L'approche des fêtes n'est jamais très joyeuse pour un grand nombre de personnes. Souvenirs tristes, parents absents, il y a plus de gens qui n'aiment pas les fêtes que le contraire. Acheter les cadeaux, être bloqués dans les embouteillages, où dîner, chez qui dîner, quoi faire au Nouvel An, combien payer ? Ambiance morose ? Sympa pour l'hygiène mentale. Ce sentiment est étonnant. Parce qu'il véhicule de la tristesse et de la tension. Surtout que les fêtes sont censées être joyeuses. Censées être belles, généreuses. Parce que Noël, c'est le partage et le don, que le Nouvel An, c'est les réjouissances et une nouvelle page qui commence. La joie. Une émotion que l'on sent disparaitre petit à petit. Surtout ici. Surtout chez nous. Ce marasme, devenu insupportable dans tous les domaines, a plombé les derniers soupçons de happiness chez les Libanais. Si on avait un réseau sur rails, on aurait pu dire qu'aujourd'hui, on est plus dans le trip métro-boulot-dodo que plage-montagne-fête. Même si ce combo résiste tant bien que mal malgré tout ce qui se passe autour, il est clair que ce n'est plus vraiment comme avant. Problèmes de fric, situation gangrénée, crise en hausse, bouffe périmée, menaces à droite, à gauche, au milieu. Sans compter les nouvelles décisions de fermer les bars à 2h30, les descentes pour voir encore qui fume et où, et les humiliations qu'on impose en veux-tu en voilà aux homos, aux femmes, aux employés de maison. Bonjour l'ambiance. Sauf que. Sauf que, nonobstant cette situation de merde (appelons un chat un chat), il y a encore quelque chose qui subsiste. Ce petit, tout petit rien qu'est la joie. Celle qu'on puise en nous, chez les autres, dans ce pays qui est devenu, sans que l'on s'en rende compte, la cause de tous nos maux. Lui, le Liban. On n'a pas d'électricité, hayda lébnén. Il y a des embouteillages, des coupures d'eau, un crétin en sens interdit, une connasse qui bloque l'entrée du parking, une mouche dans notre salade, un type qui essaie de nous arnaquer... hayda lébnén. Sauf que. Sauf que le Liban peut être une source de joie. Que les Libanais peuvent être une source de joie. Parce qu'ils savent l'être. Parce que, dans tout, dans chaque détail, on peut trouver un clin d'œil, un sourire, une raison de rire. Aussi sirupeux, cheesy ou Barbara Cartlandesque que cela peut paraître, ça reste encore le cas. Si on laisse la porte ouverte à ces instants-là, on aura gagné. Gagné quoi ? Sûrement pas la bataille et pas encore la guerre. On aura gagné pour nous. On aura gagné ces moments volés que l'on s'empêche de dérober. Ces moment-là, quels qu'ils soient. Un déjeuner en montagne, un dimanche à la plage en plein mois de février, une vieille chanson de Sabah qui passe à la radio quand, bloqué dans sa voiture depuis une heure, on peste contre l'embouteillage (parce que c'est mardi), une partie interminable de tarnib sur le balcon parce qu'il fait encore doux, une soirée DVD du dernier spectacle de Gad, un travail bien fait, un client qui dit à une vendeuse qu'elle est charmante, une attention inattendue de la part de quelqu'un d'inattendu, un compliment spontané, quelqu'un qui vous dit merci parce que vous lui avez tenu la porte, la solidarité discrète des potes, le travail extraordinaire d'une ONG. Tout. Tout peut être susceptible d'apporter un peu de joie, de bonheur, de plaisir. Une boule de Noël qu'on accroche avec ses gamins, un pourboire conséquent, un mec qui vous drague, une fille qui vous fait les doux yeux. Comme dans un roman d'Harlequin. Une bonne action, une faute avouée, un sorry demandé. Le diable a beau être dans les détails. La joie aussi. Dans les moindres détails, quand on sait les apercevoir. Quand on veut les voir. Dans le genre du verre à moitié plein. Sauf que. Sauf que là, il s'agit d'une gorgée, un sip, une goutte même. Un rien du tout. Try a Little Tenderness, disait Otis. Try Joy.
Lifestyle - Un peu plus
9e symphonie
OLJ / Par Médéa AZOURI, le 06 décembre 2014 à 00h40
Enfin quelqu'un(e) qui a tout compris... Merci
16 h 42, le 06 décembre 2014