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Un Libanais développe une technique de FIV pour faire barrage aux maladies génétiques

Une avancée qui va permettre à certains couples d'aborder leur envie d'enfants de manière plus sereine.

Le Dr Paul Serhal : « En Angleterre, on est autorisé à faire des recherches sur un embryon jusqu’au quatorzième jour et tous les centres comme le nôtre sont sous le contrôle direct du ministère de la Santé. »

Carmen Meagau est enceinte de dix-huit semaines. Et sereine. Elle sait que son bébé ne sera pas atteint de dystrophie musculaire, une maladie génétique rare dont la jeune femme a hérité, de façon mineure, de son père qui, lui, en est mort à l'âge de 50 ans. Carmen avait 50 % de chance de transmettre cette terrible maladie à son enfant. Grâce au Dr Paul Serhal, elle sait que la maladie ne passera pas.
Ce chercheur libano-anglais a mis au point, dans sa clinique londonienne, une nouvelle technique de fécondation in vitro (FIV) permettant de sélectionner rapidement, et c'est là un point important, les embryons qui ne présentent pas d'anomalie génétique héritée d'un parent.
Cette technique, le Dr Serhal, directeur depuis 1990 du Center for Reproductive and Genetic Health (Centre pour la santé génétique et la reproduction), l'a baptisée « Karyomapping » (littéralement « la carte du caryotype »). Quand il l'explique, avec passion, l'affaire semble relativement simple.
« Il faut d'abord retirer les ovules de la femme, puis injecter le sperme de l'homme. Le troisième jour, on a des embryons in vitro desquels on prélève une cellule afin de déterminer l'ADN de chaque embryon », explique à L'Orient-Le Jour Paul Serhal, médecin spécialisé en infertilité féminine et masculine. Après comparaison de chaque ADN à celui des parents et des membres de la famille atteints par une maladie génétique, on sélectionne les embryons sains qui seront ensuite implantés à la future mère.

 

Un progrès depuis 2009
Tester des embryons n'est pas chose nouvelle. Et la technique du Dr Serhal est en fait une version améliorée d'une méthode qu'il avait développée avec son équipe en 2009. À l'époque, il avait réussi, grâce à un diagnostic génétique effectué avant l'implantation de l'embryon, à « donner naissance au premier bébé dépourvu d'une prédisposition génétique du cancer du sein, c'est-à-dire sans la mutation sur le gène BRCA1 (BReast Cancer 1,
c'est-à-dire gène 1 du cancer du sein, NDLR) ». « C'était un événement extraordinaire, j'avais fait la une du Times! », s'enthousiasme-t-il toujours cinq ans plus tard.
Mais ce sont dans les améliorations que se niche une grande avancée dans la lutte contre les maladies génétiques. D'abord, il est désormais possible de diagnostiquer plus d'une mutation à la fois. « Tout peut être diagnostiqué », affirme le médecin qui admet toutefois que « le seul handicap de la technique est qu'elle ne peut s'appliquer que si quelqu'un de la famille est porteur de la maladie », son ADN servant de référence.
Autre amélioration, de taille, alors qu'avec l'ancienne technique le travail moléculaire prenait entre cinq et six mois, deux semaines suffisent pour faire le même travail avec la nouvelle méthode. « Or le facteur temps est important surtout pour les patientes qui ont une trentaine d'années », souligne Paul Serhal. Troisième amélioration : les anomalies chromosomiques, comme celles responsables de la trisomie 21 ou des fausses couches, peuvent également être détectées.
Grâce à la nouvelle procédure, le médecin peut détecter, par exemple, une des mutations génétiques responsable de l'hypercholestérolémie familiale, qui fait que dès sa naissance un bébé aura un taux très élevé de cholestérol et sera condamné à prendre, à vie, des doses importantes de médicaments. « Nous trouvons dans le monde trois groupes qui ont cette prédisposition génétique : une communauté en Afrique du Sud, une communauté au Canada et une autre chez les maronites du Mont-Liban », explique le Dr Serhal.

 

La question éthique
Cette nouvelle technique n'est pas sans susciter des questions d'ordre éthique, et le médecin chercheur reconnaît qu'il a déjà été accusé de « manipuler la nature », alors que d'autres lui demandaient qui va définir les limites de la sélection embryonnaire pour éviter les abus.
« En Angleterre, on est autorisé à faire des recherches sur un embryon jusqu'au quatorzième jour et tous les centres comme le nôtre sont sous le contrôle direct du ministère de la Santé », répond-il aux critiques et aux inquiets. Pour obtenir la licence lui permettant de diagnostiquer sur un embryon une disposition génétique à un cancer, le Center for Reproductive and Genetic Health a dû patienter plus d'un an. « Évidemment, ajoute le médecin, je n'ai pas le droit d'utiliser ma technique pour choisir le sexe de l'embryon ou la couleur des yeux. » « Cette forme d'eugénisme est un crime en Angleterre », souligne-t-il.
Quid des maladies avec lesquelles l'on peut vivre ou que l'on peut soigner, comme le diabète de type 1 ou la maladie d'alzheimer ? « Mieux vaut prévenir que guérir, répond le Dr Serhal. Si l'on peut éliminer ces maladies et les souffrances qu'elles occasionnent, pourquoi pas. Nous avons un outil fantastique entre nos mains, il ne faut pas bloquer le progrès. »
Pour Paul Serhal, « la chose la plus incroyable c'est qu'on arrête la transmission d'anomalies génétiques aux générations suivantes ». Il ne faut pas oublier, souligne-il, que « mes patients sont des personnes qui ont vu leurs proches souffrir pendant des années et qui ne veulent pas avoir la responsabilité morale de transmettre cette mutation génétique à leurs enfants ». Avec sa méthode, le dilemme des couples porteurs de maladies génétiques, mais ayant envie d'enfants est résolu.

 

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Bravo encore une fois pour le Liban et Dr Serhal pour cette technique de FIV et mabrouk pour les femmes qui veulent avoir enfin d'enfants de manière plus sereine.

Sabbagha Antoine

15 h 50, le 19 août 2014

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Commentaires (1)

  • Bravo encore une fois pour le Liban et Dr Serhal pour cette technique de FIV et mabrouk pour les femmes qui veulent avoir enfin d'enfants de manière plus sereine.

    Sabbagha Antoine

    15 h 50, le 19 août 2014

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