Sans eau, les Gazaouis ont profité de la trêve observée par Israël et le Hamas depuis le 26 août pour creuser des puits chez eux. AFP PHOTO/ MOHAMMED ABED
Après deux semaines sans une goutte d'eau au robinet, Abou Oussama a décidé de faire comme des centaines de Palestiniens dans la bande de Gaza dévastée par la guerre et de creuser son propre puits.
Plus d'un mois de bombardements intensifs de l'aviation israélienne ont durement touché le système de traitement et d'acheminement de l'eau. Alors Abou Oussama a profité de la trêve observée par Israël et le Hamas depuis le 26 août pour commencer les travaux chez lui.
"L'eau fournie par la municipalité n'arrivait plus depuis deux semaines et nous étions une cinquantaine à la maison, dont de nombreux enfants, donc j'ai décidé de creuser un puits", explique ce Gazaoui de 45 ans à l'AFP.
Le problème de l'eau n'est pas nouveau à Gaza. Le climat est semi-aride et les pluies sont rares. La désorganisation des moyens et la surexploitation de la nappe phréatique et du principal cours d'eau du territoire se conjuguent à la surpopulation et à une croissance démographique considérable pour aggraver la pénurie et la pollution des maigres ressources existantes.
La situation a empiré avec l'imposition d'un strict blocus israélien en 2006 sur l'enclave exiguë et surpeuplée. "Plus de 10 000 puits ont été creusés" depuis, indique Monther Shoblak, directeur de l'Autorité locale de l'eau. "Tous ces puits ont été forés sans autorisation légale mais, sans eux, beaucoup n'auraient pas d'eau à toutes les heures de la journée".
Le phénomène s'est encore amplifié avec la guerre récente.
S'assurer un accès direct à l'eau coûte cher. Abou Oussama a dû payer 2 000 dinars jordaniens (2 168 euros) pour effectuer les travaux de son puits, un prix insurmontable pour de nombreux habitants de Gaza, où le taux de chômage atteint 40%.
L'eau au puits, le pain au feu de bois
Abou Mohamed aussi a décidé de creuser dans son terrain pour que sa famille puisse boire et se laver. "L'eau était totalement coupée et la guerre a encore plus compliqué notre situation", explique-t-il.
Depuis, dit sa femme Oum Mohamed, "on n'a plus l'impression de vivre au 21è siècle". "On puise notre eau dans le puits, on cuit le pain au feu de bois", détaille-t-elle, en lavant sa vaisselle avec une cruche remplie de l'eau qu'elle vient de sortir du puits creusé dans son jardin, où deux palmiers, jaunes et rabougris, ont péri. "Avant, j'avais des fleurs, un beau jardin, mais tout a brûlé au soleil".
La seule centrale électrique de la bande de Gaza, vitale pour l'épuration, et les conduites d'eau ont été touchées par la guerre. A présent, "la seule réserve disponible, c'est la nappe phréatique du littoral que nous partageons avec l'Egypte et Israël et qui représente 55 millions de mètres cubes", indique Rebhi al-Cheikh, numéro deux de l'Autorité en charge de l'eau à Gaza. Or "pour Gaza seule, il faudrait 190 millions de mètres cubes chaque année".
Une situation vite intenable
Le temps est compté, prévient l'ONU. L'eau de la nappe phréatique pourrait être inutilisable dès 2016 et les dommages qu'elle a subis pourraient être irréversibles en 2020, selon ses experts.
Selon M. Shoblak, "95% de l'eau à Gaza n'est actuellement pas utilisable par l'homme en l'état" car elle a été contaminée par les eaux usées qui ont fait grimper en flèche les nitrates.
"Le taux de nitrate ne doit pas dépasser 50 mg par litre. A Gaza, il atteint 200-250 mg", explique l'expert. De même, pour le chlorure dont "le taux acceptable est de 250 mg par litre, mais atteint jusqu'à 2.000 mg dans certaines régions de Gaza". Pour lui, la situation deviendra intenable bien avant 2016.
D'ici là, les autorités ont déjà lancé de nouveaux projets d'acheminement d'eau pour parer au plus pressé. Mais ces programmes restent suspendus à l'entrée de matériaux de construction dans l'enclave.
Lors des négociations de cessez-le-feu, Israël s'est engagé à en laisser entrer certains. Pour le moment, ni le ciment, ni les graviers, ni l'acier n'ont pu traverser les points de passage reliant la bande de Gaza à Israël.
Pour mémoire
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18 h 19, le 07 septembre 2014