La guerre verbale du week-end, une tempête dans un verre d’eau

Rien n'a changé dans le programme prévu par le courant du Futur et le Hezbollah pour le dialogue. Leur neuvième round de pourparlers se tiendra comme prévu, aujourd'hui à Aïn el-Tiné, et s'inscrit dans la continuité des précédents qui se veulent notamment des vecteurs d'apaisement sur la scène sunnito-chiite. À cette nuance près : la séance d'aujourd'hui débutera avec un échange de reproches et un « lavage des cœurs » qui s'impose après les virulents échanges du week-end dernier. Les deux partis rappelleront chacun ses constantes et ses positions avant de réaffirmer leur engagement en faveur d'une trêve verbale, croit savoir un responsable qui suit de près les séances de dialogue.
Selon lui, le Hezbollah entend insister sur la nécessité de « freiner » les envolées critiques qui ne correspondent pas au climat voulu pour le dialogue et qui risquent de le compromettre. La diatribe, dimanche, du chef du bloc parlementaire du Hezb, Mohammad Raad, en réaction au discours de l'ancien Premier ministre, Fouad Siniora, samedi au Biel, à la faveur du lancement du Conseil national du 14 Mars, doit être située dans ce cadre, poursuit ce responsable qui précise que le parlementaire avait riposté suite à une décision en ce sens du conseil consultatif du Hezbollah qui jugeait nécessaire de mettre une sourdine à tout ce qui est de nature à raviver les tensions en cette période.
Les visiteurs de Aïn el-Tiné rapportent dans le même cadre que le président de la Chambre, Nabih Berry, est intervenu pour empêcher « une nouvelle rupture » entre les deux partis.
Non loin de Aïn el-Tiné, les contacts se poursuivent au niveau chrétien pour fixer la date d'une rencontre entre les chefs du Courant patriotique libre, Michel Aoun, et des Forces libanaises, Samir Geagea. Les artisans de cette rencontre restent persuadés que des retrouvailles entre les deux adversaires politiques n'aura aucun impact sur le règlement des dossiers conflictuels, mais favorisera, à l'instar du dialogue de Aïn el-Tiné, une détente au niveau de la rue chrétienne.
Un ministre relève à ce propos que les dialogues engagés sur les deux fronts chrétien et musulman sont importants dans la mesure où ils peuvent consolider l'unité interne et la coexistence à un moment où l'on craint une reprise des assassinats politiques et de nouvelles offensives des groupes fondamentalistes postés sur les hauteurs de l'Anti-Liban. Sur le front musulman, la finalité du dialogue reste sécuritaire par excellence alors qu'elle est politique au niveau chrétien. Sauf que les deux sont loin de pouvoir déboucher sur un règlement des dossiers conflictuels, et notamment la présidentielle, tant qu'une percée n'aura pas été effectuée au niveau du dossier régional. Le camp du 8 Mars en est persuadé. Le 14 Mars estime toujours en revanche qu'une libanisation de la présidentielle est possible si le 8 Mars renonce à ses engagements extérieurs et accepte un candidat de compromis.
La question est donc de savoir si le dossier de la présidentielle va continuer de faire du surplace une fois qu'un accord sur le nucléaire serait signé entre l'Iran et les États-Unis ou bien s'il va finir par être inscrit sur l'agenda des puissances internationales, notamment Washington. Là aussi, les avis sont partagés au Liban. D'aucuns pensent que le Liban n'est pas une priorité pour l'Occident ou pour le monde arabe, et jugent que les responsables libanais se doivent de débloquer eux-mêmes cette échéance.
Le camp du 8 Mars est en faveur de cette théorie qu'il fonde sur le fait que l'évolution de la situation dans la région est bénéfique à l'axe iranien qui progresse sur le terrain, contrairement à l'axe saoudo-américain qui poursuit sa régression. Il considère que ses adversaires politiques doivent admettre cette réalité et agir en fonction, c'est-à-dire en reconnaissant la défaite de l'axe auquel ils appartiennent et en élisant le général Aoun à la tête de l'État. Mais tel n'est pas l'avis du 14 Mars qui pense qu'une fois l'accord sur le nucléaire signé, le Liban remontera dans la liste d'intérêt des puissances occidentales qui sont conscientes du fait qu'il est, géographiquement, le seul pays chrétien depuis l'Inde jusqu'à la Méditerranée et que l'élection d'un président fort est importante non seulement pour les chrétiens du Liban, mais, surtout, pour ceux de la région qu'elle peut encourager à rester attachés à leur terre. Ce point de vue a été relayé par un homme politique libanais qui, citant un responsable du département d'État avec qui il s'était récemment entretenu, a souligné l'attention portée au dossier libanais à cause de ce que les chrétiens d'Orient endurent et l'effort qui doit être fourni pour convaincre l'Iran de débloquer la présidentielle et de pousser son allié local à mettre fin à son boycottage des réunions parlementaires électorales et à s'engager avec ses adversaires politiques dans un dialogue devant déboucher sur une entente autour d'un candidat consensuel.
Dans plusieurs capitales, on pense que l'accession à la tête de l'État d'un candidat de l'un ou l'autre des deux parties politiques est difficile dans les circonstances actuelles.