Deux hommes peuvent continuer, et pour longtemps encore, à remercier cieux, dieux et bêtises humaines d'avoir aussi vite et aussi bien accéléré la parthénogénèse du monstre État islamique : Bachar el-Assad et Ali Khamenei. Le président syrien voit en cet EI sa seule planche de salut, l'unique moyen de gagner sinon une promesse de réhabilitation, du moins un peu (beaucoup) de temps. Quant au guide suprême iranien, il sait que c'est grâce à ce même EI, et uniquement grâce à lui, qu'il pourrait espérer pérenniser le contrôle, par gauleiters interposés, que Téhéran exerce désormais sur rien moins que quatre capitales arabes, Bagdad, Beyrouth, Damas et Sanaa.
Et pourtant... La famille Assad et l'ayatollasphère n'en sont pas plus rassurées. Malgré toutes les apparences, malgré les craintes existentielles et hystériques des opposants syriens face aux brigades surarmées et surentraînées des pasdaran et des hezbollahis dans le Sud syrien, malgré cette synergie, involontaire ou pas, contre l'Etat islamique entre Kurdes et loyalistes à Hassaké, malgré les visites malheureuses et d'une naïveté confondante de parlementaires occidentaux dans les palais damascènes, malgré une coalition internationale (plus ou moins) déterminée à en finir avec le fondamentalisme sunnite et malgré l'insensée élasticité des négociations sur le nucléaire iranien, le régime syrien sait que tout peut (re)basculer d'un instant à l'autre.
C'est exactement dans cette brèche que Staffan de Mistura s'est engouffré, avec autant de diplomatie qu'un éléphant dans une échoppe de mosaïques omeyyades. S'il n'a ni l'expérience et cette espèce de force tranquille d'un Kofi Annan, ni la pétulance et la roublardise d'un Lakhdar Brahimi, le très polyglotte Italo-Suédois sait faire le show, armé de son manuel de realpolitik en cinq leçons. Après avoir provoqué un minitsunami en assénant son tonitruant Assad fait partie de la solution, le voilà qui se fait gifler par l'opposition syrienne, qui vient de dynamiter son plan pour Alep, le talon d'Achille du pouvoir syrien.
Bien sûr, personne ne s'attend à voir Staffan de Mistura réussir là où ses deux célèbres prédécesseurs ont échoué. Personne non plus n'a le fantasme aussi surdimensionné pour rêver d'une chute synchrone du terrorisme made in Assad et de la barbarie 2.0 de l'EI. Personne enfin, même Benjamin Netanyahu, ne poussera la niaiserie jusqu'à penser que Barack Obama ait placé dans son échelle des priorités d'ici à son départ de la Maison-Blanche quelque dossier que ce soit au-dessus des relations américano-iraniennes. Sauf que la méthode pour le moins grandguignolesque de Staffan de Mistura devrait pousser la communauté internationale, Washington, Ankara et Riyad en tête, à demander à Ban Ki-moon de remplacer l'émissaire onusien en Syrie. De laisser au tandem Hollande-Fabius, aidé par un Alain Juppé de plus en plus inspiré, le soin de choisir, en coulisses, le nom du successeur. Et d'en assumer la responsabilité.
Deux choses sont acquises : l'hyperépicentre syrien n'est pas moins important que Daech-ISIS-EI-etc. Et il est visiblement temps que le marquis de De Mistura s'en retourne cultiver ses jardins. À Stockholm ou à Rome, peu importe, mais loin de Damas.
Ziyad MAKHOUL
commentaires (4)
Le marquis De Mistura entre dictateurs et fous ne pourra pas se frayer un chemin digne de la diplomatie humaine .
Sabbagha Antoine
13 h 49, le 03 mars 2015