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Liban - Religion

Le rôle et la place des Églises d’Orient dans les travaux du concile Vatican II

La récente canonisation du pape Jean XXIII a fourni l'occasion de sortir des oubliettes le concile Vatican II dont il fut l'initiateur. Un colloque international consacré à l'apport des Églises d'Orient dans les travaux du concile s'est tenu récemment à Beyrouth et à Ghazir.

Une des sessions du concile Vatican II en la basilique Saint-Pierre.

Un colloque international ayant pour thème « Le concile Vatican II et les Églises orientales » a eu lieu récemment au Liban. Pendant quatre jours, 26 conférenciers ont débattu, à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth et au Séminaire patriarcal maronite de Ghazir, des grandes orientations du concile Vatican II et de la contribution des Églises orientales à ce concile.


Les discussions ont porté sur les retombées de ces assises vaticanes – qui ont commencé en octobre 1962 et se sont poursuivies par intermittence jusqu'en 1965 – à plusieurs niveaux : la vie des Églises au quotidien ; la synodalité ou le pouvoir du magistère géré collégialement par le patriarche et les évêques ; la réforme de la liturgie afin qu'elle soit plus proche du langage des gens ; la place du patriarche et son pouvoir ; l'œcuménisme et les relations entre les Églises chrétiennes ; la relation avec les autres religions et plus spécialement avec l'islam ; la place et le rôle des laïcs dans la gestions des affaires de l'Église ; la formation des jeunes prêtres ; les chrétiens orientaux dans la diaspora partagés entre le Vatican et les Églises d'Orient.
Autant de thèmes évoqués en profondeur. Il reste que certains sujets étaient absents du débat, bien qu'importants : la vision de la politique ; l'éducation ; la relation avec le monde moderne ;
la question sociale ; et surtout les questions éthiques et morales si cruciales de nos jours. Il faudrait un autre colloque pour faire un tour d'horizon exhaustif sur ce plan. Rappelons que l'un des textes les plus célèbres du concile est celui qui donne une autonomie très large aux Églises orientales catholiques, reconnues responsables de leur destin dans le cadre de l'Église universelle.

 

(Repère : Les chrétiens de Terre sainte : communautés diverses dans une région troublée)

 

Influences réciproques
En parcourant les contributions des intervenants, on retient que le rôle décisif des pères orientaux au cours du concile a été bien mis en relief. Comment ne pas se rappeler de certaines figures qui ont brillé au sein de l'aula ? Citons, sans vouloir être exhaustif, au niveau de l'Église melkite, outre le patriarche Maximos IV Sayegh, les évêques Élias Zoghby, surnommé « l'enfant terrible du concile », Georges Hakim (futur patriarche Maximos V) et, surtout, Mgr Neophytos Edelby. Au niveau de l'Église maronite, parmi les figures les plus éminentes, il y avait le patriarche Paul-Pierre Méouchi, les évêques Ignace Ziadé, Michael Doumit et Antoine Abed.
Mgr Issam Abi Khalil, recteur du séminaire patriarcal maronite de Ghazir, a résumé l'impact des interventions des différents pères orientaux catholiques sur les débats conciliaires en trois points : la pratique de la collégialité épiscopale et de la synodalité ; le dialogue islamo-chrétien ; et l'usage de la langue du peuple dans les liturgies.
Sur un autre plan, le concile Vatican II a foncièrement influencé les orientations des Églises orientales. Le père Sélim Daccache, recteur de l'USJ, a relevé dans son intervention l'impact du concile sur le synode patriarcal maronite (2003-2006). « L'Église maronite, par la voix des rédacteurs et des membres de son assemblée délibérative, connaissent bien les textes de Vatican II, non seulement d'une manière formelle, mais sous l'angle du souci d'une intégration à une pensée synodale globale, ecclésiologique et théologique », a-t-il souligné.

 

L'Église et les autres religions
L'axe de la relation avec les autres religions et l'importance du dialogue islamo-chrétien ont occupé une grande place au cours du colloque en raison de leur impact sur la situation actuelle au Liban et dans la région. Le texte conciliaire fondateur du dialogue interreligieux contemporain est Nostra Ætate (« Notre époque ») qui décrit l'essence des relations entre l'Église et les religions non chrétiennes et exhorte à oublier les difficultés du passé, à retenir le respect mutuel comme fondement, et à promouvoir les valeurs communes de justice sociale, de paix et de liberté.
Ce document a fait naître, en Occident, un sentiment général de réconciliation et de dédramatisation mais « les réactions aux textes furent timides et lentes du côté musulman, et elles continuent de l'être », relève Hareth Chehab, secrétaire général du Comité national islamo-chrétien pour le dialogue. Malgré cette ouverture nouvelle pour l'Église, le dialogue a été confronté à des obstacles qui ont stoppé ce pas en avant. « Le concile Vatican II a ouvert la voie des échanges entre islam et christianisme, souligne Hareth Chehab. Mais la recrudescence du terrorisme se prévalant, à tort, du fondamentalisme islamiste, et la discrimination dont souffrent en général les chrétiens dans les pays musulmans, et dans une moindre mesure les musulmans ailleurs, ont découragé nombre de partisans du dialogue », a-t-il ajouté.

 

(Lire aussi : Vatican II, le concile œcuménique de « l'aggiornamento »)

 

Quel rôle l'Église donne-t-elle aux laïcs ?
Le concile Vatican II a donné aux laïcs une tâche et une responsabilité évidentes, déclarant clairement que tout chrétien est envoyé en mission et tout laïc chrétien participe à sa manière au sacerdoce commun du Christ. Leur mission « rend l'Église présente et agissante en tout lieu et en toute circonstance où elle ne peut devenir le sel de la terre que par leur intermédiaire », lit-on dans « Lumen Gentium », numéro 31.
En ce sens, le père Thom Sicking, doyen de la faculté des sciences religieuses à l'USJ, met en garde contre une mentalité cléricale qui règne jusqu'à ce jour, et rappelle que le fidèle a besoin des sacrements et de la communauté ecclésiale pour pouvoir exercer sa mission. « Ce n'est plus l'idée des laïcs au service de la hiérarchie, mais plutôt l'inverse », révèle-t-il. Vatican II précise également que la place primordiale des laïcs n'est pas nécessairement dans la préparation et la célébration des liturgies, bien qu'elle soit importante, mais ils devraient plutôt être dans le monde comme le levain dans la pâte. Sinon on aboutit à ce que le père Sicking appelle un peu ironiquement des « laïcs de sacristie ». Il ajoute que les laïcs ont besoin d'une catéchèse qui tienne compte des défis du monde moderne et, surtout, de la liberté, ce bien si précieux qui doit être usé avec sagesse.


Le colloque, c'est un moment où certains mots ou phrases laissent des traces. L'évêque Paul Rouhana a déclaré ainsi : « Nous disions "point de salut en dehors de l'Église", c'est fini ;
aujourd'hui nous disons : point de salut en dehors de l'amour ! »
M. Riccardi, l'ancien ministre italien fondateur du Mouvement San Egidio, a souligné de son côté : « L'important, ce n'est pas de prier pour l'autre, mais c'est d'exclure toute prière qui condamne l'autre. » Mgr Salachas d'Athènes relève pour sa part : « Le patriarche est une figure biblique, c'est le chef d'un peuple ; il est père. »
Ce colloque fut comme un moment de prise de conscience. La séance de clôture a mis l'accent sur certains points concrets, quitte à les traduire en projets pour le bien de tous.

 

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