Depuis cinq ans, Romain Caillet, expert français des jihadistes, vivait et menait ses recherches au Liban. Dimanche, il a été empêché d'entrer en territoire libanais, a révélé mardi à l'AFP un diplomate de l'ambassade de France à Beyrouth. Persuadé que son refoulement est lié au Hezbollah, il déclare, amer, à L'Orient-Le Jour : "J'espère qu'à la prochaine révolution du Cèdre, je pourrai revenir au Liban".
"Romain Caillet a été refoulé dimanche par la Sûreté générale à l'aéroport de Beyrouth alors qu'il revenait du Maroc. Aucune explication sur les motifs de son expulsion ne nous a été fournie", a indiqué un diplomate français à Beyrouth sous le couvert de l'anonymat.
Contacté par L'Orient-Le Jour, M. Caillet, qui se trouve actuellement en France, a raconté qu'arrivé, samedi soir à l'aéroport international de Beyrouth en provenance de Casablanca, il a présenté son passeport à la Sûreté générale avant d'être appelé à se mettre de côté. "Cette procédure se répétait depuis six mois déjà chaque fois que je revenais au Liban, précise le chercheur français. Mais jusqu'à présent, on me rendait mon passeport tout de suite après".
"Après trois heures d'attente, samedi soir, un agent de la SG m'indique qu'il faut que j'attende jusqu'à dimanche dans la zone des refoulés à l'AIB, poursuit M. Caillet. Il y avait dans cette salle, meublée de canapés et où on peut commander à manger, des refoulés de toutes les nationalités, notamment syrienne."
Dimanche, alors qu'il est retenu, le chercheur appelle l'ambassade de France qui lui a promis de suivre l'affaire. Un colonel de la SG l'appelle par la suite et lui demande ce qu'il fait au Liban. Romain Caillet lui explique qu'il est un expert des mouvements jihadistes. A la question de savoir s'il connaît les raisons pour lesquelles il a été signalé, M. Caillet répond qu'il doit s'agir du contenu de ses tweets et de ses articles ou des entretiens qu'il a eus par le passé avec des salafistes libanais comme Ahmad el-Assir, Omar Bakri et avec des jihadistes libanais.
Le jeune chercheur associé de l'Institut français du Proche-Orient, un important centre de recherches, s'est spécialisé dans les mouvements fondamentalistes et préparait un doctorat sur les jihadistes français. En raison de sa connaissance de ces milieux, il était souvent sollicité par les journalistes, notamment sur l'organisation État islamique (EI).
Romain Caillet.
"A 15h dimanche, un autre agent m'appelle et m'annonce que je suis interdit d'entrée en territoire libanais, alors que mon permis de séjour est valable jusqu'au mois d'août, poursuit M. Caillet. J'ai recontacté l'ambassade de France qui a tout essayé, sans succès, la décision de mon refoulement ayant été prise au niveau de la direction de la SG".
Romain Caillet indique qu'on ne lui a pas donné de raison officielle pour son refoulement. "Mais moi je suis persuadé que la raison est la façon dont je dénonçais, dans mes articles ou lors d'émissions télévisées, le Hezbollah et ses pratiques au Liban", affirme-t-il. Le chercheur fait état dans ce contexte d'une campagne menée contre lui par des proches du parti chiite, mais assure qu'il n'avait jamais été directement menacé.
Une source haut placée au sein de la Sûreté générale avait indiqué plus tôt à L'Orient-Le Jour que Romain Caillet est "lié au terrorisme", sans donner plus de précisions.
Sur son compte Twitter, l'expert français avait d'ailleurs écrit dans la journée : "Les assassins du chercheur Michel Seurat et de Rafic Hariri ont voulu que je quitte le Liban, mes travaux continueront donc ailleurs".
Le chercheur français Michel Seurat avait été enlevé au Liban en 1985 et il est mort en captivité. Son kidnapping avait été revendiqué le Jihad islamique, une branche du Hezbollah. Quant à l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, tué dans un attentat suicide à Beyrouth en 2005, le tribunal international de la Haye juge par contumace cinq membres du Hezbollah.
"Ce qu'ils me reprochent ? Oser parler de l'emprise du Hezbollah et de ses alliés pro-iraniens sur toutes les institutions libanaises", avait affirmé le chercheur dans un autre tweet.
Les assassins du chercheur Michel Seurat et de Rafic Hariri ont voulu que je quitte le Liban, mes travaux continueront donc ailleurs.
— Romain Caillet (@RomainCaillet) March 3, 2015
#LT Ce qu'ils me reprochent ? Oser parler de l'emprise du Hezbollah et de ses alliés pro-iraniens sur toutes les institutions libanaises.
— Romain Caillet (@RomainCaillet) March 3, 2015
Après son refoulement, Romain Caillet affirme actuellement œuvrer pour que sa famille le rejoigne au plus vite en France. Son épouse française d'origine marocaine et ses enfants vivaient avec lui au Liban. Le chercheur ajoute qu'aujourd'hui, il ne peut rien faire sauf "attendre la fin de la domination du Hezbollah sur le Liban et ses institutions". Il assure qu'il poursuivra son travail à partir de la France.
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commentaires (6)
c est mieux que d etre autorise a entrer puis a etre kidnappe ou pire on lui a fait une faveur apparement
LA VERITE
12 h 44, le 04 mars 2015