Une femme portant le voile intégral, ou nikab, en compagnie de son mari, à Paris le 29 juin 2014 . AFP/Stéphane De Sakutin
"Mon habit n'est pas vu comme modéré, mais moi je me sens modérée", témoigne Stéphanie Lécuyer, une Française convertie à l'islam qui porte depuis 15 ans un voile intégral.
La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a validé mardi la loi française de 2011 interdisant de dissimuler son visage dans l'espace public. Dans un arrêt définitif mais pas unanime - deux juges sur 17 ayant exprimé une opinion dissidente -, la CEDH a souligné que "la préservation des conditions du +vivre ensemble+ était un objectif légitime" des autorités françaises. Elle a admis que la France disposait à cet égard d'une "ample marge d'appréciation" et que la loi votée fin 2010 n'était pas contraire à la Convention européenne des droits de l'Homme.
La CEDH avait été saisie le jour de l'entrée en vigueur de cette loi controversée en avril 2011 par une jeune femme, avocate de profession. Elle assurait porter aussi bien la burqa -qui cache entièrement le corps, y compris les yeux derrière un tissu à mailles- que le niqab -qui couvre le visage pour n'en montrer que les yeux-.
Dans sa requête, la requérante de 24 ans, restée anonyme, affirmait ne subir "aucune pression" familiale et accepter les contrôles d'identité, tout en voulant rester libre de porter le voile à sa guise.
A l'occasion de ce jugement de la CEDH, Stéphanie Lécuyer, jeune femme de 39 ans qui vit seule à Nice (sud-est) avec sa fille, raconte son parcours à l'AFP.
Née dans une famille aux origines multiples (Asie, Europe de l'Est, Bretagne), elle a embrassé l'islam il y a 20 ans. Cinq ans plus tard, elle revêtait le niqab "suite à un cheminement personnel". "Je n'ai pas été influencée, j'ai évolué parce que j'en avais envie", tient-elle à souligner. "Des choses en moi n'étaient pas compatibles avec la pratique religieuse", poursuit-elle en pesant ses mots: "je suis de différentes cultures, il y avait un combat intérieur. J'avais besoin du voile pour m'améliorer".
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En 2009, lors des débats sur le niqab et la burqa, le ministère français de l'Intérieur dénombrait 1.900 femmes intégralement voilées sur le territoire (la moitié avait moins de trente ans, un quart étaient des converties). Journaliste indépendante, Naïma Bouteldja en avait interrogé 32 pour l'Open Society Foundations (OSF), réseau lié au philanthrope américain George Soros: "Leur motivation principale est une sorte de recherche de la perfection, un peu comme des nonnes qui auraient la volonté d'être seules avec Dieu", rapporte-t-elle. "Seule une minorité ont pris le niqab par rébellion face aux polémiques sur l'islam", ajoute-t-elle. "Ce qui m'a le plus étonnée, ce sont les conflits que le voile intégral a déclenchés dans de nombreuses familles". Les parents de Stéphanie Lécuyer ont effectivement "mal pris" sa décision. Elle attribue aussi son divorce aux "désaccords" avec son mari à ce sujet.
Sur le plan professionnel, la situation est tout aussi tendue: assistante maternelle, elle veut devenir auxiliaire de puériculture. Elle propose de remplacer son voile par un bonnet, mais essuie un refus.
650 euros d'amendes
Depuis la loi de 2011, sa situation s'est encore compliquée. "Je n'ai jamais refusé d'ôter mon voile pour m'identifier. J'ai repris mes études et je lève mon niqab quand j'entre en classe. Mais cette loi est injuste alors je ne l'applique pas dans la rue". Logiquement, elle est régulièrement contrôlée par les forces de l'ordre. "A un moment, ça arrivait trois quatre fois par jour. C'était vraiment pénible". Elle a perdu le compte des amendes. "Il doit me rester 650 euros à payer..."
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Selon l'Observatoire de la laïcité, la police a procédé à un millier de verbalisations depuis avril 2011, portant sur 600 femmes puisque certaines ont écopé de plusieurs amendes (une en comptabilise 33). Selon Stéphanie Lécuyer, la loi a une autre conséquence: "Certaines personnes sont devenues très virulentes, je reçois pleins d'insultes gratuites". "Si la loi répondait vraiment à un impératif de sécurité, OK, mais là, on touche un groupe de femmes qui, souvent, ne rechignent pas à s'identifier. C'est disproportionné". Pourtant, "on n'a pas pris le voile pour faire le jihad", dit-elle. "On peut dire que je suis intégriste au sens du dictionnaire parce que je vis ma religion à la lettre. Je suis même allée plus loin dans mon habillement que ce qu'on me demandait", reconnaît-elle. "Mais je ne suis pas intégriste au sens de jihadiste, ou violente".
D'ailleurs elle ne pousse pas sa fille de 13 ans à suivre son exemple. "Je veux qu'elle se sente musulmane, mais pour le reste, avec toutes les galères que j'ai vécues, je lui dis de faire d'abord ses études."
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commentaires (5)
Ce "fichu" en tissu est un signe très préoccupant. Car ces "jolis petits! tissus", qui permettent de cacher de jolis et mignons minois empreints de parfaite bigoterie, paraissent pour certains, si anodins. On se permet de subodorer que leur apparente innocuité même, constitue leur vraie "dangerosité" ! Surtout que dans les prochaines années, ces sociétés vont profondément se recomposer. Et la composante religieuse sera une des pièces des réajustements que vont vivre maybe ces européennes contrées, et on ne voit pas why on s’en réjouirait. A coup sûr, l'only et seule formule exempte d’inconvénients est celle de la séparation de la religion et de l’État. Qui est la + souhaitable, et qui combine 1 espace privé dans lequel les convictions religieuses seraient cantonnées, et un espace public à l’intérieur duquel seraient contrôlés ces "signes" et leur attirail clinquant de "fichus" en tissu. Et que dire d'all ces Européennes Saines qui, excédées par ces tchadors et ces voiles, veulent surtout respirer pour pouvoir enfin crier : "Laissez nous vivre en paix, et fichez nous la paix svp…. avec toutes ces sortes de fichus bariolés, qu’ils soient en tissu ou même en soie !".
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
18 h 46, le 02 juillet 2014