« Assad fait partie de la solution. » Dans la bouche de Vladimir Poutine ou de Ali Khamenei, cette phrase serait passée presque inaperçue, mais dans celle de l'envoyé spécial de l'Onu, Staffan De Mistura, elle amène à de multiples interrogations.
Parce que c'est la première fois qu'un diplomate de ce rang évoque l'avenir du président syrien en ces termes, il est naturel de se questionner sur la portée de ses mots et sur sa légitimité. Ses propos correspondent-ils simplement à son appréciation personnelle de la situation ou bien reflètent-ils un changement de la position officielle de l'Onu concernant le sujet ? Soit De Mistura a voulu calmer la situation afin d'amener toutes les parties au dialogue, soit, face à la montée en puissance de l'État islamique et l'absence de perspective de mettre fin au conflit syrien, l'Onu a décidé d'infléchir sa position en faisant prévaloir la realpolitik.
Interrogé par L'Orient-Le Jour, un diplomate à la retraite, qui a préféré garder l'anonymat, met sérieusement en doute le fait que les propos de Staffan De Mistura reflètent la position du secrétaire général et du Conseil de sécurité des Nations unies. Il rappelle que les accords de Genève, négociés par le prédécesseur de M. De Mistura, Lakhdar Brahimi, prévoyaient la mise en place d'un gouvernement de transition qui aurait les pleins pouvoirs mais n'abordaient pas le rôle de Bachar el-Assad après la transition. « En ce sens, la déclaration de De Mistura vient rompre le silence de la communauté internationale sur ce point-là », explique-t-il. « Si on lui laisse le bénéfice du doute, on peut penser qu'il a voulu optimiser les chances de négociations. Mais à vrai dire, je connais le personnage et ses idées et je pense qu'il tient à tout prix à ce que le régime soit rassuré sur son sort », ajoute le diplomate. « Cela correspond probablement aux conclusions qu'ils tirent des ses observations : il constate que le régime est plus fort qu'il ne l'était auparavant, que l'opposition internationale contre Assad s'est affaiblie et que la lutte contre les groupes jihadistes est la priorité des Occidentaux », analyse-t-il.
Selon cet ancien diplomate, M. De Mistura a été nommé pour « chauffer la place à son successeur ». « Il ne connaît pas bien la région et ne parle pas l'arabe. Sa présence devait combler un vide, mais il lui est difficile de faire cela », note-t-il, soulignant qu'« il est également possible que De Mistura ait été intimidé par le régime, qui avait tenté d'intimider son prédécesseur à de multiples reprises », souligne-t-il encore.
(Lire aussi : Le Conseil de sécurité entend sérieusement asphyxier l'EI)
Pas de réhabilitation
Qu'elle engage ou non la position de l'Onu, il apparaît tout de même que la déclaration de Staffan De Mistura s'inscrit, d'une certaine manière, dans la continuité de l'évolution de la vision occidentale du conflit syrien. Aujourd'hui, c'est bien l'EI qui apparaît aux yeux de la majorité des gouvernements, mais aussi et surtout des opinions publiques, comme le danger numéro un.
Quand il déclare qu'il était tenu informé des frappes de la coalition, Bachar el-Assad ne fait rien d'autre que révéler un secret de Polichinelle. Il y a objectivement une sorte d'alliance qui ne dit pas son nom, entre les membres de la coalition et le régime syrien qui repose sur l'idée d'une nécessité de contenir la menace terroriste. Certains hommes politiques européens, comme l'ancien PM français François Fillon, vont jusqu'à encourager une alliance avec le régime, appuyé par le fait que pour combattre le nazisme, les Européens avaient collaboré avec le communisme stalinien. La durée et surtout la complexité du conflit syrien renforce la position des pragmatiques et donne du crédit à la rhétorique initiale du régime. Ce dernier ressort doublement renforcé par la situation actuelle. Non seulement il peut continuer à s'appuyer sur un discours anti-impérialiste, mais dans le même temps il peut bombarder les régions rebelles sans que ceux-ci ne reçoivent de véritables moyens de se défendre de la part des États critiqués.
(Lire aussi : Les conseils d'Assad pour que la coalition... « aide » son armée)
Interrogé sur le sujet, l'ancien diplomate considère toutefois que la communauté internationale n'ira pas jusqu'à la réhabilitation du régime. Il remarque cependant que les Américains demeurent extrêmement évasifs sur leur position par rapport au régime. « Est-ce un allié objectif ? Est-ce qu'ils ont décidé de mettre le sujet en suspens pour l'instant ? Lorsque j'interroge les Américains sur le sujet, on ne me donne aucune réponse claire », explique-t-il.
Ce qui semble en tout cas certain, c'est qu'à un mois, presque jour pour jour, du quatrième anniversaire du début des manifestations contre le régime, le message envoyé par l'émissaire onusien à l'opposition syrienne est extrêmement négatif. Après plus de 200 000 morts, des millions de déplacés et la destruction d'un patrimoine millénaire, il apparaît encore impossible de ne pas se poser la question : comment Bachar el-Assad peut-il faire partie de la solution ?
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commentaires (5)
Secourir le Syrien Sain est absolument nécessaire ! C'est peu dire que les forces de Répression aSSadiques paraissent ne vouloir laisser aux Nations Civilisées comme tâche que ce simple secours, en ces temps où il s'agit plutôt de reconstruire ce qu'ont déconstruit dans la violence ces saletés bääSSyrianiques. La nette hésitation pour ce secours dissimule, fort mal, les arrière-pensées qui mijotent des 2 côtés : celles de l’aSSadiot et de ses acolytes bääSSdiots qui veulent faire payer aux Civilisés et apparentés leur conduite évanescente au moment de la castagne ; et celle des Civilisés et de leurs porte-voix qui estiment que leur vertu pacifiste ne devrait pas compromettre leurs intérêts de demain sur le sol Sain syrien. L'odieux est que ce petit jeu qui marie la rancune à de moult vulgaires considérations mercantiles, s'amorce à un moment où ce malheureux Sain, supplicié par cette effroyable Dictature, étranglé par cet interminable Despotisme et broyé par cette Répression massacrante, a l'urgentissime besoin d'un secours multiforme qui va de l'alimentaire et du médical au rétablissement des services publics élémentaires. Le grotesque est que personne ne semble considérer qu'un tel secours, qui devrait être gigantesque, immédiat et en provenance de la totalité du monde, serait non seulement décent ; on est tous, peu ou prou, responsables de ce qu’on a laissé subir au Syrien Sain ; mais aussi opportun si on veut éviter l'épouvantable gâchis qui s'étale en Saine Syrie.
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
19 h 39, le 14 février 2015