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À La Une - Reportage

Dans la forêt congolaise, le poisson remplace la viande de brousse pour vaincre Ebola

Plus question de se toucher quand on se dit bonjour : on se salue désormais de loin...

A Lokolia, certains continuent de se faire coiffer par des mains étrangères en dépit des risques de contagion. KATHY KATAYI/AFP

A cause d'Ebola, "nous ne mangeons plus que du poisson, frais ou fumé", explique Bibiche. Comme tant d'autres à Lokolia, au fin fond de la RDC, cette mère de famille a dû changer ses habitudes depuis quelques semaines. "On nous a demandé de ne plus manger de viande (de brousse) car [la maladie] viendrait des animaux", ajoute-t-elle assise par terre, soufflant sur les flammes qui lui permettront de faire frire les quelques poissons qui attendent dans une bassine en plastique.

A Lokolia, localité de quelques milliers d'habitants perdue dans la forêt équatoriale à environ 800 km au nord-est de Kinshasa, le nouveau régime n'est pas du goût de tous.
"On nous a interdit de manger de la viande, mais nous n'avons pas de rivière toute proche. Quand nous chassions les animaux, ça nous permettait de les revendre et de payer l'école de nos enfants. C'est difficile pour nous maintenant", se plaint Christine, qui vend néanmoins quelques poissons fumés étalés sur une bâche bleue.

Depuis la fin du mois de juillet, la République démocratique du Congo est frappée par une épidémie d'Ebola qui a fait 43 morts, selon le dernier bilan officiel. Au centre de la zone touchée, Lokolia, du fait de son hôpital, a vu mourir nombre de malades venus s'y faire soigner. C'est là que Médecins sans frontières (MSF) a installé l'un de ses deux centres de prise en charge établis dans la zone de l'épidémie.

Consciente du danger, la population semble respecter dans l'ensemble les consignes de sécurité des autorités pour empêcher la propagation de l'épidémie. Extrêmement contagieuse au contact d'une personne qui en développe les symptômes, la maladie reste pour l'heure circonscrite à un territoire relativement restreint, à défaut d'être totalement maîtrisée.
Plus question de se toucher quand on se dit bonjour : on se salue désormais de loin... mais certains continuent de se faire coiffer par des mains étrangères.

Armé d'un porte-voix, Jonas Mboyo, "sensibilisateur", arpente les rues de terre bordées d'habitations en torchis. Dépourvue d'eau et d'électricité, Lokolia illustre bien le quotidien difficile de la grande majorité de la population du pays, parmi les moins développés au monde.
"Nous demandons aux gens de mettre les seaux pour le lavage des mains devant leurs portes, afin de se laver les mains chaque fois après s'être rendus aux toilettes, avant de manger et avant de faire quoi que ce soit", indique M. Mboyo.
Le gouvernement fournit de l'eau chlorée pour permettre aux gens de se désinfecter et limiter ainsi fortement les risques de contamination.

Vol de cadavre

La vie publique a été fortement ralentie par l'épidémie. Lele Mboto, fidèle d'une église locale, explique que le culte dominical a repris fin septembre après plus d'un mois d'interruption. "Nous ne nous réunissions plus à cause d'Ebola, afin d'éviter de nous toucher, de nous parler en face... C'est de ça que nous avions peur", dit-il.
"Nous avons respecté les conseils et la situation est devenue un peu plus calme ; [avant cela] il y avait beaucoup trop de morts", se réjouit pour sa part Ekofo, un jeune homme de la ville.

Jeudi, le chef de la Mission de l'ONU en RDC (Monusco), Martin Kobler, de retour d'une visite à Lokolia, a tenu à "féliciter les agents de l'État, des Nations unies" et de Médecins sans frontières (MSF) pour leur "travail extraordinaire sur le terrain" contre la maladie. "Si tous les acteurs, ainsi que les villageois continuent à être aussi vigilants et sérieux dans cette lutte, la maladie pourra être maîtrisée dans les semaines prochaines", a-t-il espéré.

La vigilance peut encore s'améliorer. Un journaliste de l'AFP a pu constater que dans les zones où il y a eu peu ou pas de victimes, les gens ont une moindre conscience du danger et respectent globalement assez peu les consignes des autorités.

Il y a deux semaines un jeune homme originaire d'un village est mort en ville dans un centre de prise en charge. Au village, "nous avons eu des rumeurs selon lesquelles on [l'avait coupé] en morceaux", raconte un de ses amis.
"Nous avons fait une descente pour voir par nous-mêmes et c'est ainsi que nous avons ravi le cadavre de force", ajoute-t-il, "nous avons constaté que c'était faux mais on a quand même amené le cadavre au village" pour l'enterrer.
Depuis lors, toute la bande est suivie de très près par des équipes médicales pour s'assurer qu'ils ne développent pas la maladie.


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