Non. Bien sûr que non. Cela ne peut pas. Ce n'est pas parce que ce jeune homme est le résultat insensé d'un croisement de Marlon Brando à 23 ans avec une dendrophylax lindenii, cette orchidée fantôme, la plus rare du monde, qu'il peut se permettre de me dire, avec toute la candeur infernale de sa jeunesse et pendant que je mettais un peu d'ordre dans mes cheveux, qu'il est « impossible », je le cite*, qu'il m'épousât. Personne. Personne au monde n'a jamais refusé, ne fût-ce qu'un instant, même dans l'intimité de son cerveau ou de son cœur, la moindre de mes onze demandes en mariage. Il est hors de question que ce monsieur Klaus Burkart rompe cette chaîne ultramagnétique entre les hommes, n'importe quel homme, et moi-même ; hors de question qu'il fasse jurisprudence ; hors de question que je le/me laisse faire. Surtout que les convives de Karlounet, Karl Lagerfeld, mon neveu au troisième degré, tous les convives : Kate Moss et Jamie Hince, Kris Van Assche, Marie Laforêt (de plus en plus Castafiore sous Prozac) et la princesse Victoria de Suède n'ont pas eu l'élégance de réfréner leurs rires, de plus en plus gras, de plus en plus gênants.
Moi : Monsieur, vous allez m'épouser.
L'angelot : Madame, je vous le répète, c'est impossible.
Moi : Que voulez-vous parier ?
L'angelot, souriant de nouveau, tellement que les papillons dans mon estomac se sont suicidés de bonheur : Ce que vous voulez, milady.
Ce que je veux ? Par les bas résilles de Mary Quant ! Ce gourgandin ne manque ni de culot ni d'assurance. Moi : Me donnez-vous au moins carte blanche pour essayer ?
L'angelot, goguenard : Totalement.
Moi : Vous rentrez avec moi dans cinq heures à Beyrouth.
Lui : J'aurais adoré. Mon arrière-grand-mère paternelle est d'un village qui s'appelle Bint Jbeil. Mais je dois être au travail demain matin.
Moi, après avoir hoqueté sur Bint Jbeil : Et que faites-vous dans la vie ?
Lui : Je suis technicien du lait.
*Lire la Hotte d'or précédente dans notre édition du mercredi 6 mai.
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