Il fut un temps où Palmyre était un symbole de puissance. Puissance économique pour cette oasis caravanière, du Ier siècle au IIIe siècle, grâce au commerce d'épices, de soie, d'ivoire... En ce temps-là, les Palmyrois voyageaient du Golfe à l'Euphrate, jusqu'à l'Égypte et l'Inde.
Puissance culturelle pour cette ville au carrefour des mondes et des civilisations, réalisation unique, car recelant en ses pierres la fusion de l'art gréco-romain, des pratiques autochtones et d'influences perses.
Puissance politique quand Zénobie dirigea, à partir de Palmyre, un empire s'étendant sur la Syrie, une partie de l'Égypte, jusqu'aux frontières de l'Asie mineure.
Ville dont la résonance dépasse le temps de sa splendeur, puisque Palmyre eut une influence décisive sur le renouveau ultérieur des styles d'architecture classiques et de l'urbanisme en Occident, rappelle l'Unesco, qui a inscrit la cité au patrimoine mondial de l'humanité.
Aujourd'hui, les jihadistes de l'organisation de l'État islamique sont aux portes de Palmyre.
La directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, multiplie jusque dans nos colonnes les appels à sauver « ce trésor irremplaçable pour le peuple syrien et pour le monde ». Des mots pas plus suivis d'actes qu'à Ninive, Nimrod, Hatra, Khorsabad, Tombouctou, Bamyan...
Dans leur avancée vers Palmyre, les jihadistes de l'EI ont perpétué de nouveaux massacres, exécutant des dizaines de civils, dont neuf enfants, accusés de « collaboration avec le régime ». Des morts qui vont venir gonfler un peu plus encore le terrible bilan de quatre ans d'une guerre à laquelle le monde ne sait comment, ne peut, ne veut, vraiment mettre fin.
Palmyre qui renvoie à l'horreur de la guerre, au cauchemar jihadiste, mais qui fut longtemps associée, hors des guides touristiques, avec la répression infernale exercée par le régime d'Assad père. Le long de la route traversant le désert se trouve une prison. La prison de Tadmor, l'autre nom de Palmyre. Derrière les murs de ce bagne, où les prisonniers devaient garder tête baissée sous peine d'un passage supplémentaire entre les mains du tortionnaire de service, ont été perpétrées les pires atrocités. En 1980, notamment, quand y furent massacrés des détenus islamistes. Avant et après aussi. Une vaste entreprise de déshumanisation régulièrement dénoncée par la communauté internationale. Sans que ces mots ne changent l'abominable quotidien des détenus. La prison a fermé en 2001, pour rouvrir en 2011...
Il fut un temps où Palmyre était un symbole de puissance. Aujourd'hui, elle n'en finit plus de nous rappeler notre impuissance.
Palmyre, symbole de l’impuissance
OLJ / Par Émilie SUEUR, le 18 mai 2015 à 00h00
commentaires (3)
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LA LIBRE EXPRESSION
09 h 28, le 19 mai 2015