Rechercher
Rechercher

Économie - Enquête

Fuite des capitaux libanais : Dubaï, la terre promise ?

Alors que le Liban paie cher le prix de la crise régionale précipitant le départ des cerveaux et capitaux libanais depuis trois ans, les Émirats arabes unis, et en particulier Dubaï, apparaissent pour beaucoup d'hommes d'affaires libanais un paradis pour l'implantation et le développement des activités.

Dubaï, la nuit, dans toute sa splendeur.

« Avant 2011, je n'avais jamais pensé à investir ailleurs qu'au Liban, raconte Tony Ramy, président du syndicat des restaurateurs. J'aime le Liban et j'ai toujours cru en son potentiel. Mais depuis trois ans, force est de constater que pour survivre, tout homme d'affaires libanais se doit d'avoir un pied à terre à l'étranger. »
Il y a tout juste cinq mois, Tony Ramy vient ainsi de signer un contrat de location pour une villa de 2 000m2 à Jumeirah Beach, un des quartiers les plus en vue de Dubaï. C'est là qu'ouvrira dès 2015 le Falamanki émirati pour un investissement initial de 5 millions de dollars et quelque 150 emplois à la clef.
L'homme d'affaires libanais ne compte pas s'arrêter là. Après le Falamanki Dubaï, il compte investir quelques millions de dollars pour l'ouverture en 2016 d'un restaurant Sultan Brahim et d'un Train Station toujours à Dubaï.
Outre ce marché, M. Ramy prévoit également d'investir dans celui du Koweït avec l'ouverture de deux restaurants, le Sultan Brahim et le Al Diwan pour des investissements respectifs de 4,5 millions et 3 millions de dollars. En parallèle, l'homme d'affaires a signé deux contrats de franchise pour ce même restaurant au Qatar.

 

(Pour mémoire : Dubaï veut construire le plus grand centre commercial du monde)

 

L'ascension des Libanais à Dubaï au détriment du Liban ?
Après le Buddha Bar, le Hard Rock Café et Yabani Sodeco plus récemment, la fermeture de grands noms du secteur de la restauration et du tourisme au Liban s'accélère et « pourrait bien se poursuivre si la situation sur le plan interne n'évoluait pas », prévient Tony Ramy.
Parmi ces fermetures, de grandes enseignes, de la nuit notamment, ont fini par délaisser Beyrouth pour s'exporter à Dubaï et y faire, là-bas, un véritable carton.
C'est le cas du groupe Crystal. Il possédait au Liban des enseignes telles que le Crystal, le Palais, l'Alcazar, La Plage ou encore Sofitel Catering parmi d'autres. Au total, une dizaine d'établissements pour des investissements d'entre 500 000 et 3 millions de dollars chacun et quelque 400 employés.
Aujourd'hui, le groupe n'a conservé au Liban que le Pier7. « Nous avons commencé progressivement à fermer au Liban depuis 2005, raconte Jad Matta, le président-directeur général du groupe. Nous perdions trop en raison de l'instabilité, et depuis 2011, les choses se sont accélérées. » M. Matta avoue ainsi pas être sûr de conserver le Pier7 l'été prochain.
« Nous perdons trop au Liban, explique l'homme d'affaires. Par ailleurs, tous les professionnels du secteur sont partis à Dubaï avec la crise locale. En été, il devient pratiquement impossible de trouver de la main-d'œuvre qualifiée pour travailler dans notre établissement libanais. »
En parallèle à ces difficultés locales, le groupe Circle Management poursuit de plus belle son ascension dans la capitale émiratie. Après le lancement de C Bar à Dubaï, Jad Matta a créé People By Crystal, puis 40 Kong, le restaurant Em Sherif et la station balnéaire Eden pour des investissements qui varient entre 4 et 7 millions de dollars chacun. Depuis le lancement de ces activités à Dubaï, Jad Matta dit avoir connu une croissance constante de ses revenus de 30 %.
À la question de savoir s'il compte un jour réinvestir au Liban, l'homme d'affaires libanais répond par la négative et confie viser le Golfe.
« Au Liban, il est trop difficile pour n'importe quel investisseur de pouvoir établir un business plan car il est impossible d'avoir une vision, même à moyen terme, de la situation », justifie Jad Matta. Or, dans le secteur du tourisme, la sécurité et la stabilité politique sont deux impératifs pour assurer la viabilité des investissements.
« À Dubaï, en revanche, tout est fait pour attirer les investisseurs étrangers, poursuit-t-il. Que ce soit au niveau sécuritaire, de la croissance économique ou même du cadre législatif. » L'émirat est ainsi devenu en quelques années un véritable eldorado pour les investisseurs et hommes d'affaires libanais où la « Lebanese touch » est particulièrement recherchée, tout comme la qualité de la main-d'œuvre du pays du Cèdre.

 

(Pour mémoire : Producteurs de vin : opération séduction à Dubaï)

 

Première destination d'export des franchises libanaises
Les Arabes du Golfe ne pouvant plus venir au Liban, le Liban est ainsi allé vers eux. Selon la Lebanese Franchise Association (LFA), Dubaï est la première destination d'export des concepts libanais. Ces deux dernières années, une vingtaine de concepts libanais seraient venus s'ajouter aux 20 franchises libanaises déjà présentes sur le marché de Dubaï. Parmi elles, Wooden Bakery, Shawarmanji, Mayrig, le Music-Hall, le White ou encore Silkor.
« Ce n'est pas forcément une bonne chose pour l'économie locale, déplore Tony Ramy. Auparavant, Beyrouth attirait les touristes arabes séduits par nos concepts, aujourd'hui, si le Liban s'exportait vers eux, pourquoi viendraient-ils encore ? »
Sultan Ibrahim, Em Sherif, Bourj el-Hamam, Abdel Wahab, Living colours... Aujourd'hui, 90 % des restaurants libanais ont des franchises à l'étranger, selon les estimations du syndicat des restaurateurs libanais.
Une tendance qui commence à s'étendre à d'autres secteurs d'activités stimulés par la morosité de l'économie locale.

 

Au moins 1,5 md de dollars de manque à gagner pour le Liban
« Le Liban a toujours été un pays à risque mais à haut potentiel, justifie de son côté Fouad Zmokhol, président du Rassemblement des chefs d'entreprise libanais (RDCL). Aujourd'hui, non seulement le risque-pays est en train de grimper, mais le retour sur investissement également se réduit, poussant ainsi de plus en plus d'hommes d'affaires à rediriger leurs investissements à l'étranger. »
Selon les chiffres du RDCL, l'économie locale serait ainsi passée à côté d'au moins 1,5 milliard de dollars d'investissements depuis le début de 2014. « En début d'année, de nombreux investissements étaient prévus dans les secteurs hôtelier, immobilier et touristique, mais suite aux développements, ils ont été pour certains gelés ou d'autres redirigés vers l'extérieur, notamment les Émirats », ajoute M. Zmokhol.
Le président du RDCL parle même d'une véritable « économie de guerre » qui s'est amorcée depuis le mois de juillet au Liban, justifiant le départ d'entrepreneurs qui, jusqu'à il y a encore deux ans, n'avaient jamais envisagé de diriger leurs investissements ailleurs qu'au pays du Cèdre.
Les investissements dans de nouveaux projets au Liban ont ainsi été divisés par deux de 2012 à 2013 selon les chiffres de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), tandis qu'ils sont passés de 1,8 milliard de dollars en 2009 à 104 millions en 2013.
Toujours selon le RDCL, « les problèmes sécuritaires et la vacance présidentielle auraient coûté au Liban 2 points de croissance du PIB en huit mois ». Au début de l'année, nous prévoyions 3 % de croissance pour 2014. Aujourd'hui, les prévisions sont tombés à 1 % », renchérit Fouad Zmokhol.
Dans un pays où 79 % des investissements proviennent du secteur privé (RDCL), la décision de lancer un nouveau projet repose essentiellement sur la confiance des consommateurs et le sentiment de l'investisseur. Or, l'indice de confiance des consommateurs publié par la Byblos Bank et l'Université américaine de Beyrouth est tombé à 33,4 en 2014 contre un niveau de 97 en 2009.
« Par ailleurs, cela fait au moins une dizaine d'années que le risque souverain n'a pas été aussi élevé, ajoute Fouad Zmokhol. Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que les grandes sociétés réduisent les emplois et redirigent leurs investissements ailleurs. »
Au fur et à mesure que le Liban s'enfonce dans la crise, ses talents et investissements quittent le pays à une vitesse grand V, un exode à double tranchant contribuant au rayonnement des Libanais à l'étranger, mais pas forcément à celui du pays.

Lire aussi

Nightlife : innover pour résister

« Avant 2011, je n'avais jamais pensé à investir ailleurs qu'au Liban, raconte Tony Ramy, président du syndicat des restaurateurs. J'aime le Liban et j'ai toujours cru en son potentiel. Mais depuis trois ans, force est de constater que pour survivre, tout homme d'affaires libanais se doit d'avoir un pied à terre à l'étranger. »Il y a tout juste cinq mois, Tony Ramy vient ainsi de signer...

commentaires (4)

NOS ABRUTIS SONT LES PREMIERS À NE PAS GARDER LEURS CAPITAUX DANS LE PAYS. RÉELISEZ, LIBANAIS, ALLEZ, RÉELISEZ L'ABRUTISSEMENT.. ENCORE.... ET ENCORE... ET LAISSEZ-LE S'ALLONGER ET SE PROLONGER À VOLONTÉ !

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 49, le 27 septembre 2014

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • NOS ABRUTIS SONT LES PREMIERS À NE PAS GARDER LEURS CAPITAUX DANS LE PAYS. RÉELISEZ, LIBANAIS, ALLEZ, RÉELISEZ L'ABRUTISSEMENT.. ENCORE.... ET ENCORE... ET LAISSEZ-LE S'ALLONGER ET SE PROLONGER À VOLONTÉ !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 49, le 27 septembre 2014

  • Dubai rayonne et le Liban est empetre jusqu'au cou sur tous les plans... Il n'y a pas de solution a nos trop nombreux problemes. Il faut que tous nos politiciens demissionnent! Ou est le peuple? Pourquoi est-on resigne???

    Michele Aoun

    16 h 04, le 26 septembre 2014

  • Dommage pour notre beaux pays. Que les politiciens lisent cet article

    Vahe Atmadjian

    13 h 46, le 26 septembre 2014

  • ...et c'est comme ca qu'on va libérer la palestine, protéger le regime crapuleux qui ne fait que nous enfoncer depuis 40 ans, s'aligner sur les mollahs qui ne recherchent que notre bonheur....la liste est longue. Entretemps, Israel s'esclaffe (on fait le sale boulot pour eux) et Dubai est aux anges (malgré les 50 degrés a l'ombre).

    Tabet Karim

    08 h 57, le 26 septembre 2014

Retour en haut