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Moyen Orient et Monde - Conférence

Quand l’eau devient une « arme de destruction massive »

« Blue Peace », ou comment transformer les conflits liés à l'or bleu, source de crises, en facteur de coopération et de développement, notamment au Proche-Orient.

« L’eau est aussi un instrument de terreur chez les jihadistes de l’État islamique (EI) », a affirmé Bakhtiar Amin, ancien ministre irakien, rappelant ainsi la prise du barrage de Mossoul par les jihadistes en août 2014. Ahmad al-Rubaye/AFP

L'eau est plus que jamais un enjeu mondial. D'où l'intérêt grandissant des États pour s'approprier d'une manière stable et sécurisée cette ressource naturelle précieuse.
Les conflits, et parfois même les guerres, naissent quand cette ressource devient rare. Cela on le savait déjà. Mais « l'eau est aussi un outil de terreur chez les jihadistes du groupe État islamique (EI) », a affirmé Bakhtiar Amin, ancien ministre irakien, lors d'une conférence sur l'eau intitulée « Blue Peace », organisée la semaine dernière à Amman.
Il a ainsi rappelé la prise du barrage de Mossoul par les jihadistes, en août 2014, et leur menace de le détruire. Selon lui, les dangers engendrés par de telles actions sont aussi graves que les bombes et les attaques militaires. « Les menaces qui visent l'eau sont aussi graves et importantes que les assassinats ou la destruction des sites archéologiques et culturels », a-t-il ajouté.

 

(Pour mémoire : Accord de l’Égypte à un immense barrage éthiopien sur le Nil)


« Si les jihadistes avaient mis leur menace de faire sauter le barrage de Mossoul à exécution, des dommages énormes auraient pu être causés aux Irakiens », a souligné, de son côté, l'ambassadeur irakien Walid Shiltagh, chef du département de la coopération régionale au sein du ministère des Affaires étrangères. « Près de sept millions de personnes auraient été touchées. Des surfaces énormes de terres agricoles auraient été complètement détruites. Il s'agit d'une arme de destruction massive », a poursuivi l'ambassadeur. « La menace n'a pas complètement disparu, puisque les jihadistes de l'EI contrôlent toujours plusieurs autres barrages, mais de moindre importance », a ajouté Bakhtiar Amin.
L'ancien ministre irakien a, par ailleurs, expliqué que « les guerres et leurs flots de réfugiés constituent également une menace importante sur les ressources naturelles et énergétiques, dont l'eau est la plus importante », notamment en Jordanie et au Liban, deux pays qui croulent sous le poids des centaines de milliers de réfugies syriens ayant fui la guerre dans leur pays.

 

(Lire aussi : Le changement climatique, déjà à l'œuvre dans les conflits ?)


C'est dans ce contexte complexe qu'est né le projet « Blue Peace ». Son but est d'encourager la « diplomatie de l'eau » pour transformer les conflits liés à l'eau, source de crises, en facteur de coopération et de développement. Malheureusement, le Moyen-Orient est encore bien loin de cette utopie. Non seulement la région est à des années-lumière de toute forme de coopération entre les pays qui le forment sur les fleuves qui les traversent, mais les conflits armés meurtriers, internes ou transfrontaliers, foisonnent, sans parler du « manque de confiance et beaucoup de mauvaise foi entre les pays », a expliqué le Jordanien Saad Abou Hammour, secrétaire général de l'autorité de la vallée du Jourdain, dénonçant les multiples violations israéliennes des accords conclus avec son pays concernant l'eau du Jourdain, notamment le détournement des ruisseaux qui alimentent le Jourdain.

 

(Lire aussi : Le changement climatique, source de "pauvreté" et d'"injustice")


Même son de cloche concernant la Syrie. Selon Mayssoun al-Zoubi, du ministère jordanien de l'Eau et de l'Irrigation, Damas a constamment violé les accords concernant le Yarmouk, et ce depuis 1987. En plus, les Syriens ont refusé de renégocier l'accord, malgré un changement substantiel de la situation sur le terrain.
Pour encourager les différents acteurs régionaux à coopérer, Strategic Foresight Group et Wana Institute ont invité à Amman des experts et des dirigeants africains pour partager avec eux quelques expériences de coopération régionale réussies en Afrique. Le premier cas africain concerne le bassin du Nil, où près de 228 millions de personnes vivent dans une dizaine de pays limitrophes (Égypte, Soudan, Éthiopie, Ouganda, Kenya, Tanzanie, Burundi, Rwanda, République démocratique du Congo et Érythrée comme observateur).
Selon le directeur exécutif de la NBI (Nile Bassin Initiative), John Rao Nyaoro, trois défis majeurs ont permis d'avancer sur ce dossier : le changement climatique et ses conséquences, la dégradation des ressources exploitables ainsi que la pollution et la disparité dans les capacités des pays de profiter équitablement de l'eau. Les efforts accomplis depuis le démarrage de l'initiative ont ainsi permis d'augmenter la coopération entre les pays, le partage d'informations, la planification conjointe et la collaboration dans l'expansion de l'infrastructure. Un autre cas est par ailleurs considéré comme un cas d'école en Afrique : il s'agit du fleuve Sénégal, avec la coopération, depuis 1972, entre la Guinée, le Mali, la Mauritanie et évidemment le Sénégal.
Selon Ba Madine, le secrétaire général de l'OMVS (Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal), pour arriver à cette forme avancée de collaboration entre les États, leurs dirigeants respectifs ont dû mettre de côté leur ego. En outre, a-t-il poursuivi, les raisons du succès de cette initiative sont le fait qu'elle a créé un cadre juridique et institutionnel avec des outils de mise en œuvre efficace. Ce qui a, à long terme, permis d'atteindre un point de non-retour, encourageant ainsi, malgré parfois des tensions entre certains pays, une coopération étroite. Selon lui, « il n'y a pas d'alternative à la coopération ». « Même si on peut faire seul, on peut faire mieux ensemble », a-t-il ajouté.

 

 

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