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Économie - Crise

La France au bout du rouleau

Une stagnation économique qui dure, un taux de chômage frôlant les 10 %, un gouvernement qui ne respecte pas ses objectifs visant à réduire le déficit public, une perte de compétitivité et une défaillance budgétaire... L'économie française est en panne.

François Hollande, le ministre français des Finances Michel Sapin et le nouveau ministre de l’Économie, Emmanuel Macron. Bertrand Guay/AFP

Le Prix Nobel Paul Krugman, l'un des chefs de file de l'école dite « néo-keynésienne », grand adversaire de l'austérité, jugeait fin août sur son blog que la France souffrait de ce qu'il a qualifié d'« hypocondrie ». Le pays est selon lui « convaincu d'avoir des maladies qu'il n'a pas – et cette hypocondrie le conduit à accepter des remèdes de charlatan qui sont, eux, la cause réelle de ses problèmes ».
Plus récemment, le gouvernement français a revu à la baisse le mois dernier ses prévisions de croissance, après l'annonce par l'Insee d'une croissance nulle pour le pays au second trimestre.
Interrogé par L'Orient-Le Jour, Gilles Saint-Paul, chercheur au Center for Economic Policy Research à Londres, estime que la raison de cette stagnation est due au fait que « les acteurs économiques anticipent un environnement peu favorable à l'investissement et à l'embauche, à cause des niveaux record atteints par la fiscalité et de l'attitude généralement peu favorable au monde des affaires ».
« Le gouvernement a récemment tenté d'inverser la vapeur en mettant en œuvre des mesures fiscales incitatives pour l'embauche. Mais ces politiques viennent après deux ans de durcissement fiscal et le gouvernement aura du mal à convaincre les entreprises que leur caractère ne soit pas purement opportuniste », ajoute-t-il.
Pis ! La France a demandé la semaine dernière un nouveau délai pour ramener son déficit dans les clous européens. Et ce une troisième fois depuis la présidence de Nicolas Sarkozy.
À cet égard, le ministre des Finances Michel Sapin a annoncé que le déficit français devrait grimper à 4,4 % cette année, contre 4,2 % en 2012. Il a également indiqué que le gouvernement ne parviendra pas à réaliser l'objectif des 21 milliards d'euros d'économies sur la dépense publique en 2015.

« Paris ne parviendra pas à convaincre ses partenaires européens »
L'idée de donner à la France un nouveau délai irrite la Commission européenne au plus haut point et Paris va devoir mettre les bouchées doubles sur les réformes et faire un énorme travail d'explication pour convaincre ses partenaires.
Mais pour M. Saint-Paul, Paris ne parviendra pas à le faire, car « d'une part, historiquement, la Commission n'a jamais été capable d'imposer des sanctions financières à un pays comme la France pour avoir enfreint le pacte de stabilité. Et d'autre part, le gouvernement français est dans un cul-de-sac, parce que la pression fiscale est telle que le rendement d'impôts additionnels est faible, voire négatif, tandis que la logique de l'opportunisme politique le mène à faire des concessions aux lobbies et à choyer son électorat en continuant à dépenser ».
Les nouveaux cadeaux fiscaux promis aux ménages modestes, alors que les élections de 2017 se rapprochent, illustrent ainsi la situation reprise par l'expert. Il n'est donc pas envisageable pour la France de ramener le déficit en dessous de 3 %, à moins que par miracle l'activité économique ne redémarre sous l'effet d'une croissance mondiale dopée.
« La Commission de Bruxelles fermera donc les yeux du moment que le gouvernement s'engagera à faire des » réformes structurelles « en contrepartie », ajoute M. Saint-Paul.

Le rôle de l'Allemagne
Première économie de l'Europe, l'Allemagne est en bonne santé, avec un taux de chômage faible et des exportations élevées. Cependant, sa croissance est faible.
« Une relance dans le reste de la zone euro et plus particulièrement en France peut être bénéfique pour l'Allemagne, parce qu'elle stimulerait l'activité et les exportations de cette dernière », précise l'expert.
« Cependant, les Allemands ne veulent pas mettre en danger la stabilité de leurs finances publiques ni la bonne santé de leur commerce extérieur en prenant à leur compte le rôle de "locomotive de la demande" de la zone euro », juge M. Saint-Paul.
L'Allemagne craint en effet qu'un cas de dérapage des dépenses publiques françaises ne doive la forcer à lancer une opération de sauvetage comme dans le cas de la Grèce et du Portugal.
« Au total, les Allemands préféreraient que l'ajustement se fasse le plus rapidement possible ; ils voient donc d'un mauvais œil la persistance des déficits français, mais n'ont guère de leviers pour imposer à l'Hexagone un ajustement rapide », explique-t-il.

« Dr Macron »
Rejoignant Paul Krugman, le ministre français de l'Économie, Emmanuel Macron, a diagnostiqué mercredi la France comme « malade ».
« Il y a une fièvre depuis plusieurs années dans ce pays, qui s'appelle le chômage de masse. Il n'y a pas d'autre choix qu'avancer, agir pour réformer l'économie », a-t-il déclaré.
Que faire alors pour guérir le patient ? « La France évolue dans la mauvaise direction; et il n'est donc pas étonnant que la croissance soit faible et le chômage élevé. L'erreur consiste à croire que le cœur du problème est un déficit de demande conjoncturelle, alors que c'est le niveau d'équilibre de l'activité économique qui est faible », estime M. Saint-Paul.
Il rappelle qu'au niveau actuel de fiscalité, toute tentative de relance est dangereuse car elle porte la dette publique à un niveau tel que des conséquences létales sont à redouter.
La crise des dettes souveraines dont la zone euro émerge à peine donne un avant-goût des difficultés qui risquent de surgir si la France continue à ne pas traiter sa maladie qui est de reporter l'ajustement fiscal.

Le Prix Nobel Paul Krugman, l'un des chefs de file de l'école dite « néo-keynésienne », grand adversaire de l'austérité, jugeait fin août sur son blog que la France souffrait de ce qu'il a qualifié d'« hypocondrie ». Le pays est selon lui « convaincu d'avoir des maladies qu'il n'a pas – et cette hypocondrie le conduit à accepter des remèdes de charlatan qui sont, eux, la...

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