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Économie - Liban

Les petites surfaces, un « must » pour contourner la résistance des prix de l’immobilier

Malgré une stagnation de la demande au cours des trois dernières années, les prix de l'immobilier résistent toujours à la baisse, tandis que le pouvoir d'achat des Libanais se ramollit au fil des ans. Cette réalité socio-économique, à laquelle s'ajoute un effet de mode, pousse de plus en plus de compagnies immobilières à privilégier les petites unités résidentielles.

De plus en plus de compagnies immobilières se lancent depuis un certain temps dans des projets offrant des unités résidentielles, dont la superficie varie entre 80 m2 et 120 m2. Photo Michel Sayegh

Si l'activité de construction au Liban fait preuve de résilience face à la conjoncture actuelle, et que les grues continuent d'être aussi nombreuses en ville, comme les derricks dans un champs de pétrole, cette résilience semble s'appliquer également aux lois de l'offre et de la demande. En effet, les prix de l'immobilier font eux aussi de la résistance. Malgré une stagnation de la demande depuis près de trois ans, les prix des unités résidentielles et de bureaux n'ont pas connu de variations majeures. Les promoteurs ont certes consenti à lâcher du lest, en diminuant leurs tarifs de 10 % en moyenne. Mais ces baisses ne sont pas généralisées et semblent davantage concerner les produits haut de gamme plutôt que les petites surfaces. « En effet, les réductions concernent les unités de logement spacieuses et localisées dans des régions chères où les appartements peuvent coûter jusqu'à sept millions de dollars », souligne Georges Chehwane, PDG de Plus Properties. « Globalement, nous ne pouvons pas parler d'une baisse mais plutôt d'une stagnation des prix sur le marché », ajoute-t-il.
La valeur moyenne des ventes à l'échelle nationale continue même d'augmenter. Celle-ci s'élevait à plus de 128 000 dollars l'an dernier contre 123 000 en 2012, selon le registre foncier.

Des prix pouvant aller jusqu'à 20 000 dollars/m2
Sur le terrain, plusieurs compagnies ont en tous cas conservé leur prix d'avant-crise. C'est le cas, par exemple, de Har Properties, qui compte à son actif les projets Upark, à la corniche du Fleuve, Aya, à Mar Mikhaël, et Allée des arts à Gemmayzé. « Les projets bien étudiés en termes de prix et de surface n'ont pas connu de révision à la baisse et par conséquent nous ne sommes pas concernés par une quelconque réduction. Nous prenons notre temps afin d'offrir un produit parfait en termes d'architecture, d'intégration urbaine, ainsi que de prix », souligne Philippe Tabet, directeur général de la compagnie.



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Selon une récente étude publiée par l'agence immobilière Ramco Real Estate Advisers, le coût moyen d'un appartement en construction à Beyrouth atteint actuellement 4 331 dollars par mètre carré. Selon l'étude, qui a passé au crible 382 projets de la capitale, la valeur moyenne d'un appartement dans la capitale s'élève ainsi à un million de dollars.
Les prix varient néanmoins selon les quartiers, oscillant entre un minimum d'un peu moins de 2 000 dollars le mètre carré dans les quartiers les plus populaires et plus de 7 000 dollars le mètre carré dans les zones les plus huppées. D'après Ramco, le prix moyen (demandé) d'un mètre carré au centre-ville de Beyrouth s'élève à 7 647 dollars, pour un appartement se situant au premier étage d'un immeuble en construction. Cette zone, la plus chère de la capitale, est suivie par les quartiers de Aïn el-Mreissé (7 000 dollars), Raouché (6 557 dollars), Jal al-Bahr (6 500 dollars), Ramlet el-Baïda (6 052 dollars), Manara (6 033 dollars), Sursock (5 573 dollars), Aïn el-Tiné (5 300 dollars) et Verdun (5 157 dollars).
Dans la zone inférieure, le quartier le moins cher est celui de Noueiri, où le prix du mètre carré est de 1 925 dollars. Les prix augmentent progressivement jusqu'à atteindre 2 446 dollars à Basta (soit 367 000 dollars pour un appartement de 150 m2), 2 600 dollars dans la zone du Musée et 2 660 dollars à Béchara el-Khoury, selon Ramco.

« Cela est le résultat d'un nombre de plus en plus limité de parcelles disponibles pour la construction. À Solidere, le prix de départ est de 6 000 dollars par mètre carré, mais celui-ci peut grimper jusqu'à 22 000 dollars », souligne Georges Chehwane.

Ces chiffres font écho à deux études internationales confirmant la cherté de l'immobilier au Liban. Selon le dernier rapport annuel de The Global Property Guide sur les tendances d'investissement immobilier dans le monde, Beyrouth est arrivée l'an dernier au 43e rang mondial parmi 94 marchés et deuxième dans le monde arabe en termes de prix d'un appartement de 150 mètres carrés. Celui-ci s'élevait en moyenne à 3 693 dollars par mètre carré, précise l'enquête, soit plus qu'à Ljubljana en Slovénie, à Bangkok et à Bucarest.



(Lire aussi : Le secteur immobilier tente de résister, malgré les nombreux aléas)



En outre, la capitale a été classée 30e parmi 84 marchés à l'échelle mondiale et première dans la région en termes de prix d'un appartement par rapport à son loyer, ou le ratio prix-loyer. Celui-ci reflète les années de loyer nécessaires pour couvrir le coût d'achat d'une propriété, et est généralement utilisé pour mesurer la sous-évaluation ou la surévaluation des prix de l'immobilier. Le ratio propre au Liban s'élevait à 22 l'an dernier, contre une moyenne arabe de 15,8, indiquant qu'il faut 22 ans de loyer pour récupérer le prix d'achat d'un appartement de 150m². Globalement, Beyrouth avait le même ratio que Sydney et Kuala Lumpur, mais un ratio supérieur à celui de Sofia et de São Paolo.

Enfin, toujours selon The Global Property Guide, la capitale libanaise est arrivée à la 30e place parmi 84 marchés à l'échelle mondiale et deuxième parmi cinq marchés arabes en termes de cherté de loyer mensuel. Celui-ci s'élevait en 2013 à 2 082 dollars pour un appartement de 150 m2, contre une moyenne arabe de 1 715 dollars, selon l'enquête. Globalement, les loyers mensuels à Beyrouth étaient plus chers qu'à Bangkok, à Buenos Aires et à Mexico. En parallèle, Beyrouth est restée la ville la plus chère du Moyen-Orient pour le logement des expatriés, selon l'étude 2014 menée par EuroCost International. Beyrouth a occupé la 10e place mondiale, arrivant devant Sydney, Shanghai et Zurich, tandis que sur le plan régional, elle a dépassé Doha, classée deuxième ville la plus chère du Moyen-Orient et 23e dans le monde.

Des invendus en hausse
Cette résistance des prix, couplée à l'instabilité ambiante, a provoqué une autre forme de résistance, cette fois parmi les acquéreurs. Ils sont désormais de plus en plus réticents à investir, en raison du contexte incertain, mais aussi parce qu'ils misent encore sur un fléchissement des prix.
Preuve d'une plus grande prudence, le nombre d'appartements invendus augmente sur le marché. Selon la dernière étude de Ramco Real Estate Advisers, 277 appartements neufs terminés au cours de l'année 2013 sont restés invendus, soit 22 % du nombre total d'unités construites l'an dernier. Cette proportion est de 27 % supérieure à celle de 2012.
Au total, le stock des invendus totalise 81 773 m2 de surfaces résidentielles, soit une valeur marchande d'environ 437 millions de dollars, selon l'étude de Ramco qui se base sur un panel de 65 immeubles situés dans Beyrouth intra-muros. En outre, 79 % des projets résidentiels terminés en 2013 ont encore des appartements à vendre, contre 72 % en 2012, soit une hausse de 8,8 %.



(Pour mémoire : Offrez-vous une résidence à 20 000 dollars le mètre carré... à Beyrouth)


Parmi les grandes surfaces, les produits haut de gamme du centre-ville ne sont pas épargnés par le syndrome des invendus. Le taux de vente n'y est que de 70 %. Sur les 182 appartements terminés, 61 étaient encore en vente, soit une valeur potentielle de 133 millions de dollars, estime Ramco.
Selon Philippe Tabet, « le niveau du stock à vendre n'est toutefois pas dangereux. Il est assez rapidement absorbable », affirme-t-il.

Les 100 m2, un trend croissant
Quoi qu'il en soit et face à cette réalité, de plus en plus de compagnies immobilières se lancent depuis un certain temps dans des projets offrant des unités résidentielles, dont la superficie varie entre 80 m2 et 120 m2, notamment dans la capitale, afin de continuer à séduire une clientèle au pouvoir d'achat moyen et intéressée d'investir à Beyrouth. Le projet « MichelAnge » à Mar Mikhaël, entrepris par la société Sodeco Gestion et actuellement en gestation, illustre bien cette tendance : des appartements de 100 m2 y sont vendus à près de 300 000 dollars, de quoi permettre aux jeunes de s'acquérir un toit à un prix raisonnable en plein Acharafieh.

« La demande pour les petites surfaces est très élevée », assure à cet égard Georges Chehwane. Plus qu'une tendance, il s'agit « d'une réalité économique et d'un changement sociologique. Nous allons devenir comme toutes les grandes villes du monde où les surfaces sont de plus en plus petites », renchérit Philippe Tabet.

En attendant que ce trend se confirme, et faute de pouvoir se loger à Beyrouth, de nombreux Libanais, notamment les jeunes, continuent de privilégier les banlieues proches, voire lointaines, de la capitale : Sin el-Fil, Bsalim, Nabay, Baabdat et Aramoun font désormais partie des localités de plus en plus prisées, où les acquéreurs bénéficient de surfaces plus grandes, au même prix que ceux offerts dans la capitale, voire moins.

Pour certains, les prix proposés dans ces localités restent néanmoins chers. C'est ce qui a poussé un groupe de jeunes à créer une ONG baptisée « Cost Reduction Group » qui vise, avec d'autres partenaires sur le marché, de vendre des appartements dont les prix varient entre 45 000 dollars pour un 80 m2, et 105 000 dollars pour un 140 m2, dans les localités telles que Kahalé, Bchemoun, Ghazir et Ballouneh.
« Je pense qu'il s'agit d'une très bonne initiative », souligne Massaad Fares, PDG de Prime Consult. D'autres experts du marché sont plus prudents. « Je ne pense pas que cela est possible. Il faut plutôt créer un ministère de l'Habitat qui mette en place une stratégie globale pour résoudre ce problème à travers une politique de changement de zone, d'incitations aux jeunes et d'offres spéciales », conclut Georges Chehwane.

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