Le Liban officiel était convaincu jusqu'ici que les jihadistes, qui ont entre les mains une trentaine d'otages parmi les militaires, ne gaspilleraient pas aussi facilement ce « trésor » qu'ils aspirent à exploiter à fond dans les négociations.
Cependant, avec les menaces successives du Front al-Nosra d'abord, qui détient encore 18 otages, puis de l'État islamique (EI, ex-Daech), qui a menacé mercredi soir de décapiter l'un des dix otages qu'il détient, les calculs des responsables libanais se sont révélés un peu trop optimistes, d'autant que deux militaires ont déjà été sacrifiés aux mains de l'EI.
Pourquoi donc cet empressement chez Daech à manier l'épée alors que le gouvernement libanais a déjà entamé des négociations par le biais du Qatar ? Les otages ne représentent-ils pas une carte importante aux mains des deux groupes islamistes les habilitant à faire pression pour décrocher quelques réponses favorables à la pléthore de revendications formulées auprès des autorités concernées ?
La réponse à ces interrogations n'est pas simple, surtout quand on sait que l'État islamique en particulier, assoiffé de sang, a ses raisons que la raison ne connaît pas. Il est animé d'une logique de pression meurtrière qui est devenue son label de marque, et on sait malheureusement que ses promesses funestes sont généralement tenues. Cela n'est théoriquement pas le cas du groupe al-Nosra, dont on connaît la modération – toute relative – qu'il a eu l'occasion de prouver dans d'autres cas.
Pour l'armée, il est clair que chaque jour qui passe est un coup de poignard de plus dans le cœur de l'institution entraînant un risque d'érosion du moral des troupes. Par conséquent, le retard ou la tergiversation dans les négociations n'est pas à son avantage. Bien au contraire. Et la réponse se complique encore plus dès que l'on tente de trier et d'analyser les conditions imposées pour la libération des militaires et le contexte difficile qui entoure le dossier avec des implications non seulement locales, mais également régionales et internationales.
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D'abord, il y a le fait que l'une des revendications faites par les jihadistes est la libération non seulement des prisonniers islamistes de Roumieh, mais également de ceux qui sont détenus par le régime syrien. Une requête qui suppose l'engagement, par le Liban, de négociations officielles avec Bachar el-Assad – scénario similaire à celui des otages de Aazaz et de Maaloula –, ce qui est loin d'être acquis avec un gouvernement fatalement divisé sur une question aussi sensible et qui continue, du moins théoriquement, de mettre en œuvre la politique de « distanciation » dans la crise syrienne.
Chargé officiellement de la médiation dans le dossier des otages militaires, le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, ne peut lancer aucune initiative auprès des Syriens à ce stade s'il n'a obtenu préalablement le feu vert du gouvernement. Un gouvernement qui, rappelons-le, ne peut lui-même trancher qu'une fois les 24 ministres parvenus sur une même longueur d'onde et avalisant à l'unanimité toute décision à prendre. Inutile donc de chercher à deviner ce qu'il en serait dans le cas d'un feu vert pour négocier avec le régime syrien. Cela sans compter que ce dernier n'est pas connu pour ses largesses en cadeaux politiques à l'égard du Liban. Où trouverait-il son intérêt à contribuer, en ce moment précis, à la libération d'une trentaine de militaires libanais dont il n'a cure ?
Preuve en est, souligne-t-on de source sécuritaire, le cadeau piégé que le régime baassiste a fait au Liban en boutant hors du Qalamoun les « fous de Dieu » (EI et al-Nosra), venus se regrouper dans le jurd de Ersal pour empoisonner le climat dans la zone frontalière libanaise et ses prolongements. Il aurait simplement pu nettoyer ces poches infectées à l'aide de son aviation qui sillonnait sans cesse ce même jurd quelques semaines avant le déversement des jihadistes dans la localité, note-t-on de même source.
(Pour mémoire : Le Liban réclame l'éradication de l'EI)
Dernière difficulté dans ce dossier, la frappe internationale escomptée contre l'EI par la coalition que mettent en place les États-Unis et qui pose une série de questions enchevêtrées : en cas de frappe imminente, le Liban peut-il négocier avec un groupe terroriste visé par l'offensive US et cie? Comment savoir si un raid prévu par la coalition ne viserait pas l'organisation dans le jurd également? Si oui, dans quelles conditions? La présence d'otages libanais sera-t-elle prise ou non en considération ? Enfin la question-clé reste de savoir quelle sera la position définitive du Liban par rapport à la coalition à venir et quelle est la stratégie que le pays du Cèdre adoptera face à ce micmac politico-militaire.
Retour à la case départ. Pour résoudre une énigme de cette taille, une seule réponse possible, certifie une source proche du dossier : l'élection illico d'un président de la République qui est l'autorité par excellence habilitée à trancher la question de l'attitude du Liban par rapport à la coalition. Il est également l'arbitre suprême susceptible de mettre fin à l'hérésie des veto en Conseil des ministres et à l'obligation absurde d'avoir d'un seul coup 24 « oui » pour des questions aussi litigieuses que celles que suscite l'affaire des militaires aux mains des terroristes. Bref, une situation surréaliste dont dépend malheureusement la vie des otages, ballottés chaque instant par les turbulences de la politique régionale et les considérations de politique politicienne.
Il reste à voir comment pourra se conclure cet épisode macabre et si la médiation amorcée avec le Qatar donnera quelques lueurs d'espoir dans les prochains jours. Une chose est certaine, conclut un uléma proche du dossier, les deux groupes terroristes sont parvenus à une seule et même conclusion : pas de médiation sérieuse du côté officiel libanais, pas de coordination non plus entre les parties concernées.
« Pour les jihadistes, le gouvernement libanais effectue une fuite en avant dans l'attente d'une solution qui serait parachutée par la coalition anti-EI », assure la source. Un pari que les preneurs d'otages tentent de prendre de vitesse avec leurs menaces de poursuivre les décapitations.
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commentaires (7)
Oui, je joins (et je l'avais déja signalé de par le passé) ma voix à celle des autres car c'est réèllement choquant.. on peut travailler une image meme sur paint qnd on veut. Je veux espérer qu'il s'agisse là d'une erreur. Est-ce que olj que nous aimons tant travaille sous la jurudiction Libanaise qui ne reconnais pas ce pays usurpateur et criminel? auquel cas il faudra etre en phase avec notre pays.. autrement serait-il possible de nous donner une explication plausibe et si vous désirez.. convaiquante.
Ali Farhat
22 h 58, le 20 septembre 2014