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Moyen Orient et Monde - Syrie

« Quel est ce monde de fous où l’on me fait tirer des roquettes sur des bâtiments puis payer pour les reconstruire ? »

Dans le Vieux Damas. Anwar Amro/AFP

Les affiches placardées par le régime syrien dans les rues de Damas pour inviter ses habitants à participer à l'effort de reconstruction du pays ne font guère illusion : certains craignent au contraire que l'élection présidentielle du 3 juin ne soit synonyme de destruction pour la capitale de la Syrie.

La campagne « Ensemble, reconstruisons » lancée par le gouvernement, dont il assure la promotion à l'aide d'affiches omniprésentes représentant des mains jointes, paraît bien prématurée aux yeux de certains. Quotidiennement, ils entendent les déflagrations des bombardements sur les faubourgs où persistent la rébellion et le vrombissement des avions en mission dans le ciel de la capitale. En représailles, les rebelles tirent au mortier ou déposent des voitures piégées pour frapper le cœur de la ville, une zone de quelques kilomètres carrés fermement tenue par le régime. Il est arrivé ce mois-ci que 27 roquettes et obus de mortier s'abattent en une seule journée, et certains Damascènes craignent que les rebelles fassent pleuvoir les projectiles le 3 juin pour protester contre l'organisation du scrutin présidentiel.

(Lire aussi : Présidentielle : un candidat fustige l'accaparement des richesses par une minorité)

Les autorités ne se contentent pas d'affiches pour promouvoir la reconstruction. Elles ont aussi instauré une taxe qui apparaît en petits caractères sur les factures de téléphone et des divers services collectifs. À la colère de certains soldats, elle est même directement déduite de leur solde, déjà maigre. « Quel est ce monde de fous où l'on me fait tirer des roquettes sur des bâtiments puis payer pour les reconstruire ? » s'indigne Hassan, appelé de 19 ans. « Si cette journée sert de nouvel étalon aux rebelles pour montrer leur colère, et je pense que c'est le cas, alors que Dieu nous aide pour cette élection », dit Mahmoud, 37 ans, commerçant le jour et chauffeur la nuit.

Fouille des sous-sols

Une nouvelle crainte se répand parmi les habitants : que les rebelles creusent des tunnels sous la capitale, soit pour pouvoir pénétrer en toute discrétion jusqu'au cœur du pouvoir, soit pour y dissimuler des bombes et les faire exploser. Il s'agit là d'un stratagème que les rebelles utilisent depuis quelques mois contre des cibles militaires dans le nord de la Syrie. Ils creusent des tunnels parfois longs de plusieurs centaines de mètres et y déposent des explosifs qui rasent des secteurs entiers. Damas a été épargnée jusqu'à présent par cette arme redoutable.

(Lire aussi : Assad en campagne sur les réseaux sociaux)

En attendant, la plupart des grands magasins et des entreprises installées ont déployé sur leurs devantures des banderoles de soutien à Bachar el-Assad. Ce mois-ci, des marches de soutien à Bachar el-Assad ont aussi paralysé certains secteurs de la capitale. Même les Damascènes favorables au régime doutent de la possibilité d'organiser une élection digne de ce nom dans un pays en guerre, même s'ils espèrent que le scrutin permettra de progresser vers une sortie du conflit. « Bien sûr, tout est truqué. C'est un film, mais c'est le seul moyen de sortir de la crise », dit Aymane. Pour cet homme de 35 ans, l'issue du vote est écrite à l'avance : « Assad va obtenir 70 % et chacun des (deux) autres candidats obtiendra 15 %. Vous verrez. » Les opposants à la famille Assad, comme Ammar, entrepreneur et père de deux enfants, songent à boycotter le scrutin mais en redoutent les conséquences. « Si je ne vote pas, y aura-t-il une trace définitive dans mon dossier ? Cela signifie-t-il que, si je suis arrêté à un barrage, ils peuvent fouiller dans leur ordinateur et découvrir que je me suis abstenu ? Je ne sais pas », s'interroge cet homme.

« Toute ma génération est suspendue dans le temps »

Malgré les combats tout proches, les dizaines de milliers de morts et les millions de Syriens déplacés à travers le pays, la vie semble parfois suivre un cours parfaitement normal à Damas. Dans un club de gym du centre de la capitale, une séance de vélo d'intérieur se déroule au son d'une musique techno qui retentit jusque dans la rue tandis que, non loin de la résidence de Bachar el-Assad, le centre culturel bulgare propose des cours de salsa et de tango. Certains Damascènes disent être surtout actifs la nuit après avoir remarqué que les tirs de roquettes se faisaient plus rares une fois l'obscurité tombée. Des cafés bondés continuent d'accueillir des jeunes gens, souvent sans emploi, qui passent des heures à siroter du thé ou du café et à fumer sans interruption. Quand on lui demande comment il qualifierait sa vie ces derniers temps, Motaz, étudiant en chimie de 25 ans, répond : « Gelée. Toute ma génération est suspendue dans le temps. »


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