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Liban - Crise syrienne

HRW : Les attaques contre les réfugiés syriens se multiplient, les agresseurs rarement poursuivis

L'ONG demande aux forces de sécurité de protéger les déplacés et aux responsables politiques de condamner clairement ces attaques.

HRW note une recrudescence des attaques contre les réfugiés syriens depuis la bataille de Ersal. Photo Reuters/Stringer

L'ONG Human Rights Watch (HRW) a publié hier un communiqué dénonçant la multiplication des atteintes contre les réfugiés syriens dans de nombreuses régions libanaises, notamment depuis les affrontements entre l'armée et les groupes extrémistes de l'État islamique (EI) et du Front al-Nosra en août dernier, et depuis qu'une trentaine de soldats sont retenus en otage par ces deux groupes. Le rapport de HRW condamne particulièrement les autorités libanaises, politiques et sécuritaires, qui ont échoué jusque-là à protéger les réfugiés, victimes de discriminations et de violences commises par des individus rarement poursuivis. Le rapport les soupçonne même d'indifférence au sort de ces personnes vulnérables ayant fui la guerre dans leur pays.


Le Liban accueille plus d'un million de réfugiés syriens, ce qui représente une pression sans précédent sur ce pays.

 

(Réfugiés syriens au Liban : un état des lieux en infographies)


Ainsi, l'ONG note que les actes de violence ont pour but, dans certains cas, d'entraîner l'expulsion des Syriens d'une région spécifique ou d'imposer un couvre-feu. Dans certains quartiers, notamment à Hay el-Sellom, Bourj Hammoud, Hadeth, Tyr, Ajaltoun et Srifa, des affiches ont été collées sur les murs demandant aux réfugiés de quitter les lieux, affirme HRW. Dans le quartier beyrouthin de Zokak el-Blatt, des affiches menaçaient ceux qui restaient de « meurtre ou de torture jusqu'à ce que mort s'ensuive ». Selon les informations de HRW, les assaillants opéraient sous couverture tacite des autorités locales.
HRW fait état de 11 cas d'attaques violentes en août et en septembre menées par des citoyens libanais contre des civils syriens ou certaines personnes perçues comme étant syriennes, à l'aide de couteaux ou d'armes à feu. L'ONG a interviewé dix victimes, cinq membres de familles ou amis de victimes et sept travailleurs humanitaires.


Toutes les victimes ont été attaquées en raison de leur nationalité, ont affirmé à l'ONG les victimes elles-mêmes, des témoins et des travailleurs sociaux. Ces victimes ont indiqué ne pas faire confiance aux autorités libanaises pour les protéger ou pour mener des enquêtes. Au moins quatre de ces attaques ont eu lieu en présence de membres des forces de sécurité, qui ne sont pas intervenus.
« Les forces de sécurité libanaises devraient protéger tous les citoyens sur le sol libanais et ne pas fermer les yeux sur les agissements de groupes qui terrorisent les réfugiés, a déclaré Nadim Houry, vice-directeur pour la région Mena de HRW. Les forces de sécurité doivent protéger tous les individus, quelle que soit leur nationalité. »

 

Peur de porter plainte
L'Institut libanais pour la démocratie et les droits de l'homme (LIFE), une ONG locale, a affirmé avoir répertorié une vingtaine d'attaques violentes contre des réfugiés syriens en septembre, dont des agressions à l'aide de couteaux et d'armes à feu. Dans certains cas, des réfugiés syriens ont été expulsés d'un bus ou d'un minibus. La majorité de ces attaques ont eu lieu dans la Békaa, Nabaa et Bourj Hammoud, deux quartiers de Beyrouth, et dans la banlieue sud de la capitale.
Selon les personnes interrogées, aucune enquête n'a été ouverte sur la grande majorité de ces incidents. Des suspects ont été arrêtés dans un cas uniquement, mais il n'était pas clair s'ils avaient fait l'objet de poursuites. Une des victimes a affirmé avoir voulu porter plainte à la gendarmerie le 6 septembre dernier, mais qu'un officier lui avait rétorqué « qu'il ne fallait pas en faire toute une affaire ». Huit victimes ont affirmé ne pas avoir porté plainte craignant des représailles ou d'être elles-mêmes arrêtées. Selon des travailleurs humanitaires, une des victimes a même été menacée de mort si elle portait plainte au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).


Les autorités libanaises devraient prendre des mesures immédiates pour enquêter sur ces abus et engager des poursuites contre les responsables de ces actes, indique l'ONG. Elles devraient aussi prévoir de protéger les réfugiés dans les régions où la possibilité d'attaques est grande, souligne HRW.
« Attaquer des réfugiés ne ramènera pas les soldats capturés et ne résoudra pas la crise des réfugiés syriens, a souligné M. Houry. Ces attaques ne feront qu'accroître leur misère, l'instabilité et l'insécurité au Liban. »
HRW souligne que les responsables libanais devraient clairement condamner la violence, notant que deux leaders, Walid Joumblatt, chef du bloc de la Lutte populaire, et Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, ont condamné récemment ces attaques. Certaines déclarations de responsables faisant assumer aux réfugiés syriens la responsabilité des incidents sécuritaires au Liban ne fera qu'exacerber la tension, avertit l'ONG. « Faire assumer aux réfugiés syriens tous les maux dont souffrent les Libanais ne résoudra rien », a ajouté M. Houry.

 

Quelques cas documentés
HRW fournit des détails sur les onze cas récents d'attaque contre des Syriens qu'elle a documentés, mais prend le soin de préciser qu'elle n'a pas pu enquêter de manière indépendance sur ces cas, dont nous reproduisons ici un échantillon.


Abdel Rahman, qui vit à Bourj el-Brajné (banlieue sud de Beyrouth) depuis 2013, témoigne de sa mésaventure : « Il y a environ trois mois (début août), une fausse rumeur selon laquelle j'étais membre d'une cellule terroriste dormante au Liban s'est propagée à Bourj el-Brajné. Évidemment, je ne le suis pas, mais c'est ce que les gens disaient. Chaque fois que je sortais de la maison, ils m'insultaient et me lançaient leurs chaussures. Ils l'ont fait à d'autres Syriens aussi. »


Voici le témoignage de Nadia, qui réside à Bourj Hammoud : « Des jeunes ont distribué, début septembre, des tracts ordonnant aux Syriens de partir et d'évacuer la zone à partir du mardi 9 septembre à 18 heures. Ils ont prétendu que leur décision a été prise en solidarité avec les martyrs de l'armée libanaise, comme on pouvait lire sur le tract. L'armée est entrée Bourj Hammoud le même jour et les gens ont commencé à dire aux Syriens de partir. Les soldats ont bouclé le quartier pendant un certain temps et n'ont laissé personne entrer. Ils ont dit que les Syriens devaient partir. »
Elle poursuit : « Un Libanais en civil s'est promené dans notre rue avec un revolver en criant : où sont les Syriens ? Les forces de sécurité étaient présentes, mais n'ont rien fait pour l'arrêter. Je me suis cachée dans la maison avec mon enfant. »


À Mar Élias, dans la Békaa, un travailleur humanitaire a indiqué que, début août, quatre jeunes Libanais se sont rendus dans un camp de réfugiés non officiel et ont attaqué un groupe de réfugiés syriens. Il raconte que, dans le village d'al-Hosnieh, dans le Akkar, le 9 août, « des hommes armés ont attaqué un camp non officiel qui abritait environ 400 réfugiés syriens. Ils ont agressé et insulté les Syriens. Ils ont menacé de revenir brûler les tentes et de tuer les réfugiés qui n'auraient pas quitté la zone ».
Dans la nuit du 12 août, entre 22 h 30 et minuit, des personnes masquées ont attaqué 25 réfugiés syriens, rapporte un autre travailleur humanitaire ayant interrogé deux réfugiés syriens qui vivent dans un camp non officiel à Becharré, dans le nord du Liban. L'attaque était à la fois verbale et physique, elle avait pour objectif de faire fuir tous les réfugiés syriens de la région, poursuit-il.


Dans la Békaa, un travailleur humanitaire raconte que son organisation a enregistré 16 incidents violents contre des réfugiés syriens au cours de la seconde semaine de septembre. Cinq camps de réfugiés ont été incendiés, dont un qui a complètement brûlé, précise-t-il.

 

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