Dans une allocution télévisée hier, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s'est prononcé successivement sur le Yémen, où « l'agression de l'Arabie saoudite se poursuit », l'Irak, où « les États-Unis ont déjà initié un premier pas, très dangereux, vers le morcellement de la région, en annonçant leur volonté d'armer un groupe au détriment d'un autre, dans la lutte contre l'État islamique, sans autorisation officielle », la Syrie, « où le régime a perdu une bataille mais en gagnera de nombreuses autres », malgré « la guerre psychologique menée contre lui », et enfin, la perspective de la bataille du Qalamoun.
C'est sur ce dernier point que Hassan Nasrallah a limité le volet libanais, précisant que la situation libanaise (gouvernement, législation, sécurité...) sera dûment traitée dans une prochaine intervention le 25 mai, à l'occasion de la fête de la Libération. Concernant donc la bataille du Qalamoun, le leader chiite a réfuté la thèse selon laquelle cette bataille n'aurait pas lieu. D'abord, il a écarté tout lien entre la perspective de cette bataille et l'urgence de renflouer le régime syrien. « J'avais annoncé qu'une échéance surviendrait après la fonte des neiges. Et j'avais tenu ces propos avant la prise d'Idlib et de Jisr el-Choughour (par les rebelles syriens). Dire que la bataille du Qalamoun répond à un besoin urgent, c'est tenir des propos vides, même si les bénéfices d'une éventuelle victoire sont indiscutables », a-t-il déclaré.
Il a expliqué en outre que l'annonce qu'il avait faite de « l'échéance après la fonte des neiges » était motivée par « notre connaissance des intentions des groupes armés basés dans le Qalamoun et dans l'Anti-Liban de mener des agressions afin d'inverser l'équation dans cette zone. Preuve en est, depuis la fonte des neiges, ils multiplient les rapts et meurtres à Ersal. Leurs intentions sont claires ».
Le secrétaire général du Hezbollah a ainsi décrit l'existence d'une menace véritable dans cette zone, à laquelle une réponse est selon lui impérative. « Nous ne parlons pas d'une menace hypothétique, mais d'une agression effective et continue, dont les manifestations sont : l'attaque menée par les groupes armés contre des positions qui leur font face, l'occupation de vastes espaces libanais dans le jurd de Ersal, les agressions contre l'armée libanaise, la détention de soldats libanais, le bombardement de la zone frontalière », a précisé Hassan Nasrallah. « Une solution à ce problème s'impose. Notre décision est prise (à cet égard), et ne rien faire serait un manquement à nos responsabilités », a-t-il dit, rejetant tout argument en faveur d'une attente qu'un consensus interlibanais se dégage à ce sujet avant d'agir.
Il a également repoussé la logique qui veut que cette solution soit du seul ressort de l'armée. « Il est clair que l'État est incapable de faire face à cette menace, sinon il l'aurait fait », a-t-il affirmé, précisant néanmoins que « si l'État assume cette responsabilité, nous le soutiendrons. Nous sommes même prêts à lui servir d'avant-garde ».
S'efforçant de se justifier par rapport à la médiatisation de la bataille par le Hezbollah lui-même, il a dit : « Nous sommes prêts à la bataille du Qalamoun et de l'Anti-Liban, mais aucune position officielle n'a émané du Hezbollah concernant cette bataille. Certes, il y a des indications et des préparatifs que les gens peuvent voir et commenter, mais, en ce qui nous concerne, nous n'avons rien dit, et cela est dans notre intérêt. Nous n'avons de surcroît rien révélé, ni sur le lieu et la date de la bataille ni sur ses objectifs sur le terrain. Nous n'avons rien dit qui puisse nous lier », a-t-il expliqué, ajoutant que « lorsque la bataille commencera, tout le monde le saura automatiquement ».
Le Yémen
Consacrant la plus grande partie de son discours à la situation régionale, Hassan Nasrallah a dénoncé « les leurres de l'Arabie saoudite, qui prétend avoir accompli les objectifs de l'opération "Tempête de la fermeté" au Yémen ». « L'agression se poursuit, et, avec elle, le meurtre des civils, sur fond de désinformation orchestrée par les chaînes satellites », a-t-il dit. Selon lui, l'opération « Restaurer l'espoir » vise ainsi, d'une part, « à camoufler l'échec de la première opération » et, d'autre part, à « fixer des objectifs moins ambitieux que les premiers, afin d'invoquer plus facilement de prétendus accomplissements ».
Il reste que « le véritable objectif de Riyad est d'asseoir son hégémonie et celle des États-Unis sur le Yémen ». Il a appelé à une réaction « régionale et internationale » pour y faire face.
La riposte de Hariri : «Vous vous êtes attribué une mission immorale»
Tard en soirée, le chef du courant du Futur, Saad Hariri, a fustigé les propos de Hassan Nasrallah, « pour qui l'intérêt du Liban vient en dernier sur la liste de ses préoccupations ».
« Ce qui est sûr, c'est que l'État dans ses composantes, à savoir l'armée, le gouvernement, les institutions, n'existe pas pour lui. Il estime que le Hezbollah le remplace et fera la guerre du Qalamoun à sa place », a-t-il déploré dans un communiqué, en reprochant également au chef du Hezbollah de « considérer les frontières du Liban comme la propriété de son parti ».
« Nasrallah présente la guerre du Qalamoun comme étant inévitable et affirme vouloir en déterminer l'heure et le lieu en partant du principe qu'il s'agit d'un devoir moral, national et religieux. Nous lui disons : vous vous êtes attribué une mission qui n'a rien de moral, de national ou de religieux. Vous vous jouez du sort d'un Liban qui est au bord du gouffre. »
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CORRECTION ! MERCI : ".... rois barbares qui marchaient jadis sur Rome...."
06 h 05, le 07 mai 2015