Ce serait méchant de comparer. Stérile, surtout. De comparer la réaction des institutions libanaises après un attentat contre un pôle du 14 Mars, lente, presque nonchalante, amatrice, fatiguée... avec l'énergie, la détermination, le zèle ou la chance après un attentat contre une figure, ou un fief, du 8 Mars. Stérile de relever cette carte d'identité du kamikaze, toujours bien placée dans le véhicule, toujours plus forte que la TNT, toujours falsifiée et toujours liée à Ersal. Stérile et vain. Que les assassins visent Marwan Hamadé ou Abbas Ibrahim, Nabih Berry ou Fouad Siniora, qu'ils soient télécommandés par le Mossad, les pasdaran ou el-Qaëda, que les femmes et les hommes qui pleurent soient sunnites, chrétiens, chiites ou druzes, tout cela ne change rien à l'affaire : c'est le même Liban qui saigne. Non ? Si.
Cela dit, et sans approcher d'un millimètre, un seul, de cette spirale de complotite paranoïaque hyperaiguë tellement chère au 8 Mars en général et aux aounistes en particulier, c'est-à-dire sans remettre en cause un instant, un seul, l'origine terroriste de l'attentat de Dahr el-Baïdar, cet épisode-là de la barbarie polymorphe exportée au Liban depuis octobre 2004 reste particulièrement singulier. Hollywoodien en diable. Cette concomitance, ces croisements, cette foison d'événements et de rebondissements, tout y est pour ficeler, à la va-vite, une espèce de thriller catastrophe entre le rapport de la Libano-Israélienne Julia Abou Araj, basé sur une note du Mossad évoquant une tentative d'assassinat par les islamistes du général Abbas ; le raid très Jack Bauer contre des hôtels miteux de Hamra ; un plan d'attaque méphistophélique contre l'Unesco où allaient se retrouver des ténors du 8 Mars, ou contre des hôpitaux (!) de la banlieue sud, et ces rumeurs, ces insupportables rumeurs, mortifères, cancérigènes comme rarement, à l'aube d'une saison estivale attendue, comme rarement aussi, par les Libanais...
Si un agent des FSI n'avait pas malheureusement succombé à ses blessures, le spectacle aurait été tragi-comique. Parce que cela gigotait de partout, hystériquement, jusqu'au Sérail où, dans une déclaration à la presse suffisamment rarissime pour être relevée, le patron de l'armée a jugé nécessaire de se fendre d'un commentaire foudroyant, qualifiant pratiquement tout le monde de dramaqueens : Il y a des faits qui ont été exagérés ; la situation n'est pas si dangereuse, a lâché, pour les annales, le général Jean Kahwagi.
Cette disproportion totalement inhabituelle, et qui peut être mise sur le compte de la panique qui s'installe depuis les blitzkriegs transfrontaliers de Daech et l'anéantissement du concept Sykes-Picot, ne doit pourtant pas faire oublier l'essentiel : la participation tous azimuts des mercenaires du Hezbollah aux combats en Syrie main dans la main avec les soldats d'Assad. L'heure n'est plus aux naïvetés : Daech et tous ses acolytes, présents ou pas sur les 10 452 km2, libanais ou pas, auraient naturellement tenté d'enfoncer le Liban dans cent et un cloaques, que le Hezbollah se soit impliqué en Syrie ou pas ; sauf que là, ils le font avec un stakhanovisme, une rage et une envie de tuer décuplés. Autre essentiel : la présidentielle libanaise. Ce qui s'est passé ce 20 juin, s'il a férocement détourné, pour un moment, les projecteurs de ce scrutin malade jusqu'à la moelle, n'en a pas moins prouvé, une nouvelle fois, son absolue, son infinie urgence.
Là, ce n'est plus un thriller, c'est une farce. Le spectacle donné au monde en début de semaine par le chef du CPL a giflé les certitudes de celles et de ceux qui s'étaient convaincus que ce monsieur ne pouvait pas, ne pouvait plus aller plus loin, plus haut, plus fort dans l'inouï. Les spectateurs, ce soir-là, ont eu mal à la mâchoire, M. Aoun pontifiant jusqu'au déréel, assénant que seul lui pouvait assurer la sécurité, politique ou pas, de Saad Hariri. Les Libanais auront tout entendu, tout supporté.
Entre la prise en otage de la sécurité par le Hezbollah, la prise en otage du politique par le CPL, et les dommages infligés par Daech et autre al-Nosra, c'est au cirque que sont conviés, c'est à un cirque que ces Libanais sont obligés d'assister jour après jour. Un cirque mortel.
Au Liban, le danger daechiste est politique, pas sécuritaire : perché au-dessus de ce Circus, spectateur privilégié, Michel Sleiman a tout compris. Dahr el-Baïdar ou pas.
Ce serait méchant de comparer. Stérile, surtout. De comparer la réaction des institutions libanaises après un attentat contre un pôle du 14 Mars, lente, presque nonchalante, amatrice, fatiguée... avec l'énergie, la détermination, le zèle ou la chance après un attentat contre une figure, ou un fief, du 8 Mars. Stérile de relever cette carte d'identité du kamikaze, toujours bien...
commentaires (5)
L'ABRUTISSEMENT, COUPLÉE À LA TRAÎTRISE... FAUT BIEN QU'ON LE DISE... AVEC CHAQUE BISE... EST DE MISE... ET S'HYDRE...LISE !
LA LIBRE EXPRESSION
18 h 21, le 22 juin 2014