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Culture - Liban jazz

Les poèmes entrent dans la transe

Un grand gaillard barbu est venu habiter, le temps d'un soir, la salle du Music Hall. Flanqué de sa bouillonnante « Funk Team », il a scandé, une heure trente durant, sa poésie « slammée » sur des airs hypnotiques. Le public ? En transe.

Anthony Joseph, chantre et showman patenté.

La scène, d'abord. Encombrée d'instruments et de matos audio donnant une plus grande intimité entre les artistes. Ces derniers défilent et s'installent. Le percussionniste, Roger Raspail, un Antillais bedonnant et pêchu en salopette jeans. Le bassiste, Andrew John, en bonnet rasta et extrême coolitude. Le batteur, Youssef Dayes, efficace mais effacé. Au keyboard, l'un des meilleurs du Royaume-Uni, Jonathan Idiagbonya. Puis apparaît Anthony Joseph, démarche de félin, look d'intello british en tweed et casquette vissée sur le crâne. Entre la barbe et la visière, des yeux perçants, un visage charismatique, une bouche d'où sort une voix chaude et vigoureuse à la fois. Et le torrent de paroles est déversé. Orateur charismatique, il récite, déclame, martèle, scande ses mots. Les yeux écarquillés, l'oreille tendue, on boit ses paroles en pensant qu'on aurait bien aimé assister à ses cours de création littéraire à l'Université de Londres. Au deuxième titre, intitulé Shine, «un hommage à une amie vivant à Berlin, qui a beaucoup souffert. Et qui lutte toujours», explique-t-il. Émouvant, certes, mais ses manières commencent à taper un peu sur le système. Entre deux vers, il écarte les bras et agite ses doigts en incitant sa team à y aller plus fort sur les instruments. Un air, une attitude de prédicateur qui exaspèrent quelques-uns. Au troisième morceau, il sort, tombe la veste et revient en chemise à motif Liberty. La tenue est plus décontractée, l'attitude aussi. Il s'attaque à un morceau dédié à Malala, Girl With a Grenade. «S'il y a une poignée d'enfants forts et intelligents comme elle, notre avenir est en de bonnes mains», assure le poète. Sur Hustle to Live, il s'enveloppe du drapeau rouge, noir et blanc de Trinité-et-Tobago, et avec son sifflet, émet des sons stridents. À ce stade-là du concert, ou plutôt du spectacle, l'on ne fait plus trop attention à chaque mot. Si les paroles montent à la tête du spectateur, la musique ambiante, ce mélange remuant de funk rocailleux, de free jazz et de pulsions africaines, lui, va direct aux tripes.
Les morceaux se suivent, tirés du cinquième album de Joseph, concocté en connivence artistique avec la New-Yorkaise Meshell Ndegeocello. Des spectateurs se déhanchent, remuent la tête. Certains s'enhardissent même et vont danser au pied de la scène. Deux jeunes hommes se plaisent même à exécuter quelques pas de dabké. La transe peut prendre diverses formes...
Né à Trinidad, Anthony Joseph vit à Londres. Tout en continuant à publier sa littérature, l'artiste a enregistré avec son groupe The Spasm Band son premier album Leggo de Lion en 2007, puis un second Bird Head Son en 2009. En 2011 il sortait conjointement son quatrième recueil de poèmes Rubber Orchestras et un troisième album du même nom. Une fusion jubilatoire de soul, de funk, de rock ou encore d'afrobeat. Son cinquième Time rend la parole brute, sans être chantée. Et met la lumière sur les problèmes sociopolitiques de notre temps.
Une coproduction Liban Jazz & Eléftériadès avec la First National Bank. Et le soutien du British Council.

La scène, d'abord. Encombrée d'instruments et de matos audio donnant une plus grande intimité entre les artistes. Ces derniers défilent et s'installent. Le percussionniste, Roger Raspail, un Antillais bedonnant et pêchu en salopette jeans. Le bassiste, Andrew John, en bonnet rasta et extrême coolitude. Le batteur, Youssef Dayes, efficace mais effacé. Au keyboard, l'un des meilleurs du...
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