Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Le point

La seconde vie de Recep Tayyip Erdogan

Une certitude : il n'y aura pas de second tour, le 24 août, à la présidentielle turque, Recep Tayyip Erdogan se disant assuré de l'emporter dès ce dimanche 10. Autre certitude : avec lui, la première magistrature ne sera pas ce qu'elle a été jusqu'à présent, c'est-à-dire purement honorifique. Troisième certitude (disons plutôt probabilité) : étêté, le Parti de la justice et du développement court le risque de disparaître après le raz-de-marée qui va porter au pouvoir son charismatique chef. Dans un passé relativement récent, ce fut le cas du Parti de la justice de Süleyman Demirel, sept fois Premier ministre, balayé de la scène en même temps que toutes les autres formations politiques par les putschistes de 1980. Ce fut le cas aussi du Parti de la mère patrie de Turgut Özal (Anap), éliminé lors de la consultation populaire de 2002, après avoir réalisé un score piteux : 5,12 pour cent des suffrages, ce qui refermait au nez la porte de la Türkiye Büyük Millet Meclisi (c'est l'appellation officielle du Parlement). Or il ne faut pas oublier que l'AKP est une coalition d'intérêts contradictoires du big business, des islamistes et du centre droit conservateur.
Il y a eu de tout dans une campagne conduite au pas de charge par un homme qui n'aura cessé d'occuper le devant de la scène. Au point d'éclipser ses deux adversaires : l'ancien secrétaire général de l'Organisation de la conférence islamique Ekmeleddin Ihsanoğlu et le coprésident du Parti démocratique populaire, le Kurde Selahattin Demirtas, confrontés tous deux à des micros aphones et une disparition d'image sur la chaîne de télévision publique TRT pour peu qu'ils critiquaient le chef du gouvernement. De plus, la campagne a été réduite à trente jours, aucun financement public n'a été prévu et les donations privées ont été autorisées dans la limite de 9 000 livres turques alors que l'appareil de l'État était tout entier mis au service du président du Conseil.
Tout cela n'est que vétilles et billevesées tant le poids religieux et économique aura pesé lourd dans la balance politique. Il est incontestable que la ligne de conduite suivie par Erdogan durant ses douze années à la tête du pouvoir exécutif est le reflet fidèle de la mentalité du peuple, lequel entend « valeurs islamiques » lorsque le candidat parle de « nouvelle Turquie ». Bien sûr que ses méthodes sont autoritaires, qu'il lui est arrivé de tordre le coup à la tradition laïque en vigueur depuis l'instauration de la République par Atatütk. Bien sûr que des erreurs de parcours, Dieu sait combien il en a commis. On en retiendra le froid qui s'est installé dans les rapports avec les États-Unis et l'Union européenne, la crise ouverte avec l'Égypte de Abdel Fattah el-Sissi qualifié il y a peu de « tyran », la rupture (cette fois sera-t-elle la bonne ?) avec Israël, comparé à l'Allemagne nazie pour le dernier en date des carnages commis à Gaza.
Sur le plan interne, et sous prétexte de démanteler le réseau juridico-policier mis en place, accuse-t-il, par Fethi Gülen, son ancien mentor devenu à ses yeux l'homme à abattre, le futur président a eu la main lourde : valses de magistrats, arrestations d'agents de l'ordre – accusés d'avoir constitué un « État parallèle » – qui se succèdent depuis des mois, prenant des allures de véritable purge. Cette semaine, des étudiants membres d'une organisation de jeunesse ont été écroués à Izmir pour avoir brandi un calicot portant l'inscription « Erdogan assassin ». Le jour précédent dans la deuxième ville du pays, c'est un autre calicot que la foule brandissait, sur lequel on pouvait lire : « Istanbul sera le siège de l'Empire ottoman. »
Et puis, il y a l'économie, qui ne s'est jamais aussi bien portée. Avec une croissance annuelle de 5 pour cent depuis une décennie (7,8 pour cent durant la période de 2002-2005), des investissements en bourse, venus principalement de l'étranger, de quelque 40 milliards de dollars, des travaux pharaoniques à venir, générateurs d'emplois, la Turquie affiche une insolente santé que lui envieraient 25 au moins des 28 membres de l'UE.
La conjoncture est tellement favorable à l'équipe en place que les activistes eux-mêmes ont fini par baisser les bras. Cité par le quotidien USA Today, un jeune semble résigné. « Je suppose, reconnaît-il, que la démocratie, c'est cela. Tous les Turcs savent ce qu'il en est. Et si, malgré tout, ils tiennent à se rendre aux urnes, alors qu'y pouvons-nous ? »
Plus fort qu'Adnan Mendérès, Recep Tayyip Erdogan aura occupé le second fauteuil de la République douze années durant, soit trois mandats successifs. Pour son prochain rôle, il a fait annoncer d'ores et déjà qu'il ne se contentera pas d'inaugurer les chrysanthèmes. Toute la question est de savoir si son successeur à la présidence du Conseil acceptera, lui, de jouer les faire-valoir.

Une certitude : il n'y aura pas de second tour, le 24 août, à la présidentielle turque, Recep Tayyip Erdogan se disant assuré de l'emporter dès ce dimanche 10. Autre certitude : avec lui, la première magistrature ne sera pas ce qu'elle a été jusqu'à présent, c'est-à-dire purement honorifique. Troisième certitude (disons plutôt probabilité) : étêté, le Parti de la justice et du...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut