"César", l'ex-photographe anonyme de la police militaire syrienne qui s'est enfui l'été dernier de Syrie en emportant 55.000 photographies effroyables de corps torturés, est apparu pour la première fois jeudi en public, lors d'une audition à la Chambre des représentants américaine.
Les conditions étaient strictes pour le public et la presse. Les photographes n'ont été autorisés qu'à prendre des photos depuis le fond de la salle. Aucun enregistrement audio ni vidéo n'était permis.
Au centre de la table des témoins, un homme en coupe-vent bleu, la capuche baissée, fait face aux représentants. Il porte une casquette noire sous la capuche et des lunettes noires. Seul son nez est visible de profil et sa voix est inaudible quand il parle à son interprète.
"C'est un grand honneur de pouvoir être ici, dans cette maison de la démocratie", souligne "César", lisant une déclaration liminaire de dix minutes depuis une feuille, selon la traduction en anglais de son interprète.
"Je ne suis pas un homme politique et je n'aime pas la politique. Et je ne suis pas non plus un avocat", précise-t-il.
César explique que son travail était de prendre en photo les cadavres pour le ministère syrien de la Défense, avant et après la révolution. Lui et les autres photographes avaient pour responsabilité d'archiver les photos et de les télécharger sur les serveurs de l'Etat syrien. A ce titre, il avait accès aux photos prises par d'autres photographes du régime.
"J'ai vu des photos horribles de corps de gens qui avaient subi des tortures horribles", raconte César: des blessures profondes, des traces de brûlure, d'étranglement. Des yeux sortis de leurs orbites. Des enfants, des femmes, battus sur leurs corps et leurs visages.
Certains étaient extrêmement émaciés. "Ils sont morts de faim, leurs corps ressemblaient à des squelettes", se souvient César. "Je n'avais jamais vu des corps dans un tel état (...) depuis les photos de ce qu'ont fait les Nazis".
Le transfuge avait deux messages pour les parlementaires américains. Le premier: "Ce qui se passe en Syrie est un génocide et un massacre" commis par le régime de Bachar el-Assad.
Le second: "Plus de 150.000 individus sont encore incarcérés et leur sort sera le même que ceux dont j'ai pris les photos".
L'audition de César se déroulait dans un silence total. Des photos de cadavres numérotés avaient été agrandies et accrochées pour l'occasion. Aux côtés de César se tenait David Crane, ancien procureur général du tribunal spécial pour la Sierra Leone, qui a inculpé le président du Liberia Charles Taylor. Il est l'un des trois principaux enquêteurs d'un rapport sur la torture en Syrie paru en janvier.
"On trouve rarement des preuves irréfutables, mais c'est ce qu'on a trouvé ici", a-t-il dit.
Pour mémoire
Un rapport impute à Damas des massacres à "l'échelle industrielle"
Les US bougeront-ils pour autant???...
13 h 30, le 05 août 2014