Au troisième et dernier jour de son témoignage devant la chambre de première instance du Tribunal spécial pour le Liban, à La Haye, Hani Hammoud, l'un des principaux conseillers de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, a répondu aux questions de la défense. Celles-ci ont été axées sur la résolution 1559, les menaces proférées par le régime syrien et le Hezbollah contre Rafic Hariri et l'affaire du complot terroriste éventé contre l'ambassade d'Italie à Beyrouth, en septembre 2004. Le contre-interrogatoire mené par la défense a permis de révéler en outre les circonstances d'un entretien avec Khaled Khodr Agha, le père du conseiller de l'ancien président Émile Lahoud, au cours duquel Rafic Hariri a été accusé d'être un agent israélien.
Rafic Hariri a estimé que le message que lui a transmis le journaliste Nassir el-Assaad au sujet de son refus de se plier aux demandes syriennes était une menace visant à le contraindre de modifier son attitude, a assuré M. Hammoud devant les juges. Nassir el-Assaad avait rapporté à Rafic Hariri la teneur de son entretien avec le conseiller du secrétaire général du Hezbollah, Hussein Khalil, qui avait dit : « Pour qui il se prend, Rafic Hariri ? Il dit non aux Syriens ? Sayyed Nasrallah n'est pas en mesure de dire non aux Syriens. Comment il leur refuse de faire élire des députés qui sont leurs alliés ? Comment prend-il l'initiative de s'allier à l'opposition chrétienne dans le cadre de la Rencontre du Bristol ? »
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Interrogé sur la manière dont il interpréterait le message rapporté par son collègue Nassir el-Assaad, M. Hammoud a répondu : « C'est une personne qui soit voulait du bien à Rafic Hariri en cherchant à le prévenir pour lui éviter le danger d'être tué aux mains des Syriens, soit, selon le pire scénario, lui proférer une menace pour le contraindre à changer sa position politique. » Et d'ajouter : « À l'époque, j'étais sous l'influence de l'attitude de Rafic Hariri qui avait dit : " Est-ce qu'ils croient pouvoir m'intimider ? Cela ne marchera pas ". »
« Pourquoi les hauts responsables au sein du Hezbollah tenteraient de faire changer à Rafic Hariri sa position avant les élections s'ils étaient en train de planifier un complot et qu'ils savaient qu'il allait mourir dans les jours ou les semaines à venir ? » lui a demandé alors la défense.
« Je n'ai jamais dit que le Hezbollah a tué Rafic Hariri et je ne suis pas en position de le faire. Quant à la signification du message politique envoyé, il faut poser cette question au commandement du Hezbollah », a répliqué Hani Hammoud. Celui-ci a indiqué que le climat qui lui a été rapporté par l'ancien Premier ministre au sujet des réunions de ce dernier avec Hassan Nasrallah lui a donné l'impression que le secrétaire général du Hezbollah partageait le même souhait que Rafic Hariri, qui est d'« éviter la confrontation ».
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La 1559
La résolution 1559 adoptée par le Conseil de sécurité a ressurgi dans les débats par le biais d'une question sur la perception syrienne de ce texte et de ses promoteurs. À ce propos, M. Hammoud a indiqué que les Syriens savaient pertinemment qu'une seule personne ne pouvait œuvrer à elle seule à l'adoption d'une résolution de cette importance.
« Selon mon analyse, le régime syrien ou toute personne qui a une certaine connaissance de la politique internationale sait parfaitement qu'une résolution de ce calibre ne peut être l'œuvre d'une personne. Elle est plutôt l'illustration d'une conjoncture internationale qui prévalait à l'époque (...), à savoir le retrait du mandat octroyé à la Syrie au sujet du Liban », a-t-il dit.
M. Hammoud a affirmé par ailleurs n'avoir partagé avec personne la teneur du témoignage confié à la commission d'enquête internationale en novembre 2005. « Je n'ai discuté de la teneur de ce témoignage ni avec Farès Khachan (journaliste) ni avec quiconque d'autre, ni avant ni après ma déposition », a insisté le témoin en réponse à une question du conseil de Hussein Oneissi. « Je disais à la majorité des gens que je n'ai pas été interrogé » par les enquêteurs », a encore précisé le témoin, soulignant que seul Saad Hariri – pour qui il travaillait – a été mis au courant.
Se fondant sur une liste de données téléphoniques montrant que le témoin et Farès Khachan avaient été en contact au cours de cette période, Philippe Larochelle a tenté à plusieurs reprises de chercher à comprendre s'ils ont pu discuter à un moment ou un autre du témoignage que M. Hammoud devait donner aux enquêteurs. Un échange que le président de la chambre de première instance, David Re, n'a pu laisser passer sans faire remarquer à M. Larochelle qu'en définitive la défense, qui a contesté l'utilisation des données téléphoniques devant la cour, a fini par en faire un bon usage.
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Une dernière batterie de questions a été soumise au témoin par David Young, le conseil de Assad Hassan Sabra, qui l'a interrogé sur une interview effectuée en 2004 avec un homme d'affaires, Khaled Khodr Agha, diffusée un mois plus tard par la chaîne al-Jazira qui avait hésité à le faire plus tôt à cause du « manque de crédibilité et des diffamations » contenues dans les propos de l'interviewé. Ce dernier avait accusé l'ancien Premier ministre d'avoir effectué une visite en Israël et d'être un agent de l'État hébreu. C'est sur l'insistance, auprès des autorités qataries, d'Émile Lahoud, dont le conseiller n'était autre que Fadi Agha, le fils de Khaled, que l'interview a finalement été diffusée.
M. Hammoud a enfin évoqué l'échange qu'il avait eu avec l'ancien ministre de l'Intérieur, Élias Murr, à propos du complot déjoué contre l'ambassade d'Italie, en septembre 2004. Il a souligné qu'à l'époque, l'ancien ministre pensait que l'attentat visait Rafic Hariri, l'ambassade italienne étant localisée près de la place de l'Étoile. Suite à l'incident, des explosifs ont été repérés par les Forces de sécurité intérieure dans l'arrière-jardin du domicile de l'ancien chef des SR syriens, Rustom Ghazalé. Les agents de sécurité ont toutefois été empêchés de les récupérer suite à un ordre qui avait été donné par le général (prosyrien) Ali Hajj, le commandant de la région de la Békaa à l'époque, conclut le témoin.
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commentaires (4)
Je lis le petit commentaire que j'ai fait et je me dis : ah j'ai oublié. Les chefs et hommes politiques actuels, laquais et esclaves de la dictature criminelle du gang Assad et dont j'ai parlé, ne disent évidemment aucun mot sur le cas Samaha et la mascarade de son jugement par le tribunal militaire. Toutes les vidéos de la sordide affaire prouvent, de la bouche de ce criminel, que ses maîtres et associés à Damas dans le crime de faire exploser le Liban et qui lui ont donné les explosifs sont "le raiis et Ali"(Mamlouk)(sic !). Alors on comprend bien que lesdits laquais et esclaves s'abstiennent de faire le moindre commentaire. Que peuvent-ils dire sinon : nous sommes à nu -"انفضحنا" ? La plus grande honte à ces messieurs !
Halim Abou Chacra
11 h 41, le 22 mai 2015