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Moyen Orient et Monde - Analyse

Jean-Paul II, François : deux papes, deux siècles, un message

Dix ans après la mort de Karol Wojtila, la question de la continuité entre sa papauté et celle de Jorge Bergoglio peut désormais se poser.

Populaire, bienveillant, bon communicant, le pape François est souvent comparé à son illustre prédécesseur, le pape Jean-Paul II. Il faut dire qu'au-delà de leur bonhomie respective et de leur visibilité médiatique, les deux souverains pontifes ont plusieurs points en commun. Ni véritables théologiens ni diplomates ecclésiastiques, les profils de Karol Wojtila et de Jorge Bergoglio rompent avec l'image traditionnelle que l'on se fait des papes. Proches des foules, actifs sur le terrain, notamment dans les zones les plus pauvres du monde, Jean-Paul II et François, tous deux originaires de pays en voie de développement, ont réussi à incarner un message universel et à réconcilier l'Église avec ses fidèles. Pourtant, malgré toutes ces similitudes, c'est bien la question de la continuité entre ces deux papes qui peut désormais se poser dix ans après la mort du saint Jean-Paul II. Autrement dit : François est-il vraiment l'héritier de Jean-Paul II ? Le grand théologien Benoît XVI, injustement surnommé « Panzerkardinal », n'était-il qu'un intermédiaire entre ces deux grands modernisateurs ?


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Géant Wojtila
Comparer les pontificats de Jean-Paul II et de François est un exercice pour le moins délicat. Le premier a régné pendant 27 ans (1978-2005) à la tête de l'Église alors que le second a été élu il y a moins de deux ans. Karol Wojtila était un géant, presque un empereur, qui a révolutionné la fonction papale et véritablement marqué toute une génération de croyants. En combattant les deux totalitarismes du XXe siècle, le nazisme et le communisme dans sa Pologne natale. En affrontant non seulement les bouleversements de la fin du siècle dernier comme la guerre froide, la chute du mur de Berlin, l'effondrement de l'Empire soviétique et l'entrée dans l'ère de la mondialisation, mais aussi les séismes de ce siècle comme le 11 septembre, la guerre en Irak et l'exode des chrétiens d'Orient. En demandant pardon aux juifs pour les crimes commis au nom de la foi chrétienne pervertie et en encourageant le dialogue interreligieux. En étant le porte-parole de l'Église au moment de son entrée dans le troisième millénaire. En voyageant plus qu'aucun autre pape pour transmettre son message.
En comparaison de cette véritable star mondiale, Jorge Bergoglio devrait, en toute logique, faire figure de « petit » pape. Pourtant, en seulement quelques mois, François a prouvé qu'il pourrait laisser un héritage tout aussi grand que celui de saint Jean-Paul II. Pas en rétablissant la paix aux quatre coins de l'humanité ni en devenant l'idole de son époque, mais tout simplement en revenant aux sources du message chrétien : la miséricorde, l'amour et le pardon. L'image de François en train de laver les pieds de jeunes délinquants en prison, puis de deux femmes, dont une musulmane, à l'occasion du jeudi saint, ne vaut-elle pas toutes les messes, tous les voyages et tous les discours du monde ?


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Gauche et droite
Chaque pontificat s'inscrit dans un contexte particulier. Jean-Paul II cherchait à contenir l'expansion communiste, quand François dénonce les conséquences de l'ultralibéralisme. Jean-Paul II était un moraliste conservateur, intransigeant sur les questions relatives à l'homosexualité ou à l'avortement, qui a favorisé la montée en puissance de l'Opus Dei au sein de l'Église. François est un jésuite, profondément attaché au pouvoir du peuple, à la lutte contre la pauvreté, bien qu'associé à tort aux théologiens de la libération, qui reste très flou sur les questions relatives aux mœurs qui doivent être traitées, selon lui, au cas par cas. Jean-Paul II était, dans une certaine mesure, un dogmatique de droite, qui pensait que la société doit se transformer par le haut. François est, dans une certaine mesure, un relativiste de gauche qui considère que la société doit se transformer par le bas.
En dénonçant les multiples maladies de la curie, comme « l'Alzheimer spirituel », « la schizophrénie existentielle », « la pétrification mentale et spirituelle », « le terrorisme du bavardage », « la maladie du visage funèbre » ou encore « la vie cachée et souvent dissolue », la recherche de « la vaine gloire », le « vide spirituel », la « médiocrité », la « médisance », les « meurtriers au sang-froid de la renommée des collègues », François a fait ce qu'aucun pape n'avait osé faire avant lui. Il a désacralisé l'homme derrière la fonction, les hommes derrière l'Église. Et c'est justement grâce à cette entreprise de désacralisation qu'il a redonné la foi et l'espérance à ses fidèles.
C'est François qui a canonisé Jean-Paul II il y a un an, en le décrivant comme « le pape de la famille ». C'est ce même François qui a rendu hier un hommage à son prédécesseur en déclarant : « L'exemple et le témoignage de saint Jean-Paul II sont toujours vivants parmi nous. »
Quelles que soient leurs différences ou leurs similitudes, les deux pontifes, tout comme Benoît XVI, sont tous les deux restés fidèles au message de l'Évangile. Mais chacun l'a interprété selon les circonstances de son époque. À chacun son siècle, l'un était un pape du XXe, tandis que l'autre est un pape du XXIe.

 

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