Désormais, « Lebanese is the new Italian »...

Depuis le début de ce millénaire, pas de tapis rouge qui se respecte sans une brochette de créateurs libanais aux commandes des paillettes.
C'est Élie Saab qui a ouvert la voie en habillant, à la cérémonie des oscars 2002, une Halle Berry triomphante, d'une robe en gazar marsala dont le haut transparent était orné d'un motif de dentelle florale. Halle Berry fut ce jour-là la première Black de l'histoire de l'académie à recevoir le trophée de la meilleure actrice. Il n'en fallait pas davantage pour faire d'Élie Saab le couturier porte-bonheur de cet univers pétri de superstitions. Cette saison, c'est Emma Stone, alias Sam Thomson, la fille du personnage principal du multiprimé Birdman, qui arborait une robe longue sur mesure Élie Saab haute couture printemps été 2015. Il fallait de l'audace pour choisir ce vert chartreuse orné de cristaux en cascade, sachant que la couleur verte fait partie des bêtes noires des gens du spectacle. Soulignons au passage qu'Élie Saab a dédié à Beyrouth et à son âge d'or la collection dans laquelle figure la robe d'Emma Stone.

Jennifer Lopez, que l'on voit souvent habillée par Zuhair Murad, avait, elle aussi, optant pour le changement, choisi sa robe chez Élie Saab, dans la collection haute couture automne hiver 2014-2015. Une robe romantique, longue et à traîne, discrètement sexy avec son décolleté plongeant en « V », mais tranchant avec son style habituellement plus près du corps et nettement plus déshabillé. Le tulle de soie vieux rose éclairait sa peau halée d'une lumière très douce.
S'il n'a pas fait la robe de JLo, Zuhair Murad est loin d'avoir chômé pour la 87e cérémonie des oscars. Il a même triplé la mise en habillant de blancheur virginale le mannequin Chrissy Teigen et l'explosive danseuse Jenna Dewan, et d'une pluie argentée l'actrice Anna Faris (Erica, dans Friends Saison 10, Brokeback Mountain, Lost in Translation). La robe de Chrissy Teigen, fendue très haut sur la jambe, se distingue par un bustier drapé et croisé, d'un gris pâle orné de sequins d'argent, se prolongeant par une jupe portefeuille blanche à traîne.

(Voir aussi : Les Oscars, en images et en petites phrases)

La robe de Jenna Dewan, blanche de haut en bas, à traîne elle aussi, se distingue par la simplicité d'une ligne claire, un décolleté profond et un drapé aux hanches retenu par une ceinture à motif Art déco. Seuls les bords intérieurs et les plis du drapé sont ornés de broderies. Cette robe est initialement assortie d'une cape que la danseuse n'a pas retenue. Quant à Anna Faris, elle a choisi chez Zuhair Murad une robe bustier gris pâle, longue et évasée, entièrement ornée d'une généreuse pluie de paillettes argentées, structurée par une ceinture d'inspiration Art déco, véritable fil rouge de Murad pour cette nouvelle collection haute couture.

Sirène dorée
Trois autres couturiers libanais dont on parle moins ont eux aussi gagné leur place, cette année, sur le tapis le plus photographié du monde. Il s'agit de Steven Khalil, Charbel Zoe et Mireille Dagher. Établi en Australie, Steven Khalil s'est rapidement imposé à Sydney, à seulement 22 ans, comme une référence dans la haute couture et la création sur mesure. Sa maison éponyme, créée en 2003 à Paddington, est spécialisée dans les robes de mariée et les tenues des grands soirs. Sa touche est caractérisée par une inspiration Vieille Europe, mais ses créations résultent toujours d'un travail d'écoute et d'une expérience de couture personnalisée. Aux oscars, Il a habillé Giuliana Rancic, l'animatrice de la chaine tabloïde E ! News qui s'est également montrée dans une robe de la Libanaise Mireille Dagher.
Mireille Dagher, basée au Liban, a ouvert sa maison de couture en 2001 après des études combinées de stylisme et de psychologie. Après plusieurs défilés au Biel, à Beyrouth, on la retrouve en 2010 et 2011 à la Fashion Week de New York ; en 2012 au « Vendôme Luxury Trade Show » à Paris, et depuis 2013, aux défilés de l'Alta Roma. La robe qu'elle a créée pour Giuliana Rancic est un fourreau rouge carmin à manches courtes, de coupe sirène, orné de dentelles florales en relief, tombant en cascade des épaules jusqu'aux pieds et plaqué au niveau du buste sur un filet transparent.

Charbel Zoé, également basé à Beyrouth, a pour sa part deux égéries : sa grand-mère et... Haïfa Wehbé. La première a défini son engagement sur la voie de la haute couture, la seconde l'a conforté en portant la première ses premières créations. Enfant, il habillait des poupées en s'inspirant des tenues de son aïeule. Plus tard, il fera ses études à Paris et bénéficiera de stages chez Givenchy et Élie Saab. En 2013, à la Miami Fashion Week, il reçoit le trophée de l'International Fashion Designer of the Year. Aux oscars, c'est Catt Sadler, également un pilier de la chaîne de télé people E ! News, qui lui a confié son allure. Il a créé pour elle une robe sirène dorée, dos nu, entièrement grillagée de croisillons au niveau de la jupe et ornée de motifs flamme sur tulle transparent au niveau du buste. Chaud !
Voilà quelques années qu'on le répète, même si timidement : la (haute) couture libanaise est désormais une véritable industrie, en train, comme l'italienne il y a quelques années, de gagner du terrain à une allure incroyable. Qu'on se le dise, ça ne fait que commencer.

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