Le journal français Le Monde et plusieurs médias internationaux ont exposé dimanche la face cachée du secret bancaire en Suisse, après avoir eu accès aux données soustraites par un informaticien, Hervé Falciani, ex-employé de la banque HSBC à Genève. Baptisée "SwissLeaks", l'opération propose un voyage au coeur de l'évasion fiscale, mettant en lumière les ruses utilisées pour dissimuler de l'argent non déclaré et livrant les noms de personnalités aux profils variés, de l'humoriste Gad Elmaleh au roi de Jordanie.
Pendant de nombreuses années, les informations copiées par Hervé Falciani n'étaient connues que de la justice et de quelques administrations fiscales, même si certains éléments avaient filtré dans la presse. Le Monde a depuis eu accès aux données bancaires de plus de 100 000 clients, et a mis les informations à la disposition du Consortium des journalistes d'investigation (ICIJ) à Washington, qui les a partagées avec plus de 50 autres médias internationaux, dont le Guardian au Royaume-Uni ou la Süddeutsche Zeitung en Allemagne.
Les données, analysées par quelque 154 journalistes, portent sur la période allant de 2005 à 2007. Des milliards auraient transité sur ces comptes à Genève, cachés entre autres derrière des structures offshore au Panama et dans les îles vierges britanniques. De nombreuses personnalités sont impliquées, explique Le Monde, qui juxtapose des profils illustrant les différents visages des clients.
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'Manquements passés'
La banque a assuré lundi avoir "changé", après les "manquements constatés en 2007", selon un communiqué transmis à l'AFP. "HSBC (Suisse) a entamé une transformation radicale en 2008 pour empêcher que ses services soient utilisés pour frauder le fisc ou blanchir l'argent sale", a indiqué le directeur général de cette filiale, M. Franco Morra, dans ce communiqué. Sur son site, Le Monde publie une réponse d'HSBC qui dit reconnaître les "manquements passés", et avoir pris depuis plusieurs années de nombreuses initiatives pour empêcher l'utilisation de ses services à des fins d'évasion fiscale ou de blanchiment d'argent.
En France, Le Monde cite ainsi l'humoriste Gad Elmaleh, qui disposait, d'après le journal, d'un compte faiblement approvisionné à Genève, avec un peu plus de 80 000 euros entre 2006 et 2007. Selon les informations du journal, il aurait régularisé sa situation auprès du fisc français. Il mentionne ensuite Jacques Dessange, fondateur d'un empire de la coiffure, qui possédait un compte dans la filiale suisse de HSBC sur lequel il aurait eu jusqu'à 1,6 million d'euros entre 2006 et 2007, selon les fichiers auxquels le journal a eu accès. Lui aussi fait partie des clients qui ont depuis régularisé leur situation et s'est acquitté d'une amende, précise Le Monde.
Profils disparates
Les données analysées font ressortir des profils très disparates, allant du chirurgien français venu placer ses honoraires non déclarés en Suisse aux têtes couronnées. Parmi les noms cités dans les différents médias figurent notamment le roi du Maroc Mohammed VI ou le roi de Jordanie Abdallah II. S'y ajoutent de nombreuses personnalités de la mode telles que le mannequin Elle McPherson ou la créatrice Diane von Fürstenberg, du spectacle à l'instar de l'actrice Joan Collins ou encore du sport comme le pilote de vitesse à moto Valentino Rossi. Le journal suisse Le Temps, un des journaux partenaires pour ces révélations, met l'accent sur les personnalités politiquement exposées, évoquant entre autres Rami Makhlouf, cousin du président syrien Bachar el-Assad.
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Il cite également l'ancien ministre haïtien Frantz Merceron ou encore l'ancien ministre égyptien du Commerce et de l'Industrie Rachid Mohamed Rachid, qui avait été condamné à cinq ans de prison en juin 2011 pour abus de biens sociaux issus des fonds pour le développement du pays. "HSBC Private Bank (Suisse) a continué d'offrir des services à des clients qui avaient été cités défavorablement par les Nations Unies, dans des documents légaux et dans les médias pour leur lien avec le trafic d'armes, les diamants de guerre ou la corruption", fustige de son côté le Consortium des journalistes d'investigation. Le secret bancaire en Suisse s'est réduit comme peau de chagrin, la pression sur les banques s'étant fortement accrue alors que de nombreux gouvernements ont accentué la chasse à l'évasion fiscale.
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DU : CHASSE-MOI PAR LA PORTE... JE TE REVIENS PAR LA FENÊTRE !
LA LIBRE EXPRESSION
18 h 08, le 10 février 2015