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Moyen Orient et Monde - État islamique

« C’est un peu comme Obélix qui veut casser du romain, ça crée un enthousiasme... »

Elles devraient les effrayer, mais en fait, elles les galvanisent : les frappes américaines contre l'État islamique (EI) sont une motivation supplémentaire pour les apprentis-jihadistes qui accourent du monde entier, en nombre croissant, grossir les rangs de ce mouvement.
« La tendance est claire et inquiétante, a souligné cette semaine à Washington Nicholas Rasmussen, directeur du Centre de lutte contre le terrorisme. Le nombre de combattants étrangers se rendant en Syrie est sans précédent. » Intervenant devant une commission de la Chambre des représentants, il a estimé à « plus de 20 000 » le nombre de volontaires étrangers ayant rallié l'EI en Syrie, venant de plus de 90 pays. « Au moins 3 400 d'entre eux viennent de pays occidentaux, dont 150 Américains, qui y sont partis ou ont tenté de le faire », a-t-il dit. Manifestement, la campagne de bombardements aériens entamée en août contre les bases de l'EI en Irak et en Syrie par les États-Unis et leurs alliés, qui a fait de nombreuses victimes et marqué un coup d'arrêt par endroits à la progression des troupes jihadistes, n'a pas endigué ce flot. « Bien au contraire, assure de Beyrouth, où il est basé, l'expert Romain Caillet, spécialiste des mouvements jihadistes. C'est un peu comme Obélix qui veut casser du romain. Ça crée un enthousiasme, à la perspective d'affronter les États-Unis, en espérant qu'il finisse par y avoir une opération terrestre. » « Cet État a des centaines de milliers de sympathisants, au bas mot, dans le monde arabe, ajoute-t-il. Ils considèrent que leur État est attaqué et que leur devoir est de participer à sa défense. C'est l'exemple parfait du jihad défensif. Et le fait qu'il soit attaqué par des avions américains et d'une coalition renforce leur narratif sur le combat de la fin des temps. Le danger ne les effraie pas, parce que ça fait partie de la règle du jeu. Certains recherchent le martyre, il suffit de voir le nombre d'attentats-suicide. » Les centaines de films de propagande, souvent de qualité professionnelle, mis en ligne par les spécialistes de l'EI, montrent à l'envi des images de bâtiments effondrés, de civils, surtout des femmes et des enfants, blessés ou tués, et accusent Washington de lâcheté, pour se contenter de lâcher des bombes au lieu d'envoyer des soldats.

Manque d'anticipation
Pour Jean-Pierre Filiu, professeur à l'Institut de sciences politiques de Paris, auteur notamment de Je vous écris d'Alep (éditions Denoël), « les États-Unis ont, depuis le 11-Septembre, une approche de la lutte antiterroriste en termes de stocks et non de flux. Ils se sont réjouis d'avoir éliminé un millier de jihadistes depuis le début de leur campagne de bombardements, mais ils n'ont pas anticipé l'expansion impressionnante du recrutement que susciterait, dans le monde entier, la perspective d'aller combattre ce que la propagande jihadiste appelle les croisés ». Dans les mondes arabe et musulman, comme dans de nombreux milieux proches des thèses jihadistes en Occident, l'antiaméricanisme est largement répandu, et le fait de combattre l'armée de l'oncle Sam, même si ce n'est que pour l'instant tenter d'abattre ses chasseurs-bombardiers, est un gage de courage et de prestige.
« L'implication des États-Unis attire des volontaires, parce que combattre les Américains est quelque chose qui a toujours intéressé le mouvement jihadiste », explique Aron Lund, spécialiste de la Syrie au centre Carnegie, éditeur du magazine Syria in crisis. « L'entrée dans le conflit des États-Unis est un problème pour l'EI, bien sûr, parce qu'il est bombardé, mais ça lui apporte aussi les galons d'ennemi public numéro un. Ça l'aide à supplanter el-Qaëda et gagner en crédibilité. L'implication américaine fait que les médias sont davantage intéressés. Faire la une tous les jours, ça favorise le recrutement », ajoute-t-il. « On parle d'une extension des frappes américaines possibles contre l'EI en Égypte et en Libye, conclut Romain Caillet. Si ça se fait, ça provoquera un afflux supplémentaire. Dans la région, si vous voulez décrédibiliser quelqu'un politiquement, il suffit de lui apporter le soutien des États-Unis. »

Michel MOUTOT/AFP

Elles devraient les effrayer, mais en fait, elles les galvanisent : les frappes américaines contre l'État islamique (EI) sont une motivation supplémentaire pour les apprentis-jihadistes qui accourent du monde entier, en nombre croissant, grossir les rangs de ce mouvement.« La tendance est claire et inquiétante, a souligné cette semaine à Washington Nicholas Rasmussen, directeur du Centre...

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