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Moyen Orient et Monde - Présidentielle

Erdogan en passe d’entrer dans l’histoire turque

Un jeune homme passe en vélo devant une affiche de la campagne présidentielle de Recep Tayyip Erdogan. Ozan Kose/AFP

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan sera le grandissime favori demain de la première élection présidentielle au suffrage universel direct, finissant de s'assurer une place à part dans l'histoire de la Turquie.
Mais le chef du gouvernement islamo-conservateur, au pouvoir depuis 2003, polarise la société turque au point d'inquiéter ses alliés occidentaux et de susciter les craintes d'une dérive autoritaire dénoncée au printemps dernier par le mouvement de la place Taksim. Ses partisans voient dans son élection annoncée le parachèvement de la campagne qu'il mène depuis son arrivée au pouvoir pour remodeler la Turquie aux dépens des élites laïques qui dominaient le pays depuis la proclamation de la république moderne par Mustafa Kemal Atatürk en 1923. Ses opposants le considèrent en revanche comme un sultan moderne dont les racines islamistes et le refus de toute dissidence éloignent la Turquie de ses idéaux laïcs. « En supposant qu'Erdogan l'emporte, nous allons assister au début d'une nouvelle ère », affirme Marc Pierini, ancien ambassadeur de l'Union européenne en Turquie et chercheur invité du centre d'études Carnegie Europe.

La loi électorale interdit la publication de sondages dans les derniers jours de la campagne. Mais les dernières enquêtes d'opinion, publiées le mois dernier, ne laissent guère de place au doute. Erdogan était alors crédité de 55 % des intentions de vote, loin, 20 points devant les deux autres candidats, Ekmeleddin Ihsanoglu, du Parti républicain du peuple (CHP, héritier du kémalisme), et Selahattin Demirtas, du Parti démocratique du peuple (HDP, principale force prokurde). Il pourrait être élu pour cinq ans dès le premier tour et, sans même attendre les réformes constitutionnelles qu'il a promises, la Turquie, dont les présidents étaient jusque-là élus par les députés, basculerait dans un système présidentiel. « Quand un homme de la stature d'Erdogan devient le premier président élu au suffrage universel, même si la Constitution demeure inchangée, cela signifie que la Turquie passera à un système semi-présidentiel. À partir de ce dimanche, nous entrerons dans un nouveau régime », pronostique un haut responsable de son parti, l'AKP (Parti de la justice et du développement).

 

(Lire aussi : L'élection annoncée d'Erdogan ne fait pas rire ses critiques, surtout féminines)


Ekmeleddin Ihsanoglu, diplomate et universitaire qui a dirigé pendant neuf ans l'Organisation de la coopération islamique (OCI), refuse pourtant de s'avouer vaincu. « Les gens en ont assez des discours qui créent la discorde et des erreurs. Ils veulent une manière d'exercer le pouvoir calme et digne », veut-il croire. « L'État de droit et la justice ont essuyé de sérieux revers en Turquie. Le futur président devra s'employer à rétablir l'indépendance et l'impartialité de la justice », ajoute-t-il. Une présidence forte est peut-être le « souhait personnel (de M. Erdogan) ou son fantasme (...), mais notre pays ne l'acceptera pas », insiste-t-il.

Et l'État de droit ?
Des manifestations de la place Taksim de 2013 aux affaires de corruption qui ont touché son entourage et à la lutte avec son ancien allié aujourd'hui exilé aux États-Unis, Fethullah Gulen, l'actuel Premier ministre sort pourtant de l'une des périodes les plus difficiles qu'il ait eu à vivre depuis qu'il dirige le gouvernement. Mais rien ni personne ne semble pouvoir s'opposer à sa marche victorieuse. « Il ne faut jamais parier contre Erdogan, c'est un acteur brillant de la vie politique », prévient Timothy Ash, spécialiste des marchés émergents à la Standard Bank de Londres qui voit en lui la version turque d'un Bill Clinton ou d'un Tony Blair, modèles de dirigeants capables de retourner des situations a priori compromises. Une élection dès le premier tour d'Erdogan devrait être saluée par les marchés financiers au nom de la stabilité et de son bilan en matière de croissance économique.

Mais à plus long terme, la concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul homme est un motif d'inquiétude. L'an passé, la Turquie a été condamnée à 108 reprises par la Cour européenne des droits de l'homme. Seule la Russie a été davantage sanctionnée. Plus d'une décision sur quatre portait sur des atteintes aux libertés et à la sécurité. « Une présidence toute puissante implique un durcissement du discours et un État de droit qui restera en retrait. Des choses qui ne sont pas compatibles avec l'UE », note Marc Pierini, l'ancien ambassadeur européen. « Mais malgré cela, la Turquie reste très dépendante de l'Otan pour sa sécurité. Cela va donc être une relation très difficile », ajoute-t-il.

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