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À La Une - épidémie

Au Liberia, une famille atteinte d'Ebola emmurée vivante

Les habitants du village qui ont fui ont été rejetés par les populations des bourgades avoisinantes.

Barnie Sherrif, 15 ans, a perdu toute sa famille emmurée vivante après avoir été infectée par le virus Ebola dans un village du Liberia. AFP PHOTO / STR

La peur d'Ebola a transformé Ballajah, au Liberia, en village fantôme qui a témoigné la semaine dernière d'une scène tragique : une famille atteinte du virus a été emmurée vivante.

La dernière à avoir rendu l'âme est Fatu Sherrif, 12 ans. Cloîtrée une semaine entière avec le corps de sa mère, "sans nourriture ni eau", ses gémissements déchiraient de temps en temps le silence dans lequel est désormais plongé le village quasi désert, aux ruelles défoncées et jonchées d'ordures. L'adolescente est finalement morte à son tour, l'aide ayant tardé à arriver.

La fièvre hémorragique a détruit cette famille, se désole Momoh Wile, le chef de la localité, à environ 150 km au nord-ouest de Monrovia, près de la frontière avec la Sierra Leone.

Fatu menait une vie sans histoire avec son père Abdulah Sherrif, 51 ans, sa mère Seidia Passawee Sherrif, 43 ans, et son frère aîné, Barnie, 15 ans, raconte ce patriarche septuagénaire à la barbe et aux cheveux blancs. Tout a basculé le 20 juillet, quand le virus mortel a été suspecté dans la famille, suscitant la panique parmi les quelque 500 habitants qui ont pris leurs distances avec les Sherrif et alerté les autorités sanitaires. Celles-ci tardant à venir, les villageois ont protesté en érigeant des barricades sur la route menant au Sierra Leone voisin. Quand l'équipe dépêchée par le ministère de la Santé est enfin arrivée, le père avait rendu l'âme depuis cinq jours, la mère et la fille étaient malades, seul le fils avait été testé négatif au virus Ebola.

Les agents sanitaires ont récupéré et inhumé le corps d'Abdulah. Ils "nous ont demandé de ne pas nous approcher de la femme et de sa fille", explique Momoh Wile, "ils ont scellé les portes et fenêtres de la maison sur la femme et sa fille". Seidia et Fatu "pleuraient jour et nuit, sans cesse, suppliant la population de leur apporter à manger mais tout le monde avait peur" d'approcher de la maison où elles sont restées "sans nourriture ni eau", se rappelle-t-il.

 

"Personne ne veut m'approcher"
L'intérieur de la maison est invisible depuis la rue, les portes et fenêtres ayant été calfeutrées, a constaté le journaliste de l'AFP.  Des effets personnels ont été abandonnés à la hâte dans certaines habitations aux portes laissées ouvertes.

Les habitants du village qui ont fui ont été rejetés par les populations des bourgades avoisinantes, également en proie à la psychose d'Ebola, indique encore Momoh Wile. Tous sont "allés dans la forêt. Je suis ici avec quelques parents dont la famille est aussi dans la forêt. On peut dire que le village a été déserté", observe-t-il.

Quant au frère de Fatu, Bernie, après avoir été testé négatif à Ebola, on lui a interdit de pénétrer dans sa maison, selon le chef de village. Mais, rejeté par les habitants, il s'est réfugié dans une maison abandonnée, lugubre, où le journaliste de l'AFP l'a vu: c'est un jeune homme de teint sombre, maigre, aux yeux tristes et aux traits tirés. Il porte un tee-shirt sale d'un bleu défraîchi et des sandales usées.

"C'est ici que je dors, c'est ici que je passe toute la journée. Personne ne veut s'approcher de moi. Pourtant, on leur a dit que je n'ai pas Ebola. Quand j'ai faim, je vais en brousse pour chercher des légumes", affirme l'adolescent entre deux sanglots.

Joint mardi par l'AFP depuis Monrovia, Momoh Wile a précisé qu'il n'avait pas de nouvelles de Barnie.
Sollicitées sur cette situation, des autorités sanitaires n'ont pas souhaité s'exprimer dans l'immédiat.

La présidente Ellen Johnson Sirleaf a décrété le 6 août l'état d'urgence face à Ebola.
Le dernier bilan communiqué mercredi par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) fait état de 1.069 morts sur plus de 1.975 cas (confirmés, suspects ou probables, essentiellement en Guinée, en Sierra Leone et au Liberia, trois morts ayant été enregistrés au Nigeria. Le Liberia à lui seul compte 670 cas dont 355 mortels.

 

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