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Liban - Libertés publiques / Web

« Un poste de police ne sera jamais le Palais de justice », s’insurge le bâtonnier Jreige

En contactant simplement le 70-235463, les usagers de la Toile qui sont victimes d'exactions peuvent désormais bénéficier gratuitement de consultations juridiques auprès d'avocats collaborant avec l'ONG March, qui met en garde contre les abus du bureau de lutte contre les crimes cybernétiques.

« N'aie pas peur de la liberté, aie peur pour elle. » Ce slogan, résonnant comme un cri du cœur pour défendre la liberté d'expression sur Internet, a constitué le thème d'une conférence qui s'est tenue mardi à la Maison de l'avocat. Organisé par le bureau régional de l'Unesco, l'association March contre la censure, et la commission de l'informatique et de la technologie de l'ordre des avocats de Beyrouth, l'événement était placé sous le parrainage du bâtonnier de l'ordre des avocats de Beyrouth, Georges Jreige. Y ont également participé le général Ziad Jazzar et le général Ziad Bourgi, représentant respectivement le directeur général des Forces de sécurité intérieure (FSI) et le directeur général de la Sûreté générale (SG), tandis que l'on notait dans l'auditoire la présence d'internautes victimes des agissements du bureau de lutte contre les crimes cybernétiques.

Des moyens non adaptés
Présentant l'événement, Me Diane Assaf, avocate de l'ONG March, a d'abord déploré l'absence d'une législation libanaise qui régirait le réseau Internet, indiquant dans ce cadre qu'au Liban, le tribunal des imprimés et le parquet se déclarent paradoxalement tous deux compétents en la matière. « Alors qu'en France, par exemple, Internet est régi depuis plus de dix ans par les dispositions spéciales de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) qui définit avec précision le régime de responsabilité des utilisateurs », a-t-elle ajouté.
Prenant la parole, la cofondatrice de l'ONG March, Léa Baroudi, a dénoncé les agissements de certains agents de la police judiciaire contre des usagers dont le seul tort est d' « avoir exprimé leurs opinions ou d'avoir partagé d'autres pensées ou sentiments sur les réseaux sociaux ». Elle a accusé ces fonctionnaires d' « user de moyens pour le moins non adaptés, tels que les convocations sans raison ou pour une fausse raison, l'interdiction d'avoir recours à un avocat au cours des interrogatoires et la pression exercée sur l'usager arrêté pour lui faire signer un engagement à ne pas récidiver ».

La ligne verte
Face à de telles exactions, la militante a fait état d'une ligne téléphonique d'urgence (hotline) établie pour venir en aide aux internautes interpellés. « En appelant le 70-235463, disponible sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les utilisateurs d'Internet peuvent bénéficier de conseils de plusieurs avocats collaborant avec March », a expliqué Léa Baroudi.
Rappelant que la liberté d'expression est une liberté constitutionnelle, le bâtonnier de Beyrouth, Me George Jreije, a pour sa part insisté sur « la nécessité d'élaborer au Liban des lois pour l'information électronique et pour les crimes électroniques ». Il a précisé que, dans cette optique, deux projets de lois sont actuellement examinés par la commission parlementaire de l'Administration et de la Justice, en collaboration avec l'ordre des avocats.

Le droit à la défense
En vue d'« assurer la sécurité aux internautes », le bâtonnier a également revendiqué « la nécessité pour la personne interpellée de pouvoir être accompagnée d'un avocat dès la convocation au bureau de lutte contre les crimes cybernétiques et tout au long des enquêtes préliminaires ». Me Jreige a même souhaité la suppression de la compétence de ce bureau ainsi que celle des juridictions pénales, par le biais de la « création d'un tribunal similaire à celui des imprimés ». Il a estimé dans ce cadre que ces actes litigieux commis sur la Toile doivent être examinés selon une approche « légale et non sécuritaire ».
S'adressant au général Ziad Jazzar, Me Jreige a conclu en affirmant que « tant que l'ordre des avocats existe – et il continuera à exister –, le poste de gendarmerie ne tiendra jamais lieu de Palais de justice ».
Pour toute réponse aux propos du bâtonnier, le général Jazzar a assuré que « le bureau de lutte contre les crimes cybernétiques n'a jamais outrepassé ses pouvoirs puisqu'il a toujours procédé aux convocations sur seul ordre du parquet ». « Le bureau remplit sa fonction selon les règles du droit, rapportant simplement les faits et actes, et laissant au parquet le pouvoir de les qualifier de criminels », a-t-il insisté.
Rappelant que la liberté d'expression est une assise sur laquelle « repose notre régime démocratique », Charbel Kareh, président de la commission de l'information et de la technologie au sein de l'ordre des avocats, a quant a lui estimé qu'« émettre des opinions qui vont à l'encontre de celles des autorités au pouvoir ne peut constituer un crime ».
Enfin, M. Georges Awad, responsable du programme de la communication et de l'information du bureau régional de l'Unesco, a mis l'accent sur « le travail de l'Unesco auprès des universités pour sensibiliser les étudiants sur l'importance d'exercer cette liberté d'expression sacrée dans un cadre moral et respectueux ».

Le témoignage d'un internaute
À l'issue de la conférence, L'Orient-Le Jour a recueilli le témoignage de Karim Hawa, un internaute – parmi tant d'autres – qui avait été interpellé et arrêté dans des conditions irrespectueuses du droit à la défense.
« En novembre dernier, le bureau de lutte contre les crimes cybernétiques m'a convoqué au motif que j'avais volé le téléphone portable que j'utilisais, a rapporté Karim Hawa. Confiant de l'erreur qui a pu se produire, j'ai de suite obtempéré en me rendant au bureau pour, à ma grande surprise, me voir signifier que j'étais coupable d'un tout autre crime, celui d'avoir partagé sur Internet un lien dévoilant la collaboration du ministère de l'Intérieur avec une société internationale juive dans une affaire d'impression de passeports libanais; coupable ainsi d'avoir usé de mon droit à la liberté d'expression ! » s'exclame Karim qui poursuit : « J'ai eu beau me défendre en précisant qu'un député avait auparavant dénoncé ce fait sur une chaîne de télévision et que par la suite un journal avait aussi partagé ladite information sur son site Web, le verdict express de mon emprisonnement est tombé implacable. Incarcéré durant deux jours dans les locaux du bureau, je fus transféré à la prison de Baabda où, pendant trois autres jours, j'ai partagé la cellule de plusieurs criminels de droit commun, avant de m'apprêter à aller croupir dans la prison de Roumieh. Mais pour ma grande chance, une connaissance de ma famille est intervenue auprès d'une personnalité influente qui m'a finalement libéré », a enfin lancé le jeune homme d'un ton soulagé mais empli de rancœur.

« N'aie pas peur de la liberté, aie peur pour elle. » Ce slogan, résonnant comme un cri du cœur pour défendre la liberté d'expression sur Internet, a constitué le thème d'une conférence qui s'est tenue mardi à la Maison de l'avocat. Organisé par le bureau régional de l'Unesco, l'association March contre la censure, et la commission de l'informatique et de la technologie...

commentaires (2)

LES PAROLES... EN ACTES S.V.P. !!!

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 00, le 30 avril 2015

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Commentaires (2)

  • LES PAROLES... EN ACTES S.V.P. !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 00, le 30 avril 2015

  • Il est absolument inadmissible qu'un internaute soit poursuivi pour reproduire et répandre une information de presse sur Internet. Cela est caractéristique de pays de 4e monde, voyons !

    Halim Abou Chacra

    06 h 09, le 30 avril 2015

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