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Économie

Les options de l’Europe

De nombreux Européens sont convaincus qu'ils ont résisté à la tempête économique et financière. Au cours des deux années écoulées, les déficits et l'endettement se sont stabilisés. Le rendement de la dette souveraine des économies fragilisées à la périphérie de la zone euro connaît un repli. Le Portugal et l'Irlande sont sortis de leurs plans de renflouement. On ne parle plus d'un éventuel retrait de la Grèce de la zone euro.
Tout cela est vrai, mais il y a un gros problème : la croissance économique de l'Union européenne reste anémique. Les PIB de la Hollande et de l'Italie ont connu un recul au dernier trimestre, et celui de la France n'a que très légèrement évolué. Les prévisionnistes revoient leurs estimations à la baisse et envisagent une croissance de la zone euro d'à peine 1 % cette année. Le chômage reste à un taux ahurissant de 11,6 % dans la zone euro, comparé à celui des États-Unis qui était, au pire de la grande récession américaine, de 10 %. Il dépasse 25 % en Grèce et en Espagne – et est même encore plus important chez les jeunes.
L'Europe reste prisonnière de trois problèmes – la dette souveraine, l'euro, et la fragilité des banques – en dépit des mesures de sécurité adoptées : le Mécanisme européen de stabilité (MES) ; les politiques de « l'argent facile » et les avoirs en dettes souveraines de la Banque centrale européenne ; et la reprise en main en novembre par la BCE de la supervision de quelque 130 des plus grosses banques de la zone euro. Aucune de ces réformes n'a été suffisante pour relancer la croissance dont a désespérément besoin l'Europe.
Les récentes instabilités politiques mettent en lumière un mécontentement économique généralisé. Les élections au Parlement européen en mai dernier, qui ont vu la montée en puissance des partis d'extrême droite, de différents eurosceptiques, et même gauchistes dans de nombreux pays, nourrie en partie par la frustration populaire conséquente à la concentration des pouvoirs par la Commission européenne, ont laissé les élites européennes sous le choc. La Grande-Bretagne envisage un référendum sur son adhésion à l'UE en 2017 à moins que certains termes de son adhésion ne soient révisés.
Les dirigeants élus sont confrontés à une tâche impressionnante : mettre en place des réformes structurelles difficiles des marchés du travail, des systèmes de retraite et de la fiscalité. Ces réformes comportaient déjà un caractère d'urgence avant la crise, et elles n'en sont encore qu'à leurs étapes préliminaires dans la plupart des pays, alors que la situation budgétaire des pays les plus endettés ne s'est que très modestement améliorée. Et l'Italie et la France demandent un répit en matière de déficit budgétaire et de règlementations sur la dette.
Les économistes ne sont pas en mesure de déterminer si une consolidation rapide entraîne des coûts ou des bénéfices à court terme. Selon moi, cela dépend des faits et des circonstances, comme l'ampleur, la crédibilité et la durée de la consolidation ; mais aussi du mélange de dépenses et de réductions fiscales, de si la consolidation est plutôt d'ordre permanent et structurel (par exemple, une modification de la formule de calcul des retraites) ; et, bien sûr, des choix de politique monétaire.
Au regard des perspectives démographiques décevantes de la plupart des pays européens, le rythme actuel de la réforme structurelle est dangereusement insuffisant. L'Italie et l'Allemagne se dirigent vers un rapport d'un retraité pour un actif ; en l'absence d'une croissance plus rapide du PIB, de nouvelles politiques d'immigration, d'augmentation de l'âge de la retraite et d'efforts visant à limiter les dépenses de protection sociale, on assistera à une augmentation inexorable des impôts pourtant déjà à des niveaux préjudiciables.
L'Europe a globalement trois options possibles. La première est le status quo – ce qui impliquerait d'élaborer des mesures en réponse aux minicrises à venir au fur et à mesure qu'elles apparaissent, suivant le modèle adopté ces dernières années. Compte tenu des divergences d'intérêts et des problèmes auxquels différents pays sont confrontés au sein de la zone euro et de l'UE, et de la lourdeur des structures de gouvernance et des difficultés que pose toute modification des traités, cette option est celle de la facilité – et probablement celle qui sera retenue.
La seconde option serait une réforme structurelle sérieuse et concertée. Cela impliquerait, a minima, des réformes du droit du travail, des systèmes de retraites et des provisions anticroissance des codes des impôts. Cela impliquerait aussi de réellement s'efforcer de réduire la dette souveraine qui reste un frein majeur à la croissance et continue de menacer les banques européennes.
Les accords sur la dette existants ne sont pas suffisants en l'absence d'une croissance forte sur dix ans, ce qui semble pour le moins improbable. Les gouvernements et les banques d'Europe auront à terme besoin d'une solution comme les obligations Brady, qui ont bien fonctionné pour surmonter la crise de la dette sud-américaine dans les années 90 et la menace qu'elle posait aux institutions financières américaines très exposées. Comme ce fut le cas à l'époque, il faudra négocier des options de sortie et des extensions de crédit.
Cette approche implique des mesures difficiles, particulièrement pour les pays riches ; mais, correctement structurée, une réforme structurelle concertée pourrait relancer la croissance ce qui, en retour, entraînera des budgets plus sains, plus d'emplois, permettrait d'avoir des bilans plus équilibrés et limiterait les risques financiers.
La troisième option serait de repenser et de retravailler l'UE dans son ensemble, de l'euro à ses institutions fondamentales. En tant qu'arrangement de libre-échange, l'UE a été un très grand succès. Mais l'euro n'a de sens économique que pour une partie seulement de ses membres actuels, et non pour des pays comme la Grèce dans sa présente situation. Certains économistes ont proposé un euro à deux vitesses, par lequel les pays « difficiles » utiliseraient un « euro B » dont la valeur serait annexée à « l'euro A » jusqu'à ce qu'ils soient en mesure de respecter les règlementations économiques et financières pour être réadmis.
Une meilleure mobilité de la main-d'œuvre est un autre grand bénéfice amené par l'UE. Mais les diktats bureaucratiques rigides de la Commission européenne ont porté certaines règlementations trop loin, et les efforts visant à obliger les pays à faible fiscalité à « harmoniser » leur taux seraient dévastateurs pour leurs citoyens et leurs entreprises.
Bien qu'il soit improbable que des avancées soient faites concernant la deuxième et la troisième option dans un avenir proche, les dirigeants élus de l'Europe devraient en permanence tester ce qui fait sens et ce qui doit être réformé. La dernière élection était un signal d'alarme ; les dirigeants européens doivent ouvrir les yeux.

Copyright : Project Syndicate, 2014.
www.project-syndicate.org

De nombreux Européens sont convaincus qu'ils ont résisté à la tempête économique et financière. Au cours des deux années écoulées, les déficits et l'endettement se sont stabilisés. Le rendement de la dette souveraine des économies fragilisées à la périphérie de la zone euro connaît un repli. Le Portugal et l'Irlande sont sortis de leurs plans de renflouement. On ne parle plus...

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