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Économie - Quatre questions à...

« Il faut encore du temps pour que l’économie mondiale se rétablisse complètement »

... Mahmoud Elkhafif, économiste en chef et représentant régional pour les États arabes de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced).

C'est à Genève qu'a eu lieu le lancement du rapport 2014 de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) intitulé « Gouvernance mondiale et marge d'action pour le développement ». Le rapport préconise des changements radicaux dans la gouvernance et la gestion de l'économie mondiale. Zoom sur les principaux enjeux et défis des pays développés et ceux en voie de développement.

 

Quel est l'état de l'économie mondiale aujourd'hui ?
Aujourd'hui, la plupart des pays développés et en développement sont sortis de la crise, mais le retour à la normale prend plus de temps que prévu. Les conséquences de la crise financière mondiale de 2008 se font toujours sentir et les pays développés peinent à renouer avec la croissance. En revanche, les pays en développement (PED), comme l'Afrique subsaharienne, l'Asie de l'Est ou encore l'Amérique latine, restent les principaux moteurs de la croissance économique, contribuant à hauteur des deux tiers de l'accroissement de la production mondiale.
Ce long rétablissement est dû aux moyens d'action actuellement mis en œuvre dans les pays développés : austérité budgétaire, encadrement des salaires et expansion monétaire... qui freinent encore plus la demande intérieure. Ces mesures encouragent aussi l'injection de liquidités,qui sont principalement orientées vers des investissements financiers et non vers des investissements productifs. Le rapport sur le commerce et le développement de 2014 de la Cnuced recommande pour les pays développés une politique de régulation pour réduire les fluctuations des mouvements de capitaux. Pour sortir d'une période prolongée de marasme économique, il faut renforcer la demande globale à travers une hausse des salaires réels et une répartition plus égale des revenus plutôt que d'alimenter de nouvelles bulles financières.

 

Que doivent faire les PED dans le but d'obtenir une marge d'action suffisante pour faire avancer le programme de développement post-2015 ?
Les PED doivent bien réfléchir à la marge d'action qu'ils sacrifient lorsqu'ils concluent des accords de commerce et d'investissement bilatéraux et régionaux. Ils doivent donc reconsidérer toutes les politiques qui ont étés mises en œuvre dans ces pays depuis trente ans. Les accords bilatéraux sont généralement assortis d'engagements plus stricts que les accords multilatéraux et obligent donc les décideurs à se priver d'instruments qui contribuent efficacement à l'industrialisation d'autres pays. Par exemple, la gestion des mouvements de capitaux est autorisée au moment des accords multinationaux, et cela pour attirer les investissements
directs étrangers (IDE) et permettre aux entreprises de participer aux chaînes de valeur mondiales. En revanche, cette gestion est évitée dans les accords bilatéraux, afin de dissuader les investisseurs de retirer leurs capitaux. De plus, pour éviter une forte contraction de leur croissance, les PED doivent rééquilibrer leurs stratégies en cessant de privilégier les exportations vers les pays développés et en se recentrant sur la demande intérieure et régionale.

 

Quelles sont les mesures pour arrêter l'hémorragie causée par la concurrence et l'évasion fiscales ?
Le transfert d'argent des ménages d'un pays en voie de développement vers un pays dit « riche » doté d'un système d'allègement fiscal est la principale cause de l'hémorragie fiscale. Cet argent, qui échappe à la taxation, diminue le revenu public du pays développé utilisé essentiellement pour l'investissement. Certaines mesures peuvent être mises en place comme le contrôle des capitaux ou la signature de traités multilatéraux interdisant ce type de transfert. Il faudrait aussi maximiser l'autre source de revenus qui est constitué par les ressources naturelles rares comme le gaz, l'huile ou le pétrole en augmentant les contrats avec les fournisseurs et en poussant à plus de transparence des compagnies dans ce secteur.

 

Le terme « nouvelle normalité » désigne la stabilisation apparente de la croissance dans différents groupes de pays. Existe-il un meilleur scenario que la « nouvelle normalité » ?
Comme le monde a échappé à une sévère dépression, que les marchés financiers se sont stabilisés et que le terrain perdu pendant la crise est regagné, certains cercles politiques sont convaincus que l'économie mondiale est à nouveau sur les rails. Même si la croissance est faible, elle est stable et durable et s'accompagne d'une inflation modeste. Or, selon le rapport sur le commerce et le développement 2014, ce n'est pas ainsi que l'économie mondiale retrouvera sa santé. Le scénario alternatif comprend des politiques budgétaires propices à la croissance, y compris l'investissement public, des politiques de revenu qui soutiennent la hausse de la demande ainsi que des politiques industrielles qui encouragent l'investissement. Les pays en développement devront bien réfléchir à la marge d'action pour faire avancer le programme de développement pour l'après-2015. Quant aux pays industrialisés, ils devront instaurer une politique de régulation et développer l'espace fiscal.

 

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