Les Suédois « extrêmement fiers » de leur gouvernement

Après la rupture de la coopération militaire entre l'Arabie saoudite et la Suède, initiée par cette dernière, Riyad n'a pas tardé à réagir et à afficher son agacement. Le royaume a rappelé hier son ambassadeur en poste à Stockholm, tandis qu'un porte-parole du ministère saoudien des Affaires étrangères, cité par l'agence officielle de presse Spa, a accusé la ministre suédoise des Affaires étrangères Margot Wallström d'« ingérence flagrante dans les affaires intérieures du royaume ».

Pour rappel, mardi soir, au nom de ses principes, la Suède avait annoncé qu'elle ne renouvellerait pas cet accord de coopération signé en 2005, qui avait permis à l'époque au suédois Saab de vendre des radars à Riyad. Mme Wallström avait fortement gêné Riyad en dénonçant les « méthodes moyenâgeuses » de la justice saoudienne contre le blogueur Raëf Badaoui, flagellé pour « insulte à l'islam », au point que lundi, les Saoudiens avaient obtenu qu'elle ne prononce pas un discours prévu devant la Ligue arabe au Caire.

En réalité, et selon une source diplomatique suédoise interrogée par L'Orient-Le Jour et qui a requis l'anonymat, la décision du Premier ministre Stefan Löfven de rompre le contrat d'armement avec l'Arabie saoudite qui arrivait à échéance en mai était antérieure à l'événement survenu lundi au Caire, lors du Conseil des ministres arabes des Affaires étrangères. De son côté, le ministre de la Défense, Peter Hultqvist, a estimé que mettre un terme à cet accord s'imposait, « en partie parce qu'il ne génère pas d'activité, en partie parce qu'il n'y a pas de soutien » au sein de la coalition gouvernementale. « C'est devenu un symbole pour ce que nous défendons en tant que gouvernement, il s'agit de développement démocratique, de parité et des droits des femmes », a affirmé le chef de la diplomatie suédoise à l'agence de presse TT.
« Ce n'est pas surprenant en vérité après un débat aussi passionné. Ce qui m'avait surpris c'est la signature de cet accord il y a 10 ans, quand l'Arabie saoudite passait plus ou moins pour un pays normal », explique à l'AFP Thord Janson, chercheur en science politique de l'université de Göteborg.

« Rien de surprenant »
Contactée hier par L'OLJ, la source diplomatique suédoise anonyme a affirmé que « la réaction de l'Arabie saoudite n'a rien de vraiment surprenant » et qu'elle « s'attendait à une réaction de la sorte ». Cependant, cette même source espère « que les tensions entre Stockholm et Riyad vont progressivement s'apaiser et que l'ambassadeur saoudien rentrera vite en Suède ». Mais cela « va demander un peu de temps, pour que les frictions s'atténuent », a-t-elle estimé, ajoutant que « la Suède n'est pas encline à rompre les liens diplomatiques avec le royaume wahhabite ». Interrogée sur les réactions de la population dans son pays, la source précitée a confirmé que celles-ci étaient « ultrapositives » et que « les Suédois sont très fiers de leur gouvernement et de son acte fort envers l'Arabie saoudite ». De plus, au niveau des partis politiques, « la cohésion a été renforcée, et ils sont ravis de cette prise de position forte ».

(Lire aussi : Pourquoi la Suède a mis fin à sa coopération militaire avec Riyad)

Par ailleurs, en Arabie saoudite même, « les Suédois qui y vivent et y travaillent ne se sentent pas menacés », a affirmé cette source, qui a pris la température hier auprès de l'ambassadeur suédois en poste à Riyad. « C'est très dur pour les Suédois d'accepter que les citoyens saoudiens cautionnent ce système politique et judiciaire : les mains coupées aux voleurs, les femmes condamnées pour infidélité, les flagellations... », remarque pour sa part le chercheur Thord Janson. « Donc le gouvernement ne veut pas avoir de liens militaires avec un tel pays. C'est une logique qui est interne à la Suède », selon lui. À présent, la question pour la Suède est de « devenir une puissance morale », a également écrit le penseur libéral Fredrik Segerfeldt.

« À applaudir »
Interrogé par L'OLJ, Adam Coogle, chercheur sur le Moyen-Orient au sein de l'ONG Human Rights Watch et basé à Amman, relève que la prise de position de la Suède est un « acte extrêmement rare » et à « applaudir », même s'il pense que les deux pays « vont tôt ou tard apaiser la situation ». M. Coogle a émis des doutes quant à un possible effet domino de la part des pays occidentaux, relevant que « les enjeux économiques et sécuritaires sont trop importants. » Mais la « Suède a clairement envoyé un message fort à l'Arabie saoudite ainsi qu'à ses voisins européens ». Il est difficile d'imaginer que ce pays soit suivi par d'autres partenaires occidentaux de l'Arabie saoudite, vue comme un régime fiable dans une région troublée.

D'autre part, M. Coogle ne croit pas que le royaume wahhabite va atténuer ses persécutions, bien au contraire. Hier, un membre fondateur d'une des rares associations de défense des droits de l'homme en Arabie saoudite a d'ailleurs été condamné à dix ans de prison. Mohammad al-Bajadi, âgé d'une trentaine d'années, était accusé notamment d'avoir acquis des livres interdits, organisé une manifestation de familles de détenus et diffusé des documents susceptibles de troubler l'ordre public.

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