Environ cinq mille membres de la minorité chrétienne des Assyriens ont pris le chemin de l'exode en Syrie après le rapt sans précédent de dizaines, voire de centaines, selon les sources, des leurs par le groupe jihadiste État islamique (EI), un acte qualifié d'"inhumain" par Washington.
Dans la province de Hassaké, à l'extrémité nord-est de la Syrie, près de 1 000 familles ont fui depuis lundi leurs foyers pour trouver refuge dans les villes de Hassaké et de Qamichli, "soit près de 5 000 personnes", a affirmé à l'AFP Oussama Edward, directeur du Réseau assyrien des droits de l'Homme basé en Suède. Cet exode a suivi l'enlèvement par l'EI de 90 chrétiens assyriens dans une région de la province de Hassaké, bordée par la Turquie et l'Irak, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). D'après M. Edward, le nombre des otages "en grande majorité des femmes, des enfants et des personnes âgées, est entre 70 et 100 personnes".
Interrogé par L'Orient-Le Jour, Kino Gabriel, membre du commandement du Conseil militaire syriaque, une organisation militaire chrétienne importante dans le nord-est de la Syrie, estime quant à lui que "lors de cette attaque, l'EI a enlevé entre 350 et 400 civils, des hommes, des femmes, des enfants et des vieillards". Il précise que 100 ou 150 personnes ont été enlevées de Tel Hermiz, Tel Chamiran et Tel Tawil. Le reste des otages a été enlevé dans neuf autres villages. Selon le père Teglath, un prêtre assyrien établi au Liban et interviewé par L'Orient-Le Jour, 150 personnes ont été enlevées.
Quelque 30 000 Assyriens, une communauté parmi les plus anciennes converties au christianisme, vivaient en Syrie avant le début du conflit en Syrie le 15 mars 2011, la majorité à Hassaké.
M. Edward raconte que les "jihadistes ont fait irruption dans les maisons vers 04H00 à l'aube alors que tout le monde dormait", dans la région al-Khabour du nom du fleuve qui borde 35 localités assyriennes dans la province de Hassaké.
La province de Hassaké se divise entre les forces kurdes et les jihadistes de l'EI avec une présence de l'armée loyaliste dans la ville éponyme. Cependant, les Unités de protection du peuple kurde (YPG), la principale milice kurde syrienne, mènent l'offensive dans la région et se sont emparées 24 villages et hameaux avec pour objectif de prendre la localité de Tal Hamis, aujourd'hui aux mains des jihadistes et visée par des raids de la coalition, conduite par les Etats-Unis, qui ont tué 14 membres de l'EI. Dans cette offensive, l'YPG est épaulée par le Conseil militaire syriaque.
(Notre dossier, pour aller plus loin : Quand les chrétiens de Syrie organisent leur protection)
"La résistance contre l'EI avait déjà commencé à al-Khabour aux alentours du 7 février quand le CMS a pris le contrôle de Tel Hermiz qui était sous l'emprise de l'EI", explique à L'Orient-Le Jour, Kino Gabriel. "Quelques uns de nos combattants sont morts au combat", note-t-il, précisant que le 22 février, l'EI a envoyé des renforts à al-Khabour. "Dès le lendemain, l'EI a repris le contrôle de Tel Hermiz ainsi que de Tel Chamiran et d'autres villages. Quatre combattants du CMS ont été tués", précise Kino Gabriel.
Selon l'OSDH, l'EI est passé à l'attaque afin de se venger des Kurdes, qui ont lancé une offensive, appuyée par des frappes de la coalition internationale menée par les Etats-Unis, pour lui reprendre des villages à Hassaké. "(...) Ils savent très bien que prendre des otages chrétiens fera beaucoup de tapage au niveau international", explique M. Edward. "L'EI perd du terrain en raison des frappes de la coalition et ils ont pris ces otages pour en faire des boucliers humains", poursuit-il.
Pour le directeur du Réseau assyrien des droits de l'Homme basé en Suède, les jihadistes veulent s'emparer de Tel Tamer, une localité assyrienne proche d'un pont surplombant le fleuve et qui est importante pour rejoindre la frontière irakienne à partir de la province d'Alep (nord).
Selon Kino Gabriel, les civils enlevés par l'EI "ont peut-être été emmenés à Jabal Abdel Aziz ou à Chaddadé, une ville au sud de Hassaké". M. Edward, qui a réclamé une protection internationale pour les déplacés, estime lui aussi que les otages ont été transférés à Chaddadé, un fief de l'EI dans la province de Hassaké. Il affirme en outre que les jihadistes avaient intimé aux villageois, il y a quelques semaines, d'enlever les croix sur les églises. L'EI tentera aussi d'échanger leurs otages contre des prisonniers jihadistes aux mains des Kurdes, selon lui.
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Dans la province de Hassaké, à l'extrémité nord-est de la Syrie, près de 1 000 familles ont fui...
commentaires (4)
En Syrie, des centaines et des centaines de milliers de Syriens Sunnites sur le chemin de l'exode.... !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
10 h 00, le 26 février 2015