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Économie

L’échec économique des proeuropéens et la performance politique des eurosceptiques

Bien que les élections européennes aient été remportées par la droite et que les divers groupes proeuropéens demeurent largement majoritaires au Parlement, cela n'occulte pas la montée des forces antieuropéennes.
Les divers partis eurosceptiques sont arrivés en tête dans quatre pays (France, Royaume-Uni, Danemark, Grèce) et ont enregistré une percée remarquable dans huit autres, cumulant entre 130 et 140 élus.
Cependant, ces députés sont loin de pouvoir composer un bloc uni en raison des projets politiques divers allant de la gauche radicale en Grèce à l'extrême droite en France. À cela s'ajoute la concurrence entre ces partis europhobes : le Britannique Nigel Farage n'entend pas laisser la présidence d'un tel groupe à Marine Le Pen, refusant même de s'allier avec le Front national (FN) en le taxant d'antisémitisme. Par conséquent, les eurodéputés antieuropéens risquent de ne pas relever le défi de regrouper 25 élus appartenant à 7 pays.
L'entrée prévue et remarquable de ce courant au Parlement ne bloquera donc pas la construction européenne. Cependant, il ne s'agit pas de minimiser cet évènement, ce vote symbolisant avant tout un échec économique.
Bien que les politiques économiques des États membres de l'Union européenne (UE) soient coordonnées, notamment en ce qui concerne les économies de la zone euro, nous restons tout de même face à une seule politique monétaire contre dix-huit politiques budgétaires, ce qui complexifie la possibilité de mener une politique conjoncturelle cohérente. De même, le budget total des institutions européennes représente 1 % du PIB des 28 États membres, ce qui empêche à son tour la mise en place des politiques efficaces.
Les États doivent donc faire cavalier seul, indépendamment d'un projet collectif. Mais, même sur ce plan, certaines économies n'ont pas les mains libres en raison des critères monétaires et budgétaires imposés depuis le traité de Maastricht. Le résultat c'est que face à la crise, l'Europe montre des signes d'impuissance et de manque de réactivité.
Il ne faut pas oublier l'hétérogénéité structurelle des pays de l'UE et particulièrement celle de l'euro ; cependant, le vrai problème ne provient pas de ce manque d'homogénéité, mais plutôt de l'ignorance presque volontaire de ce fait.
Si l'on souhaite maintenir la monnaie unique, il est inévitable de réaliser que le modèle économique allemand n'est pas forcément exportable aux autres économies.
Sans doute l'Allemagne représente le véritable moteur économique de la zone euro et de l'UE, mais sa réussite via une politique d'austérité n'est pas forcement applicable ailleurs. Pour certaines économies, une flexibilité en matière de respect des critères de convergence est indispensable pour ouvrir de nouvelles perspectives aux entreprises et soutenir le pouvoir d'achat du citoyen.
L'objectif sera de permettre à certaines économies de retrouver le chemin de la prospérité via des politiques de relance. Autrement dit, l'austérité réussie dans un pays ne l'est pas forcément dans l'autre.
L'ancienne lignée accordant la priorité aux critères macroéconomiques a provoqué parmi les citoyens européens un sentiment d'insécurité qui s'est traduit par le dernier vote. Bien que la montée antieuropéenne soit un phénomène constaté dans plusieurs pays de l'UE, le résultat le plus marquant reste celui de la France où le FN est arrivé en tête avec 25 % des suffrages exprimés. Le score de l'extrême droite française est un véritable choc sonnant dans toute l'Europe pour diverses raisons.
Tout d'abord la France est l'un des fondateurs de la construction européenne. Si l'Allemagne est considérée comme le moteur économique de l'Union, la France est son équivalent politique ; il s'agit donc d'un pilier incontournable. En outre, la France est le deuxième État sur le plan du nombre de députés et le second contribuable au budget de l'UE.
D'après les sondages, la conjoncture économique et sociale française a été le premier déterminant du choix des électeurs ; il s'agit en partie d'un vote antisystème. Comme le FN n'a jamais été au pouvoir, son programme apparaît comme une réponse aux politiques menées consécutivement par l'UMP et le PS.
Marine Le Pen a profité du vote antisystème pour atteindre le seuil de 25 % contre 6,3 % en 2009. Mais la conjoncture économique n'explique pas à elle seule cette forte progression en cinq ans. Il est important de bien s'arrêter sur la stratégie de communication menée par la patronne du FN, une stratégie qui a porté ses fruits ; résumons-la en trois points :
depuis la succession de son père à la tête du parti, Marine Le Pen s'est engagée dans une politique de dédiabolisation de son parti ; des mesures fermes allant jusqu'à l'exclusion ont été prises contre les militants ayant tenu des propos racistes et extrémistes. De même, elle affiche son appartenance républicaine en prônant la laïcité et la défense de la loi 1905, des valeurs exclues auparavant du vocabulaire de la famille Le Pen. Mais surtout, elle tente d'incarner une alternative socio-économique par un discours antimondialiste. L'exemple concret est son opposition au traité transatlantique visant à établir une zone de libre-échange entre l'Europe et les États-Unis. Cependant, il ne faut pas se limiter aux affichages ; il est important de regarder ce qui se trouve derrière le discours.
La politique de dédiabolisation, en effet, se limite à l'espace médiatique ; des mesures n'ont été prises qu'à l'encontre des frontistes pris en flagrant délit d'extrémisme. Les radicaux de son entourage n'ont pas à s'inquiéter, du moment où leurs propos racistes et/ou leurs affiches de campagne qui s'inspirent de la propagande nazie ne sont pas rendus publics. Ce n'est qu'un plan médiatique cherchant à promouvoir Marine Le Pen.
D'autre part, le programme du FN change en fonction de son ennemi présumé. Dans les années 80 l'ennemi fut l'URSS. Par conséquent, Jean-Marie Le Pen adopta un discours antagoniste à la doctrine socialiste : ultralibéralisme, dérégulation et le retour de l'État à ses fonctions régaliennes. À un moment, l'ancien chef du FN fut surnommé le Reagan français.
Mais depuis 1990, l'ennemi du FN a changé d'identité ; c'est désormais le cosmopolitisme engendré par les flux migratoires et particulièrement ceux des musulmans. On comprend donc le discours laïc de Marine Le Pen devant les caméras ; un tel discours lui permet de mieux s'attaquer contre le danger culturel provenant de l'immigration en se présentant comme la protectrice des valeurs républicaines. Elle ne cherche qu'à promouvoir son projet autrement, surtout que ses exemples ne portent que sur l'islam : les paroles évoluent, mais le fond demeure inchangé.
Quant à son discours économique, il contredit massivement celui de son père. Aujourd'hui, le FN revendique la favorisation les PME et PMI françaises (crédit impôt recherche), la surimposition des grands groupes (réforme de l'impôt sur les sociétés) et des classes les plus aisées. Un discours de gauche est adopté, cherchant à séduire les classes populaires en préconisant le retour d'un État fort.
Marine Le Pen reproche à la mondialisation et à l'Europe de tuer l'identité française à travers l'ouverture des frontières. Elle prône donc un discours économique antimondialiste revendiquant un retour de l'État providence qui permettra à l'Hexagone de contrôler ses frontières. Pour faire face à la détérioration de la conjoncture économique, le FN présente autrement son programme. Il propose des solutions folkloriques par le biais d'un discours nationaliste et social.
Les résultats des élections européennes représentent sans doute un séisme pour le Vieux Continent. Par conséquent la réaction de proeuropéens doit être à la hauteur de l'action. La première leçon à tirer c'est que les eurosceptiques n'ont plus recours aux anciens outils de travail ; leur discours antieuropéen est populiste car il s'adresse au citoyen.
Le défi pour les proeuropéens sera de placer le citoyen au cœur de leurs préoccupations pour lui prouver que l'Europe est la solution et non pas le problème.

Bien que les élections européennes aient été remportées par la droite et que les divers groupes proeuropéens demeurent largement majoritaires au Parlement, cela n'occulte pas la montée des forces antieuropéennes.Les divers partis eurosceptiques sont arrivés en tête dans quatre pays (France, Royaume-Uni, Danemark, Grèce) et ont enregistré une percée remarquable dans huit autres, cumulant entre 130 et 140 élus.Cependant, ces députés sont loin de pouvoir composer un bloc uni en raison des projets politiques divers allant de la gauche radicale en Grèce à l'extrême droite en France. À cela s'ajoute la concurrence entre ces partis europhobes : le Britannique Nigel Farage n'entend pas laisser la présidence d'un tel groupe à Marine Le Pen, refusant même de s'allier avec le Front national (FN) en le taxant...
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