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Liban - Ressources

Réfugiés syriens : l’inévitable désastre écologique

Un rapport sur « l'évaluation environnementale du conflit syrien et des interventions prioritaires pour le Liban » a été lancé hier par le ministère de l'Environnement.

Un rapport sur « l’évaluation environnementale du conflit syrien et les interventions prioritaires pour le Liban » a été lancé hier par le ministère de l’Environnement : avec 37 % des réfugiés syriens de la région, le pays du Cèdre est confronté à un véritable désastre écologique.

Si l'environnement au Liban est exposé à une dégradation certaine depuis de nombreuses années, la présence d'un million et demi de réfugiés syriens a décuplé les impacts sur la nature et les ressources. Le nouveau rapport rendu public hier par le ministère de l'Environnement relie clairement la brusque augmentation du nombre d'habitants – du fait de l'arrivée de plus de 1,4 million de réfugiés syriens (37 % du total des réfugiés dans la région) – à la pression accrue sur les ressources : le volume de déchets a augmenté de 15,7 %, la demande en eau s'est accrue de 8 à 12 % (soit 43 à 70 millions de mètres cubes d'ici à la fin 2014), les eaux usées de 8 à 14 %, les polluants dans l'air de quelque 20 %. Ce rapport, établi en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), avec un financement de l'Union européenne (UE), prend pour référence les années 2010-2011 et explore l'impact de cette présence sur l'environnement, tout en proposant des solutions.

Dans les détails, le rapport montre que ces développements donnent lieu à un chaos généralisé dont souffrent autant les communautés vulnérables, notamment dans les zones rurales, que les réfugiés eux-mêmes. Les communautés les plus touchées, c'est-à-dire celles où les réfugiés sont désormais plus nombreux que les locaux, sont passées de 30 à 45. Et les municipalités ressentent de plus en plus de pression. Pour en revenir aux déchets solides, leur gestion, déjà inefficace au Liban, s'est dégradée : ainsi, les sites existants, comme la décharge de Naamé, qui aurait déjà dû être fermée, sont largement saturés. Les dépotoirs sauvages ont proliféré ainsi que l'incinération des ordures à l'air libre, ce qui menace la santé des riverains, ainsi que la qualité de l'eau et du sol. Le budget des municipalités pour la gestion des déchets a augmenté de 40 %.

La demande accrue en eau constitue une pression sans précédent sur les réserves hydrauliques du pays : ainsi, le rapport constate que le niveau d'eau dans les puits de nombreuses régions est tombé entre 1 et 20 mètres entre avril 2013 et avril 2014. La qualité de l'eau en a pâti également : certains polluants y sont désormais présents à un taux plus de dix fois supérieur aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

 

Sur cette carte du rapport, les gros cercles montre l’emplacement des régions les plus affectées par l’augmentation du volume de déchets solides, avec un impact sur l’eau de surface et les nappes phréatiques.

 

L'accroissement de la densité démographique
La pollution due aux eaux usées a augmenté, elle, de quelque 40 000 tonnes, nécessitant un traitement par an. Les cazas de Baalbeck, du Akkar, de Zahlé et Saïda sont les plus touchés. Ce problème, déjà existant au Liban, est ainsi exacerbé, dans un pays où 8 % seulement des eaux usées sont traitées actuellement.
L'impact sur la pollution de l'air est due à une intensification du trafic automobile de 5 % à peu près, ainsi qu'au chauffage dans les maisons qui a également augmenté de 5 %, à l'incinération sauvage des déchets, qui libère des polluants dangereux dans l'air, et au secteur de l'énergie, principalement les générateurs privés qui tournent à plein régime.

(Repère :Réfugiés syriens au Liban : un état des lieux en infographies)



Le rapport s'attaque enfin à un aspect peu étudié auparavant, celui de l'occupation des sols et de l'impact sur la biodiversité. Avec ce chiffre édifiant : la densité démographique au Liban a augmenté de 37 % en trois ans seulement, passant de 400 à 520 habitants au kilomètre carré ! Ce que le rapport appelle « les communautés vulnérables » occupent dorénavant, selon le texte, 8,6 % du territoire contre 7 % précédemment. Ce sont principalement des zones rurales où le nombre de camps improvisés est passé de 250 en juin 2011 à 1 224 en mai 2014. Ces communautés fragilisées se trouvent très souvent près de zones sensibles d'un point de vue écologique, d'où un impact certain.

La densité démographique nouvelle a un impact considérable sur le secteur de la construction, ainsi que sur la vente et la location : on peut lire dans le rapport que le ministère de l'Intérieur et des Municipalités a autorisé, en 2014, les municipalités et les caïmacams à délivrer des permis aux résidents locaux dans un grand nombre de zones rurales, sans tenir compte des procédures de l'urbanisme...
Pour être en mesure de s'imaginer l'ampleur de cet impact sur l'environnement au Liban, voici ce que Sawsan Mehdi, l'une des expertes ayant travaillé sur le rapport, souligne : « Avec ce flux de réfugiés, c'est comme si on atteignait en trois ans la densité démographique qui devait être celle de 2041 ! »

 

Les régions présentant une charge de pollution progressive et inquiétante, qui résulte de la présence accrue de réfugiés syriens, sont marquées sur cette carte.

 

 

Des chiffres pour de nouvelles priorités
Certes, le rapport ne parle pas que des problèmes, mais propose également des solutions pour remédier à ces problèmes écologiques exacerbés par la présence d'un tel flux de réfugiés. Au cours de la conférence de presse organisée hier au Grand Sérail pour lancer l'ouvrage, Lamia Mansour, experte en politique environnementale à l'UE, qui a présenté le rapport, a précisé que des solutions sont proposées à la fin de chaque chapitre, avec une mention du budget requis, dans une mesure visant à encourager les donateurs à s'occuper également de cet aspect. Voilà, donc, l'un de ses bénéfices. Il y en a d'autres : ce rapport, par les chiffres qu'il avance, donne une idée plus exacte qu'auparavant de l'ampleur du phénomène des réfugiés.

 

(Lire aussi : Les réfugiés syriens personae non gratae dans des localités chiites de la Békaa et du Sud)


Des chiffres nouveaux, c'est ce dont s'est félicité le ministre de l'Environnement Mohammad Machnouk au cours de la conférence de presse. « Pour mieux aider ces réfugiés, il fallait savoir qui ils sont, où ils se trouvent, quelles sont les infrastructures affectées par leur présence, a-t-il dit. Le problème devient ingérable dans beaucoup de régions, non pas en raison de ces personnes elles-mêmes, mais de la difficulté à faire face à ce brusque accroissement de la population. Dans certains villages, on est passé de trois mille à quinze mille habitants ! »
Et d'ajouter : « Nous aspirons à ce que les aides internationales tiennent compte de certaines priorités avancées dans ce rapport. » Il a assuré que le document sera continuellement remis à jour.

Pour sa part, Ross Mountain, représentant du Pnud au Liban, a souligné que « les problèmes évoqués dans ce rapport ne sont pas nouveaux, mais ils ont été exacerbés par le flux de réfugiés ». Il a ajouté que le Liban accueillait désormais la plus grande densité de réfugiés per capita au monde, estimant qu'il y avait quand même de l'espoir et assurant le Liban du soutien de la communauté internationale.
Maciej Golubiewski, chargé d'affaires à la Délégation de l'UE au Liban, a rappelé que le Haut- Commisariat de l'Onu pour les réfugiés (HCR) inscrit une moyenne de 2 500 réfugiés par jour. Il a estimé que ce rapport a mis en lumière un aspect très important de la crise, mais qu'il n'est en aucun cas dirigé contre les réfugiés, puisque ceux-ci en souffrent à l'instar des populations locales.

Pour ce qui est des solutions proposées dans le rapport, elles concernent toutes l'amélioration de la gestion environnementale comme, par exemple, la fermeture des dépotoirs sauvages, la formation du personnel municipal, la construction de décharges sanitaires là où le besoin se fait ressentir, l'accélération de la réalisation d'infrastructures pour le traitement des eaux usées...
Il est possible de consulter le rapport sur le site Internet du ministère de l'Environnement ou d'envoyer des commentaires au EASC@moe.gov.lb.

 

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