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À l’ALBA, la section design est pionnière au Liban

Longtemps rattachée à la branche architecture d'intérieur de l'ALBA, la section design vient de s'en séparer pour devenir une entité distincte. Elle connaît une transformation radicale au niveau de son programme pédagogique et propose, outre la licence en design de produits, un master en design global.

Des étudiants en licence avec leurs patrons.

Depuis quelque temps, le design n'est plus réduit au produit mais s'est élargi à des secteurs variés, tels les services. Comme il se centre sur l'individu et ses besoins, il a pour sujet les rapports de celui-ci à son environnement. Un environnement en profonde mutation sociale, écologique, technologique, etc. En découle un changement au niveau des besoins de l'individu en matière de design ainsi que, par suite, l'apparition de différents enjeux dans ce domaine.
À travers son nouveau programme, la section design de l'ALBA introduit ainsi cette approche contemporaine. « Le design est une discipline en perpétuelle évolution. Depuis que j'ai pris en charge cette section, il y a un an, j'ai travaillé sur le développement d'une vision moderne du design répondant aux exigences de notre marché, et surtout aux enjeux de l'avenir, car le design n'est pas une question de mode », explique Marc Baroud, directeur de la section design.
Pour ce l'approche enseignée est communautaire. Ce qui implique quitter son bureau et son écran pour aller dans la rue, à la rencontre des gens, apprendre à les approcher et à les interviewer, voire les impliquer dans les solutions proposées, grâce à des méthodes participatives et au concept du « bottom-up » (approche ascendante). C'est ainsi que, pour l'un des projets, les étudiants en master ont passé plusieurs semaines à Bourj Hammoud à observer, tisser des liens, effectuer des entrevues et même travailler avec des artisans. Le but : procéder à une analyse dont l'exécution se déroulera le semestre suivant. « Un designer accompli doit tirer de ses analyses de terrain des pistes pour trouver des solutions adéquates », affirme Diala Lteif, responsable pédagogique de la section design et enseignante en master.
Le principal vecteur de l'approche communautaire est l'empathie. « Être empathique sert à avoir de l'intuition et à comprendre ce que les gens veulent, ce dont ils ont besoin et surtout avoir le sens de l'organisation », continue Baroud. Le directeur de la section prend comme exemple Apple et place, à la base du métier, le « design thinking », qui a changé nos mœurs et notre mode de vie.
Ainsi, les étudiants sont amenés à s'immerger dans la réalité ; ils ne sont plus détachés de leur environnement. « Je vire le design vers tout ce qui est innovation sociale. Les étudiants doivent être impliqués dans leur communauté, engagés dans la société pour en voir les besoins pressants, plutôt que de faire des objets luxueux. Il s'agit donc pour le designer de trouver des solutions bénéfiques au milieu dans lequel il vit », affirme Lteif.
Or, il y a beaucoup à faire au Liban, dans tous les secteurs, et les besoins ne manquent pas. « Je crois que tout est urgent dans notre pays et qu'il y a une place pour tout le monde », ajoute Lteif.
Une formation globale
Avant de s'attaquer au design communautaire, passer par le design de produit est un must pour certains étudiants. Et c'est justement pendant les trois années de licence qu'ils vont acquérir les outils nécessaires pour développer leurs compétences. Des compétences qui diffèrent de celles du passé, vu l'émergence des nouvelles technologies, des sources ouvertes, de l'accessibilité à la matière... Pratiquement, tout peut être construit par une simple commande sur Internet. « Aujourd'hui, la façon de concevoir et de réaliser un produit n'est plus la même. D'ailleurs, je tends à dire qu'il y a le design de tout ce qui n'a pas nécessairement d'enveloppe physique ou de celui qui en a une mais qui est secondaire, comme, notamment, le smart phone : ce qui s'y passe à l'intérieur est plus intéressant que son aspect », déclare Baroud.
Ainsi, pendant la licence en design de produits, le cursus englobe tout ce qui fait l'environnement du projet. Différents cours contribuent à la formation des étudiants : anatomie humaine, ergonomie, sociologie, sémiologie, marketing, communication, technique, technologie, expression par l'écrit, le dessin et la volumétrie... « Quand on fait du design, on n'est pas là pour se faire plaisir. Notre envie n'a rien à voir avec ce que nous faisons. L'individu, ce n'est pas nous, c'est l'autre ou l'usager. Donc, tout doit être documenté et justifié », précise Baroud. Une fois ces outils en main, les designers juniors peuvent gérer un projet de produit sous la tutelle d'un chef de projet.
Par ailleurs, les chefs de projet sont formés en master de design global, ouvert tant aux designers de produit qu'aux graphistes, illustrateurs, architectes ou autres. Les enjeux y sont totalement différents. Les responsables de la section design cherchent à former des innovateurs qui exerceront dans différents secteurs du marché et de l'environnement. « Il y a beaucoup de secteurs qui ont intérêt à être professionnalisés, dont les secteurs de l'économie numérique, les applis, les start-ups... De plus, comme on est dans un pays de services, il faut des professionnels pour apporter de l'innovation. Tous ces secteurs représentent notre terrain d'expérimentation, et c'est là où nous voulons placer nos étudiants et où nous les formons pour qu'ils soient actifs », révèle Baroud.
Dans ce contexte, d'autres compétences sont mises en jeu. Tout d'abord, l'accent est mis sur un travail en équipe enrichissant, vu que chaque membre y met de son identité et apporte une vision différente. « Pour travailler leurs projets, je demande aux étudiants de collaborer avec ceux qui ont des compétences complémentaires. Je leur dis : les idées, c'est pour tout le monde, l'action, c'est la vôtre », affirme Lteif.

Des têtes bien faites plutôt que bien pleines
De plus, les designers sont des généralistes et non pas des spécialistes. Ils empruntent le regard des collaborateurs pour rassembler des informations qu'ils superposent. Par la suite, cela leur permet de comprendre un système, ainsi que ses failles, et proposer par conséquent des solutions adéquates.
En parallèle, expliquer le fonctionnement d'un système complexe nécessite d'acquérir la notion de la pensée systémique. Celle-ci consiste à réduire un projet en petits groupes de systèmes pour le comprendre. « En première année de master, nous avons appris à réfléchir de manière à résoudre différents problèmes. Il y a dans cette approche beaucoup plus que le design d'une chaise. Personnellement, c'est enrichissant », avoue Cyril Kallab, étudiant en master.
Ce qui compte pour les responsables de cette section, c'est plus le processus du travail que le résultat lui-même, contrairement au design traditionnel qui se définit autour d'un bel objet. « C'est l'analyse et la réflexion qu'effectue l'étudiant pour partir du point A au point B qui sont intéressantes, plus que la forme finale, tant que la solution est adéquate », explique Lteif.
Les étudiants en master ne sont pas déconnectés du marché. Bien au contraire, tous les projets se font en partenariat avec des entreprises, des ONG, tel le projet sur les escaliers de Mar Mikhaël, qu'ils réalisent en collaboration avec l'Observatoire de l'urbanisme et les différentes écoles de l'ALBA, et qui est parrainé par la municipalité de Beyrouth ; ou un autre projet effectué en partenariat avec une entreprise du bâtiment. D'ailleurs, grâce au concept de partenariat, celle-ci a décidé de créer une unité design qui repensera le produit et tout le service.
Que cette entreprise ait exprimé ce besoin n'est qu'une preuve du vaste champ encore à investir en matière de design. Ainsi, Iva Kovic, 3e année de licence, déclare : « Une fois mon master en main, c'est au Liban que je me vois exercer le métier de designer. C'est ici qu'il y a l'opportunité de créer quelque chose car c'est assez nouveau. C'est à notre génération qu'incombe le rôle de le faire. »

Depuis quelque temps, le design n'est plus réduit au produit mais s'est élargi à des secteurs variés, tels les services. Comme il se centre sur l'individu et ses besoins, il a pour sujet les rapports de celui-ci à son environnement. Un environnement en profonde mutation sociale, écologique, technologique, etc. En découle un changement au niveau des besoins de l'individu en matière de...

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