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Culture - Street art

La place (Tabaris) est à eux !

En repeignant, avec la bénédiction et le soutien des autorités, leur graffiti « Être libre ou ne pas être » effacé, une semaine plus tôt, à Tabaris, par les forces de l'ordre, ils sont d'une certaine manière devenus les héros de la street culture libanaise. Les Ashekman peuvent pavoiser. Et même claironner leur slogan fétiche « Al-chare3 elna » (La rue est à nous) tagué sur plus d'un mur de Beyrouth. Le buzz créé par leur brève mésaventure aura renforcé leur notoriété. Double portrait d'un tandem gagnant.

À Tabaris, toujours, leur ode à Wadih el-Safi, l’artiste à la voix d’« or pur ».

Faut-il encore les présenter ? Voilà treize ans que les frères Kabbani, Omar et Mohammad, se sont enrôlés sous la bannière du street art. Treize ans que ce couple de vrais jumeaux, rappeurs et graffeurs officie sous le label Ashekman et scande, en textes sur musique comme en graffitis sur les murs de la ville, leurs convictions socio-politico-dénonciatrices. Celles de leurs concitoyens ! Retour, pour ceux qui ne les connaîtraient pas, sur le parcours de ce duo pas comme les autres. En mode abécédaire acronyme.

 

(Lire aussi : Les graffitis de Beyrouth, un art urbain politisé ?)

 

A comme Ashekman
Leur nom du crew hip-hop qu'ils forment à eux seuls. Omar et Mohammad Kabbani, inséparables jumeaux de 32 ans, également connus sous les pseudos de Mijrem Kalem et Carbonn, ont choisi ce « libanisme » issu de la déformation du mot échappement parce que toute leur expression graphique et musicale est une dénonciation des pollutions diverses qui empoisonnent leur vie et celles de leurs concitoyens : des pots d'échappement à la corruption généralisée... Ils recrachent tout le négatif en mots, en représentations, conjurateurs !



S comme Street Art vs tags partisans
« Nous sommes nés en 1983, nous avons grandi en pleine guerre. Et ce que nous faisons aujourd'hui est le fruit de l'environnement dans lequel nous avons baigné enfants : les abris, les cycles de violence, le décompte des obus ou encore les rafales de mitrailleuses au son desquelles nous avons appris à compter. Mais aussi et surtout ces miliciens que l'on croisait, sur le chemin de l'école, en train de taguer les murs de sigles et de slogans guerriers, raconte Omar, le porte-parole du duo. On a baigné dans cette culture. C'est devenu notre mode d'expression. Sauf que, dès le départ, nous avons superposé nos graffitis sur leurs tags et pochoirs partisans, en une manière subconsciente d'effacer les stigmates de la guerre et de les remplacer par nos messages positivement revendicatifs. »

 

H comme hommages
Ils revendiquent leur identité d'artistes libanais et celle-ci se traduit d'abord par le métissage culturel qui émane de leurs œuvres musicales et graphiques (mariant slogans, dictons populaires et calligraphie arabe aux rythmes, figures et formes de la pop culture occidentale). Mais aussi par les hommages qu'ils rendent régulièrement aux figures iconiques de la culture libanaise aussi bien dans leur rap qu'à travers d'immenses œuvres murales parsemées dans les coins et recoins de la ville. À l'instar des pops portraits géants de Wadih el-Safi, à Tabaris, ou de Feyrouz, près du Forum de Beyrouth...

 

E comme éphémère
Le graffiti est un art éphémère. Le fait qu'il puisse être effacé est dans son ADN même. Les Ashekman en sont conscients. « Quand on dessine sur un mur, on sait que notre œuvre risque d'être effacée ou le mur démoli. Cela fait partie du jeu. Ni autorisation ni objection », reconnaissent-ils. Mais en ce qui concerne leur fameux « Être libre ou ne pas être » effacé malencontreusement par les forces de l'ordre, lors de la campagne lancée par les autorités pour la suppression des slogans et affiches politiques, c'est une autre histoire. « Car, d'une part, ce graffiti réalisé en 2012 à l'occasion du lancement de l'ONG March* avait obtenu le consentement du propriétaire de l'immeuble et du mohafez de Beyrouth de l'époque. Et, d'autre part, il ne s'agissait pas d'un slogan politique, mais tout simplement d'un "motto" en faveur de la liberté d'expression. La censure était ici totalement inopportune. C'est pourquoi March a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux, qui a conduit Ziad Chebib, l'actuel mohafez, à nous demander de refaire le même dessin. Il nous a délivré une nouvelle permission et a même financé notre travail, qui est coûteux, soit dit en passant », indique Omar. L'œuvre a été reconstituée quasiment à l'identique sur le même pan de mur « en 4 jours et 36 heures pleines. On a juste remplacé les 3 singes du dessin initial par une main tendant la marionnette de Kermit, la grenouille du Muppet Show ».

 

K comme kufique
Les frères siamois, qui sont tous les deux diplômés en graphic design, sont les premiers à avoir introduit dans leurs graffitis la calligraphie arabe en stylisant notamment les lettres Kufiques (anguleuses et géométriques) métissées de quelques bribes de Diwani (plus déliés). C'est devenu leur signature. Mais comme l'idée a été reprise par la nouvelle génération de graffeurs, les Ashekman paraphent également leurs œuvres d'une « chaddeh en arabe » qui prend la forme d'un 3 renversé.

 

M comme murs
« On ne s'attaque qu'à des murs moches, détériorés, décrépis... Jamais à des enceintes propres, fraîchement repeintes ou flambant neuves. Car notre but est d'embellir la ville, de participer en quelque sorte à en faire un musée à ciel ouvert », affirment-ils.

 

A comme aérosol
« C'est notre arme de persuasion massive. Avec nos aérosols (spray can), on combat les armes de destruction massive que sont les pochoirs partisans. ».

 

N comme nous
Comme le tag La rue est à nous, disséminé un peu partout dans la ville par ces chevaliers de la street culture, défenseurs du pauvre et de l'opprimé. Ce « nous » étant leur cri de ralliement massif aux réclamations de la population silencieuse. Et le marquage de leur prise de territoire sur les portraits et slogans politiques. On l'aura compris, avec eux, c'est Goldorak qui devient le héros du peuple !

 

*ONG libanaise fondée en 2012 et engagée dans la lutte contre la censure.

 

Pour mémoire
L'art urbain beyrouthin : des œuvres d'activistes, poètes de rue

Ashekman oui, et même bientôt Ashekmanphobia !

Faut-il encore les présenter ? Voilà treize ans que les frères Kabbani, Omar et Mohammad, se sont enrôlés sous la bannière du street art. Treize ans que ce couple de vrais jumeaux, rappeurs et graffeurs officie sous le label Ashekman et scande, en textes sur musique comme en graffitis sur les murs de la ville, leurs convictions socio-politico-dénonciatrices. Celles de leurs concitoyens !...

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