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Liban - Scandale

Petit Syrien battu : et si le crime restait impuni ?

Après le buzz créé sur les réseaux sociaux par la vidéo de l'enfant battant sauvagement un autre, le papa arrêté samedi par les FSI pourrait s'en sortir devant la justice sans grave punition, l'enfant battu n'ayant pas été gravement blessé. Qui assume alors la responsabilité éthique du crime ?

Capture d’écran tirée de la vidéo diffusée le 18 juillet 2014 sur le site Yasour.org

Les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont annoncé hier dans un communiqué l'arrestation du père de Abbas, l'enfant libanais apparu dans une  vidéo en train de battre un garçon syrien de 9 ans sous la bénédiction et l'observation de son papa, après que la vidéo a créé le buzz sur les réseaux sociaux. Le père de Abbas, âgé de 47 ans, a été arrêté samedi soir à Aïn el-Delbé à l'intérieur d'un minibus qu'il possède. Un peu plus tard, une force des services de renseignements a également arrêté le cousin de Abbas, âgé de 17 ans et suspecté d'avoir filmé la vidéo en question.

En effet, les FSI avaient lancé samedi une enquête au sujet de la vidéo, à la requête du ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk et du directeur des FSI, le général Ibrahim Basbous. Le ministre de la Justice, Achraf Rifi, a contacté ensuite le procureur général de la Cour de cassation, le juge Samir Hammoud, l'appelant à suivre l'affaire de près et à tenter de révéler l'identité du parent afin de le déférer devant la justice pour avoir incité son enfant à un acte de violence.

L'affaire de cette vidéo suscite donc l'intérêt des responsables, et il y a de quoi. Dans cette vidéo, pour rappel, on voit Abbas, tout jeune, encouragé par des voix adultes, en train de battre Khaled, fils d'une famille syrienne réfugiée dans la Békaa, sur différentes parties du corps puis revenant à la charge malgré les supplications de sa victime. Abbas, qui porte une queue de cheval, frappe le garçon avec une matraque, lui assène un coup de poing au visage et un coup de pied dans les tibias. La victime tente de se protéger des coups avec ses bras, mais l'on entend clairement la voix masculine adulte de son papa qui lui ordonne de les baisser avant de demander à Abbas de le frapper à nouveau. Abbas reçoit ensuite l'ordre de donner une gifle au garçon et le fait, puis de le frapper à l'estomac et s'exécute à nouveau, comme s'il s'agissait d'un jeu. La victime gémit, se met à genoux, implore Dieu et tente de nouveau de se protéger des coups. Mais une autre voix, apparemment celle d'un jeune garçon, et la voix de l'adulte s'exclament : « Ce n'est pas assez fort ! »

Un criminel et deux enfants victimes
Si les ministres de la Justice et de l'Intérieur suivent de près cette affaire choquante, les mesures légales prises à l'encontre du papa de Abbas pourraient malheureusement ne pas être sévères. Le code pénal libanais prévoit en effet des mesures de sûreté applicables à l'instigateur comme s'il avait été l'auteur de l'infraction, d'autant plus que l'auteur en question est un mineur, mais le code stipule clairement que « quiconque aura intentionnellement porté des coups, fait des blessures ou commis toute autre lésion, s'il n'en est pas résulté une maladie ou une incapacité personnelle de travail de plus de dix jours sera puni d'un emprisonnement de six mois au plus et d'une amende, de l'une de ces peines seulement ». L'affaire du jeune enfant syrien, ce dernier n'ayant pas été gravement blessé, pourrait ainsi être close facilement.

Contactée hier par L'Orient-Le Jour, l'experte en protection juvénile et ex-directrice du bureau du Mont-Liban de l'Union pour la protection de l'enfance (Upel) Roula Lebbos, a exprimé des craintes similaires à ce sujet. Roula Lebbos a sur ce plan affirmé que 2 lois régissent ce dossier : la loi 422 relative à la protection de l'enfant et le code pénal libanais. « D'abord, il s'agit d'ouvrir un dossier de protection pour l'enfant agressé conformément à la loi 442, même s'il a été éloigné de ses agresseurs, a-t-elle expliqué. Ensuite, une enquête sociale devrait être ouverte concernant l'enfant agresseur, et en référence à la même loi, à l'initiative de l'Upel ou du parquet général. Cet enfant, en fin de compte, n'est qu'une autre victime, et il n'a pas encore atteint l'âge de responsabilité criminelle au Liban, qui est de 7 ans. À son âge, même un meurtre n'est pas puni. »

Pour Roula Lebbos, l'important reste de suivre le dossier à un troisième niveau, en punissant le parent incitateur à la violence pour son « crime », et selon le code pénal libanais. « Malheureusement, l'incitation à cet acte pourrait ne pas être punie de manière sévère, et le papa pourrait s'en sortir en payant juste une amende et quelques jours de détention, a-t-elle toutefois déploré. En fait, la loi devrait considérer que cet adulte a directement lésé le jeune enfant et le punir. »

Selon l'experte en protection juvénile, par ailleurs, les crimes commis par des enfants encouragés par leurs parents sont assez nombreux, étant donné qu'un enfant de moins de sept ans qui commet un meurtre n'est pas considéré comme étant responsable, et que l'adulte en question reste souvent impuni. « De tels actes peuvent pourtant avoir de graves répercussions psychologiques et comportementales sur l'enfant agresseur, dit-elle. À son âge, il considère correct tout ce qu'on lui enseigne. Je ne serais pas surprise de savoir que cet enfant, s'il n'est pas soigné et suivi, commettra à l'adolescence des actes de violence allant du meurtre jusqu'au viol. » « Sans oublier l'éducation au racisme, dans le cas de Abbas, qu'on éduque à des notions de discrimination lui faisant croire que certains enfants ne sont pas de son niveau, et qu'il est bon de les battre », a ajouté Roula Lebbos, qui affirme également que les enfants des réfugiés syriens ne sont pas assez protégés au Liban.

Tout compte fait, si les textes de loi ne peuvent condamner rudement le père de Abbas, le jeune enfant battu s'en étant sorti sans séquelles physiques graves, il est nécessaire, voire primordial, d'examiner cette affaire sous un autre angle. Car l'image d'un père « dressant » son enfant à « attaquer » comme on dresse un animal, un enfant qui a pourtant hésité à battre son camarade syrien et à s'adonner à cette violence gratuite dont il ne comprenait pas la raison, reste immensément révélatrice d'une société qui perd ses valeurs. D'où l'appel urgent aux associations et ONG se souciant de la protection de l'enfance à agir, et vite !


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commentaires (4)

Selon la loi....Mais il est temps de changer ces lois qui datent depuis des lustres et de les adapter aux circonstances actuelles! Une loi, ce n'est pas l'Evangile que je sache! Beaucoup de lois ont besoin d'etre revues et changees a plus d'un niveau dans notre pays.

Michele Aoun

09 h 24, le 21 juillet 2014

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Commentaires (4)

  • Selon la loi....Mais il est temps de changer ces lois qui datent depuis des lustres et de les adapter aux circonstances actuelles! Une loi, ce n'est pas l'Evangile que je sache! Beaucoup de lois ont besoin d'etre revues et changees a plus d'un niveau dans notre pays.

    Michele Aoun

    09 h 24, le 21 juillet 2014

  • CE SERAIT VRAIMENT LE LIBAN !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 25, le 21 juillet 2014

  • Qu'on ne vienne pas maintenant avec des atténuations de merde à droite et à gauche. Cette affaire est trop grave et trop choquante pour qu'on les accepte. Elle dénote une culture et une décadence trop dangereuses. Ou veut-on qu'on désespère une fois pour toutes de ce pays ? Il s'agit d'un père qui se comporte exactement comme un animal. Il incite son fils à battre l'enfant syrien et lui enseigne comment le faire. Lorsque l'enfant répond à sa demande de "donner un coup de pied" et qu'il le fait au tibia de la victime, le monstre exécrable lui rétorque : "à son estomac, à son estomac" (3a batnou, 3a batnou !!). Que veut-on de plus pour que ce père criminel soit puni ? Qu'il mette un couteau dans la main de son fils et lui dise : égorge-le ? Il n'a manqué plus que ça dans son acte criminel.

    Halim Abou Chacra

    06 h 26, le 21 juillet 2014

  • On ne peut qu'être horrifiė par cette inhumanitė. Il y a la loi et l'esprit de la loi..il faudrait absolument sėvir Contre ce genre d'individu, même si l'on est proche d'acceder au rang de "quart mondistes" .

    C…

    03 h 56, le 21 juillet 2014

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