S'il fallait une preuve supplémentaire pour démontrer l'ampleur du désastre, les événements du week-end écoulé l'ont largement fournie : nouvel assassinat par les islamistes d'un soldat otage, menaces d'enlèvements et de contre-enlèvements, et la peur qui s'installe dans les localités à coloration confessionnelle ou communautaire déterminée.
On peut évidemment beaucoup discourir sur la capacité phénoménale du phénix libanais de toujours ressusciter, de sortir inévitablement de toutes les crises qui l'assaillent ; on peut pérorer indéfiniment sur sa faculté de toujours plonger dans le gouffre, mais de toujours s'en sortir. Mais il est désormais immoral, véritablement indigne de persévérer dans l'aveuglement, de ne pas reconnaître, enfin, qu'au pays du lait et miel il y a une vipère qui n'a pas arrêté de distiller son poison, une vipère qui a pour nom communautarisme et pour corollaire l'intolérance.
Dans ces conditions et au vu de la paralysie qui affecte toutes les institutions du pays, de l'incapacité des diverses composantes politiques et confessionnelles de s'entendre sur un seul dénominateur commun, le Liban a-t-il encore le droit de se mentir et de continuer à se barricader derrière le fameux « miracle libanais », celui qui n'a pas arrêté depuis l'indépendance de virer au cauchemar ? N'est-il pas temps de se dire qu'il y a évidemment quelque chose qui cloche dans la formule libanaise et qu'il est désormais nécessaire de l'adapter aux réalités nouvelles, celles qui ont émergé de guerres successives et de nombreuses années de mensonges et d'impostures ?
Poser ces questions c'est déjà ouvrir la boîte qui emprisonne toutes les rancœurs et les frustrations accumulées au fil des décennies, depuis qu'il a été décidé que le Liban sera forcément multiconfessionnel, multicommunautaire et multiculturel. Un « Liban-message », longtemps porté aux nues, quasiment sanctifié par le Vatican et qui s'est vite heurté à l'écueil des doubles et triples allégeances, aux aspirations contraires des uns et des autres, presque toujours manipulées ou encouragées par des « pays frères » particulièrement attentionnés.
Et de fil en aiguille, d'un conflit à l'autre, d'une guerre civile à des règlements de comptes sanglants et répétitifs, ce qui était au départ un problème de coexistence islamo-chrétienne, réévalué à chaque crise existentielle, s'est transformé progressivement en clivage sunnito-chiite fait de hargne et de haine. La composante chrétienne, elle, divisée, désorientée, en perte totale de repères, s'est trouvée confrontée à l'éclatement des dernières valeurs culturelles communes, chaque communauté se positionnant en fonction de ses croyances, de ses traditions et de ses intérêts propres. Mais en toile de fond, c'est un même questionnement angoissant : de quoi sera fait demain ? Un nouveau pacte national, une formule inédite du vivre en commun ou la descente inexorable aux enfers ?
Pour finir, un constat interrogatif : si deux négations ne font pas une nation, trois négations peuvent-elles vraiment le faire ? Il y a bien longtemps que Georges Naccache, totalement désillusionné, ne se retourne plus dans sa tombe, mais de là où il est il serait bien tenté, sans offense, de nous adresser un bras d'honneur...
Quel avenir pour trois négations ?
OLJ / Par Nagib AOUN, le 08 décembre 2014 à 00h00
commentaires (10)
Quel avenir ? A U C U N !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
08 h 50, le 10 décembre 2014