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Lifestyle - Beyrouth insight - Rencontre

Nina Yashar, la tête dans le cœur

L'art contemporain figé et incommode ennuie Nina Yashar, tournée vers les outsiders en devenir. Déconcertante, élégante, d'une énergie féroce, la patronne de Nilufar de passage à Beyrouth revient sur son parcours, ses coups de cœur et son amour pour les créations de Miuccia Prada.

Nina Yashar : élégante, déconcertante... Photo Ruy Teixtera

Rien à voir avec l'autisme des prétentieuses qui attisent ainsi l'agressivité du monde. Nulle parenté avec la froideur triste des artistes exilés volontaires sur leur étoile morte. Nina Yashar est sûre d'elle et de sa pensée, enjouée et décidée, argumentée et structurée. Cette galeriste, fondatrice de la prestigieuse Nilufar à Milan, n'est ni timide ni secrète, elle est discrète et fière de l'être. C'est un choix qui renforce un pouvoir, une aura, une préférence qui s'accorde avec une nature et fonde une stratégie. Elle le revendique ainsi : « Je n'aime pas exhiber la complexité que je peux sentir en moi. Je veux rester en retrait, être neutre pour l'extérieur, ne m'exprimer que par mon travail. » Elle s'amuse de son domaine avec une légèreté incisive, parfois acide, de l'image que l'on peut se faire de l'art contemporain, et de l'art en général. Quand on rencontre Nina Yashar à Beyrouth où elle était invitée le mois dernier à l'occasion de l'exposition House of Today, on s'étonne qu'elle ne soit pas ailleurs, pour participer à l'une des grandes foires d'art contemporain. La femme, déterminée, expliquera que l'art qui l'intéresse, elle ne le connaît pas, pas encore du moins. Il vient, il se fait dans la marge, aujourd'hui ou demain. C'est d'ailleurs de cette manière, avec son flair comme seule boussole, qu'elle fonctionne depuis ses débuts à la fin des années 70.

 

Icône
Née en Iran à la fin des années 50, ayant vécu à Milan depuis l'âge de cinq ans, Nina Yashar fait d'abord ses armes auprès de son père, un grand commerçant de tapis orientaux, puis ouvre en 1979 sa galerie Via Billi qu'elle baptise Nilufar en hommage à « ses racines iraniennes et à sa sœur qui porte le même prénom ». Elle se lance d'abord dans la vente de kilims et autres tapis orientaux, mais dans des sélections innovatrices comme l'Italie n'avait jamais vu auparavant. Impatiente, curieuse et indomptable, la femme se lasse vite et part à l'aventure. Un périple duquel elle reviendra en Italie avec une série de tapis scandinaves. « On m'a traitée de folle. À l'époque, le design scandinave n'était pas ce qu'il est aujourd'hui » dit-elle en riant. De fil en aiguille, elle se lance dans l'achat de meubles « beaux et pratiques » car « c'est ce qu'un client, même aux grands moyens, recherche pour son intérieur ». Ensuite, elle met en scène dans son espace milanais toute la complexité qui la caractérise et fait cohabiter des meubles historiques avec du design contemporain. Elle marie Gio Ponti, Ettore Sottsass, Piero Fornasetti avec Arne Jacobsen et Alvar Aalto autour d'une « conversation entre le passé et le présent ».


Au fil de sa carrière, Nina Yashar devient une icône et une référence dans le monde du design. Pas pour son air ronchon ou son goût indiscutable qu'elle trimballe dans les foires de la planète car Nina est une femme simple, mais surtout par opposition aux glaçantes galeristes de ce monde. Simple, mais d'une sophistication qu'elle porte comme une deuxième peau. Depuis sa galerie Via Spiga, elle règne d'une main de fer sur le design, imposant des nouveautés révolutionnaires et lançant à tout-va des talents encore méconnus du grand public, à savoir Bethan Laura Wood et Martino Gamper, ou encore les Libanais David et Nicolas. Elle mise sur un design beau, fonctionnel et pointu, à l'encontre de l'art contemporain complexe et souvent incommode. « Mes yeux ne chôment jamais » explique-t-elle. Son regard se balade sans arrêt. De fait, le voyage est un thème clé au sens propre comme figuré à propos de Nina Yashar, qui se dit « toujours en partance ». Cela se pressent, dans le télescopage entre son nom qui fait imaginer une élégante Perse et sa beauté hybride enroulée dans les créations de sa « copine Miuccia Prada », bribes d'étrangeté qui viennent zébrer son attitude implacable. Cela se traduit aussi dans son travail, métissage de lignes, que les gens du domaine surnomment « la Minestrone de Nina ». En parlant de voyage, où sera Nina demain ? Elle-même l'ignore. « Je me laisserai emporter par ma tête et mon cœur qui ne font qu'un. »

 

Rien à voir avec l'autisme des prétentieuses qui attisent ainsi l'agressivité du monde. Nulle parenté avec la froideur triste des artistes exilés volontaires sur leur étoile morte. Nina Yashar est sûre d'elle et de sa pensée, enjouée et décidée, argumentée et structurée. Cette galeriste, fondatrice de la prestigieuse Nilufar à Milan, n'est ni timide ni secrète, elle est discrète...
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