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La tête haute, les pieds dans la boue

Bientôt septembre et l'été est loin d'être fini. Les grandes chaleurs ont encore de beaux jours devant elles, malgré ce rien dans l'air qui change, ce souffle léger qui vous détache quand même quelques feuilles déjà pâles d'une branche lasse, les nuits déjà plus fraîches, même si à peine... et les enfants qui s'en vont. On les dépose dans l'avion comme il y a quinze ans dans l'autocar, avec le même pincement au cœur, le même pénible déchirement, le même vœu que la journée – que la vie leur soient douces, qu'ils se nourrissent correctement, ne tombent pas malades, ne prennent pas froid, ne manquent de rien, ne soient ni seuls ni mal accompagnés, défendent leurs droits et accomplissent leurs devoirs, appellent la maison de temps en temps... Que la chance leur sourie et qu'ils se distinguent, qu'ils brillent surtout, justifient les sacrifices consentis – relève-nous la tête, papa, maman (cette manie bizarre que nous avons d'appeler nos enfants par le nom qu'ils nous donnent), oui, relève-nous la tête qu'on sente moins la boue dans laquelle ce pays nous enfonce, à ce moment précis de l'histoire où nous avons eu la guigne d'y naître.

Ça, pour briller, on peut leur faire confiance. À titre d'exemple, trois Libanais sur 35 jeunes sont répertoriés par le Mit parmi les inventeurs et visionnaires dont les travaux seront influents dans les décennies à venir. Par ailleurs, près du quart des signatures qui comptent dans la haute couture vient de chez nous. Si Beyrouth est une ville pays, à échelle égale, ce n'est pas le Luxembourg ni Monaco qui en diraient autant. Reconnaissons qu'il n'est pas donné à tout le monde, avec pour base un État instable qui n'en finit pas de se relever de ses guerres successives, rongé par une corruption record et une dette publique tout aussi astronomique, d'être à ce point sûr de soi pour se battre et gagner dans les milieux professionnels les plus compétitifs de la planète.
Certes, ils nous rendent fiers, les p'tits gars, filles comprises. Ils travaillent dur, s'adaptent vite. Le problème est qu'avec le temps, ils perdent la fierté de revenir d'où ils viennent. Pendant les vacances, ils ont cet air perplexe, un silence embarrassé. Ils ne veulent pas faire de la peine, mais ils pressentent que leur avenir sera ailleurs. Ils ont beau avoir tous les courages, ils n'ont plus celui de se fondre dans le chaos natal. À l'arrivée, dans leur studio du bout du monde, ils glisseront la kebbé dans le congélateur et téléphoneront à papa qui les appelle « papa ». C'est peut-être cela qui leur donne du courage, la conscience d'être quelque part, au fond, les parents de leurs parents. Si jeunes et déjà charge d'âmes, oui, d'âmes.

Bientôt septembre et l'été est loin d'être fini. Les grandes chaleurs ont encore de beaux jours devant elles, malgré ce rien dans l'air qui change, ce souffle léger qui vous détache quand même quelques feuilles déjà pâles d'une branche lasse, les nuits déjà plus fraîches, même si à peine... et les enfants qui s'en vont. On les dépose dans l'avion comme il y a quinze ans dans l'autocar, avec le même pincement au cœur, le même pénible déchirement, le même vœu que la journée – que la vie leur soient douces, qu'ils se nourrissent correctement, ne tombent pas malades, ne prennent pas froid, ne manquent de rien, ne soient ni seuls ni mal accompagnés, défendent leurs droits et accomplissent leurs devoirs, appellent la maison de temps en temps... Que la chance leur sourie et qu'ils se distinguent, qu'ils brillent...
commentaires (4)

"Justifier les sacrifices consentis"....sauront-ils seulement un jour ce qu'il nous a coûté de les envoyer loin de chez nous et de les encourager a y rester et a y briller...pourront-ils jamais mesurer le déchirement qui n'a cessé de nous hanter depuis qu'ils sont partis....mesureront-ils peut être, quand eux memes seront des parents, l'atroce choix que l'on a du faire pour qu'ils s'en sortent eux et leurs enfants de cette fameuse "boue" dans laquelle nous n'avons toujours pas fini de nous enliser...pour qu'ils grandissent sans nous voir vieillir, pour qu'ils ne s'attachent plus viscéralement comme nous a ce pays sans avenir et qui ne nous ressemble plus , qu'ils apprennent a vivre heureux sereins et bien adaptés dans d'autres horizons, avec un autre passeport, qu'ils puissent faire leur vie loin de nous peut être mais, nous l'espérons , avec leurs enfants , dans des pays plus stables et plus civilisés? ...devineront -ils combien de fois nous avons maudit Jibran Khalil Jibran et son fameux "vos Enfants ne sont pas vos Enfants , ce sont les Enfants de la Vie"...non Mr Jibran désolée de vous contredire tout philosophe que vous êtes...(je ne sais pas si vous avez eu des enfants et j'en doute fort)....ce sont bien la nos Enfants et notre raison de vivre, mais la Vie au Liban, les guerres, la corruption, les milices, nos politiciens et nos responsables nous les ont arrachés ....

Atie Lina

20 h 31, le 28 août 2014

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Commentaires (4)

  • "Justifier les sacrifices consentis"....sauront-ils seulement un jour ce qu'il nous a coûté de les envoyer loin de chez nous et de les encourager a y rester et a y briller...pourront-ils jamais mesurer le déchirement qui n'a cessé de nous hanter depuis qu'ils sont partis....mesureront-ils peut être, quand eux memes seront des parents, l'atroce choix que l'on a du faire pour qu'ils s'en sortent eux et leurs enfants de cette fameuse "boue" dans laquelle nous n'avons toujours pas fini de nous enliser...pour qu'ils grandissent sans nous voir vieillir, pour qu'ils ne s'attachent plus viscéralement comme nous a ce pays sans avenir et qui ne nous ressemble plus , qu'ils apprennent a vivre heureux sereins et bien adaptés dans d'autres horizons, avec un autre passeport, qu'ils puissent faire leur vie loin de nous peut être mais, nous l'espérons , avec leurs enfants , dans des pays plus stables et plus civilisés? ...devineront -ils combien de fois nous avons maudit Jibran Khalil Jibran et son fameux "vos Enfants ne sont pas vos Enfants , ce sont les Enfants de la Vie"...non Mr Jibran désolée de vous contredire tout philosophe que vous êtes...(je ne sais pas si vous avez eu des enfants et j'en doute fort)....ce sont bien la nos Enfants et notre raison de vivre, mais la Vie au Liban, les guerres, la corruption, les milices, nos politiciens et nos responsables nous les ont arrachés ....

    Atie Lina

    20 h 31, le 28 août 2014

  • Triste est vraiment de constater que hors du Liban nos jeunes brillent partout et en tout et au Liban pays de la jungle les cancres font la loi .

    Sabbagha Antoine

    08 h 44, le 28 août 2014

  • LA DIASPORA LIBANAISE PLEURE AMÈREMENT ET DÉPLORE LE PROFOND ABRUTISSEMENT ET L'INFINIE HÉBÉTUDE DES ABRUTIS QUI GOUVERNENT SON PAYS ! À QUAND LE BON ET GÉNÉRAL DÉBARRAS ?

    LA LIBRE EXPRESSION : LA PATRIE EST EN PERIL

    08 h 27, le 28 août 2014

  • Peut être ils ont peur de revenir dans un pays où on incrimine les gens pour leur homosexualité, où un mari criminel peut tuer sa femme sans être condamné... . Dans un pays où on négocie avec les coupeurs de têtes....

    Bahijeh Akoury

    07 h 42, le 28 août 2014

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