Un champ de pastel. Du jaune naît le bleu...
Chaque couleur a une histoire, qu'on essayera de découvrir au fur et à mesure. Et pour commencer, l'histoire du bleu.
C'est la couleur préférée en Occident. Beaucoup d'organismes internationaux (ONU, Unesco, Conseil de l'Europe et Union européenne) ont choisi le bleu comme emblème, car c'est une couleur consensuelle qui emporte l'adhésion de tous.
Son origine : le pastel. Le pastel est une plante crucifère, de son nom latin « Isatis tinctoria », apparentée à la famille des choux, radis, colza, etc. Cette plante à fleurs jaunes, connue également sous le nom de « guède », est originaire de la mer Noire et a été introduite il y a plus de 8 000 ans en Europe et dans d'autres régions. Pour se développer, elle a besoin d'un sol riche, siliceux, calcaire et argileux : le climat et les terres du triangle Toulouse-Albi-Castelnaudary sont particulièrement propices à sa culture.
Le pastel ressemble à une sorte de grosse salade verte. Lavées, séchées et broyées, les feuilles sont ensuite façonnées en boules qu'on appelle cocagne (galette en occitan), d'où la dénomination « pays de cocagne » de ces régions de France. Après fermentation, elles donnent « l'agranat », pâte granuleuse noirâtre qui une fois dissoute donne un jus verdâtre dans lequel on trempe les tissus. Une fois au contact de l'air, une oxydation se produit et donne une superbe couleur bleue. Il faut une tonne de feuilles pour obtenir 2 kg de pigment pur.
La culture du pastel atteint son âge d'or en France entre 1463 et 1562, au moment des guerres de religion. Durant le XVIe siècle, la région devient même le plus grand grenier à pastel de tout le continent. Toulouse et toute l'Occitanie sont alors la plaque tournante de ce négoce. Près de 40 000 tonnes par an sont exportées vers Londres, Anvers, Hambourg ou même l'Orient, via Marseille et Bordeaux. Les négociants toulousains s'enrichissent et se font construire de superbes hôtels-palais de style Renaissance, qui constituent aujourd'hui l'un des trésors du patrimoine toulousain, les fameux hôtels particuliers des pastelliers.
L'utilisation du pastel est connue depuis la préhistoire. Les Égyptiens de l'Antiquité l'ont utilisé également. Celtes et Gaulois l'utilisaient aussi pour bleuir leurs tissus, se colorer les cheveux, mais aussi se couvrir le visage et le corps afin d'effrayer leurs ennemis. C'est peut-être là l'origine de l'expression « avoir une peur bleue ».
Dans le monde médiéval européen, le bleu n'est guère admis, mais Saint Louis (Louis IX) l'imposera dans ses armoiries. Le roi français, profondément dévot, l'adopte car c'est la couleur de la Vierge. On l'utilise alors dans les vitraux et les œuvres d'art. Les étoffes bleues deviennent très demandées par les rois et ensuite par l'ensemble de la société.
Au milieu du XVIe siècle, la période faste du commerce du pastel s'achève avec l'arrivée du bleu indigo. La teinture à l'indigo est pratiquée depuis l'Antiquité dans toutes les régions où poussent des plantes contenant de l'indican : en Inde, en Indonésie, en Afrique occidentale, toujours à partir des feuilles fermentées et oxygénées. C'est l'explorateur portugais Vasco de Gamma qui le rapporta (son nom vient du grec Indikon, signifiant « colorant d'Inde »).
Comme les propriétés tinctoriales de l'indigo sont 20 fois plus puissantes que celles du pastel, et malgré les efforts effrénés des producteurs de cette plante pour réprimer l'importation du nouveau concurrent, la découverte de Vasco de Gamma marqua la fin de l'ère lucrative des pays de cocagne, qui se retrouvèrent ainsi avec... des « bleus à l'âme ! »
Sources principales :
futura-sciences.com
huffingtonpost.fr
courrierinternationnal.com
