Au cas où quelqu'un l'ignorerait encore : un député libanais a molesté une fonctionnaire du Palais de justice. D'abord parce qu'elle n'a pas donné priorité à sa requête, ensuite et surtout parce qu'elle n'a pas su répondre à sa question piège : « Sais-tu qui je suis ? » J'avoue que moi non plus je n'aurais pas deviné la réponse. On a les sphinx qu'on peut, j'attends la gifle. Un fait divers, certes. Mais tout de même, au moment où tout le monde spécule sur une nouvelle prorogation du mandat des parlementaires à défaut d'une élection présidentielle, l'affaire Manale Daou serait de nature à déclencher le genre de révolution qui arrive sur les pattes d'une colombe.
Dans les faits, le député Fattouche a traité la fonctionnaire de « mal élevée » et l'a au moins bousculée. Est-ce parce qu'elle lui a demandé d'attendre son tour ? Voilà qui indique pourtant un sens de la discipline, de l'équité, de l'organisation et, voyons, de la démocratie. Est-ce parce qu'elle ignore sa personne ? Comment le lui reprocher ? Tout le monde n'a pas le temps ou l'envie masochiste de buller tous les soirs devant le journal télévisé pour flatter l'ego de cette coterie de pacotille, apprendre qui a reçu qui, qui a déclaré quoi et réentendre la même pâte verbeuse, bavasseuse, inconsistante et vomitive qu'elle ressert ad libitum sur toutes les chaînes locales. Bref, le député, répugnant à se présenter lui-même comme cela se fait entre gens du même monde, a laissé à son « accompagnateur » le soin d'instruire la préposée. Entre-temps, le coup était parti. Était-ce un coup ? N'en était-ce pas un ? Les présents ont affirmé qu'il y a eu agression physique. La malheureuse l'aurait nié dans sa déposition. Elle a trois enfants et veut la paix. Elle n'a pas la possibilité de s'autoproroger, elle, si pour une raison ou une autre il est mis fin à son emploi.
S'est-elle sentie en danger, Manale, après ce moment de solitude où toute la violence du pouvoir arbitraire s'est abattue sur elle ? A-t-elle pris conscience que ce député est payé avec les impôts prélevés sur son salaire à elle ? Sait-elle que cette Chambre a déjà coûté au contribuable en moins de deux ans plusieurs millions de dollars ? Avec pour bilan un appauvrissement aggravé de ses électeurs, un centre-ville régulièrement bouclé et privé de ses chalands, des réunions stériles, des mises en scène d'élection présidentielle qui frisent la mascarade et une économie qui s'effondre pour cause d'instabilité politique. Sans compter la corruption et autres nuisances dont les moindres ne sont pas les convois de 4 x 4 noirs, hostiles, ostentatoires, dangereux et bruyants. Le coup donné par Fattouche à Manale Daou, c'est le Liban tout entier qui l'a reçu en plein cœur. Par l'arrogance et l'impunité d'un seul, c'est tout le Parlement qui risque son avenir. « Je suis le député Fattouche et je ne peux pas attendre », aurait asséné l'édile à la brave employée. Nous sommes le peuple du Liban, Monsieur, nous exigeons votre respect et nous sommes las d'attendre que vous vous mettiez au travail. Nous n'avons d'ailleurs plus les moyens de vous employer à ne rien faire.
Mal élevés
AFP / Par Fifi ABOU DIB, le 23 octobre 2014 à 02h05
commentaires (8)
Quel Abruti, Quel faineant ! et tous les qualificatifs de ce calibre.
Daniel Renaud / DPR CONSULTANT SAL 3477
13 h 02, le 24 octobre 2014