tant que journaliste dans ce contexte ? Cela a-t-il suscité en vous un questionnement ? Je ne lui ai pas dit quel questionnement. Il accueille ma question comme si elle provient d'une autre planète !
Sa réponse alors est pragmatique : Il y a des sujets à ne pas aborder. Je ne les aborde pas. J'écris des papiers culturels. Le travail se déroule ainsi...
Et le culturel, c'est quoi ? Est-ce seulement pour amuser, distraire, occuper les loisirs de lecteurs ?

***

La réplique d'un collègue, pour expliquer et non justifier : C'est un professionnel. Il agit en professionnel, c'est-à-dire en technicien qui remplit une fonction qui lui a été assignée dans un contexte déterminé et préétabli. Il exécute le travail en contrepartie d'une rémunération. Le contexte technico-professionnel lui permet de sauvegarder sa carrière.
La conscience d'une personne peut être, avec le temps, endormie, polluée, pervertie. C'est différent. Dans cette nouvelle espèce humaine, c'est un être sans conscience, où la conscience est castrée, inexistante.
C'est le professionnalisme au sens technique, sans aucun questionnement sur la finalité du travail. La finalité du travail, c'est la carrière, le carriérisme individuel et individualiste. On a recherché une laïcité idiote qui refuse tout questionnement transcendant. On a recherché la compétence exclusivement technocratique, sans aucun questionnement éthique. Il en découle une autre espèce humaine, celle d'une science sans conscience.

***

Quel est le rôle des écoles et des universités, surtout aujourd'hui ? N'est-ce pas d'élaborer des normes, des repères, une boussole pour la vie personnelle, professionnelle et publique, dans l'inflation du savoir ?
Voilà pourquoi, il y a aujourd'hui la « mondialisation de l'indifférence », suivant l'expression du pape François.
D'où provient cette nouvelle espèce humaine ? De quelles écoles, de quelles universités ?
Il s'agit d'un vrai professionnel, en termes exclusifs de compétences et d'aptitudes. Vrai professionnel ? Non, un professionnel pur, aseptisé, incolore, inodore et sans saveur. Un professionnel robotique déshumanisé.

Antoine MESSARRA

Membre du Conseil constitutionnel, titulaire de la Chaire Unesco d'étude comparée des religions, de la médiation et du dialogue, Université Saint-Joseph

J'ai fait la connaissance, dans un cadre universitaire, d'une nouvelle espèce humaine, issue d'une postmodernité sans norme, ni repère ni boussole.Un étudiant, de nationalité française, en stage dans un pays asiatique et dans un journal numérique, a rédigé un rapport de stage fort bien écrit et documenté. Il relate froidement et objectivement la situation désastreuse dans...

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