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Sharbat, Aïsha, Farkhunda et les autres

Nasir Bagh, camp de réfugiés afghans au Pakistan, 1984
Un châle bordeaux qui ne peut retenir une masse de cheveux en bataille, et deux iris verts qui fixent l'objectif. Deux iris d'un vert dérangeant, un regard qui irradie la peur et la colère, comme une mise en accusation du monde.
Sharbat Gula, mais son nom n'est pas connu à l'époque, a 13 ans quand un photographe du National Geographic la propulse, quelques mois plus tard, au statut d'icône médiatique avec un cliché en couverture du magazine. Pachtoune, elle est orpheline. Son père, sa mère, ses frères, sa grand-mère ont été tués lors d'une opération soviétique en Afghanistan. Quand le monde la découvre, elle est réfugiée dans le camp de Nasir Bagh, au Pakistan voisin. En 2002, le photographe, obsédé par son modèle, la retrouve, le même vert aux yeux, en Afghanistan. Mais les traits sont tirés, les cheveux totalement cachés par un voile bleu. Treize ans plus tard, elle refait l'actualité, recherchée par Islamabad pour une affaire de faux papiers. Sur la photo diffusée par les autorités pakistanaises, un visage clair enchâssé dans un tchador noir. La famille qu'elle s'est recréée est éclatée entre l'Afghanistan et le Pakistan, au gré de leurs relations compliquées. Sharbat Gula, image d'un peuple ballotté par les aléas d'une histoire violente.

Province of Oruzgan, Afghanistan, 2009
Un châle violet d'où s'échappent de longues mèches noir de jais, deux iris de la même couleur qui fixent l'objectif, une pose qui n'est pas sans rappeler celle de Sharbat Gula, de trois quarts. Entre les deux yeux sombres, pas de nez. Pas d'oreilles non plus, mais ça on ne le voit pas.
À 12 ans, Bibi Aïsha a été mariée de force par sa famille pour effacer une dette de sang. En guise de lune de miel, Bibi Aïsha sera battue, obligée de dormir dans l'étable, réduite à l'esclavage et finalement obligée de s'enfuir avant d'être rattrapée. Le village, sous contrôle taliban, rend son verdict : Aïsha sera défigurée. Son mari lui tranche le nez et les oreilles pendant que son frère la tient. Elle est transportée à l'hôpital trois jours après l'attaque.
Sous le portrait de Bibi Aïsha, en couverture du magazine américain en juin 2010, un titre : « Ce qu'il se passera si nous quittons l'Afghanistan. » Bibi Aïsha, l'horreur instrumentalisée.

Kaboul, ce dimanche
Un châle bleu sur les cheveux, visage sombre et baissé. De quelle couleur sont ses yeux ? Derrière cette femme anonyme, une autre femme qui lui tient la main, les cheveux au vent et la bouche figée sur un cri dont on devine, par-delà la froideur des pixels, toute la colère et la tristesse qu'il charrie. Autour d'elles, d'autres Afghanes, les traits tirés. En équilibre sur leurs épaules, un cercueil. Dans le cercueil, Farkhunda, 27 ans, lynchée jeudi par la foule qui l'accusait d'avoir brûlé un exemplaire du Coran. Farkhunda a été battue à mort ; son corps, jeté dans le lit de la rivière Kaboul, a été brûlé.

L'un des objectifs de l'intervention étrangère, en 2001 en Afghanistan, était de redonner un minimum de droits aux Afghanes. Des progrès ont été accomplis.
En 2014, plus d'un quart des députés étaient des femmes. Elles ont trouvé leur place dans les médias, ont rejoint les rangs de la police, jusqu'à la tête d'un commissariat. Elles ont accès à l'éducation, à la santé...
Mais le tribalisme, l'ultraconservatisme et le terrorisme règnent toujours.
La meilleure arme contre ces maux serait l'éducation. Mais comment faire de l'éducation une priorité dans un contexte sécuritaire délétère... Une histoire de poule et d'œuf dont les Afghanes continuent d'être les victimes.

 

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"C'est un crime contre une famille, un crime contre une sœur et un crime contre l'humanité"

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commentaires (2)

Des pays barbares. Aucun espoir d'amélioration.

Halim Abou Chacra

11 h 15, le 24 mars 2015

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Commentaires (2)

  • Des pays barbares. Aucun espoir d'amélioration.

    Halim Abou Chacra

    11 h 15, le 24 mars 2015

  • OBSCURANTISME ET FANATISME RELIGIEUX... LES DEUX MAUX QUI ENSANGLANTENT TOUS LES PAYS DU MOYEN ORIENT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 52, le 24 mars 2015

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