Dire qu'il y a urgence serait un euphémisme. C'est de vie ou de mort qu'il s'agit désormais, d'un combat à mener impérativement pour stopper la descente aux enfers, pour interrompre la ligne droite qui mène à la faillite totale, à la dissolution de ce qui reste d'un État gangrené, dépecé par ceux-là mêmes qui osent s'en prétendre les défenseurs attitrés.
Il suffit de suivre le spectacle, largement médiatisé, offert aux Libanais à l'orée d'échéances cruciales pour se rendre compte que l'espoir d'un sursaut, d'une prise de conscience collective relève d'une vue de l'esprit et qu'à l'intérêt général bien compris la classe politique préfère tout naturellement les batailles d'arrière-garde, celles qui privilégient les anciens acquis et garantissent leur préservation.
De part et d'autre on manœuvre, on se lance des souricières sous les pieds, on échange des fléchettes bien ajustées et les alliés eux-mêmes s'épient en chiens de faïence et se préparent à retourner des vestes devenues bien encombrantes à l'heure des options décisives. Quorum des deux tiers ou majorité simple, vote blanc ou débandade honteuse : tout a été dit, tout a été essayé et à l'horizon se profile déjà un siège présidentiel qui s'exerce à une vacance prolongée ou au mieux à l'accueil d'un locataire qui n'aura d'autre choix que de se plier aux faits accomplis.
Climat délétère, échanges d'accusations au ras des pâquerettes, rappel indigne d'atrocités passées, tout a été mis en place pour pérenniser l'état de blocage, pour garder les portes ouvertes à de nouvelles dérives sécuritaires. Tous se mettent de la partie, politiciens de pacotille ou corrupteurs d'opinions et certains médias, les yeux rivés sur le seul audimat, répercutent les discours haineux avec délectation, plongent dans les bas-fonds de l'inculture et d'une bêtise fièrement assumée.
De talk-shows scabreux en débats taillés sur mesure, la rivalité entre les chaînes est alors fonction de la capacité de l'invité à aller encore plus loin dans l'insulte et l'invective. Plus il y va fort, plus le taux d'écoute augmente... Et le tour est joué. Qu'importe que la haine s'installe dans les esprits, que les griefs d'un passé honteux soient étalés au grand jour, l'essentiel est de ne pas se faire griller par la chaîne concurrente, la « sacro-sainte liberté d'expression » dut-elle être dévoyée par ceux-là mêmes qui conduisent le pays à la ruine morale et physique.
Ne l'oublions pas : avant la guerre de 1975, avant que les portes de l'enfer ne s'ouvrent devant les Libanais, beaucoup de médias, certains ne s'en rendant même pas compte, avaient contribué à la montée des tensions, à l'exacerbation des rancunes, en rapportant les accusations des uns, en sollicitant les réponses acerbes des autres. Sur le terrain, les armes étaient déjà entreposées de part et d'autre, et tous attendaient le moment propice, celui survenu un certain 13 avril...
La mémoire est-elle seule à même de nous protéger de nouvelles dérives sanglantes ? Dans un récent article consacré à l'Algérie d'hier et d'aujourd'hui, Jean Daniel, du Nouvel Observateur, concluait par ses lignes : « Jusqu'ici, ce sont les souvenirs de la guerre civile et des années noires qui ont réfréné la tentation de la violence... Mais les nouvelles générations n'ont pas les mêmes souvenirs. Et vient un temps où les récits des parents, si atroces soient-ils, finissent par ne plus suffire... »
Le Liban n'est évidemment pas l'Algérie et les données internes sont différentes, mais les Libanais, eux, ont-ils appris les leçons du passé ? Les nouvelles générations ont-elles réussi à se distancier des héritages piégés, des haines ressuscitées de part et d'autre ? À entendre les vociférations générales, les « échanges d'amabilités » sur les réseaux sociaux, on est tenté de croire que dans le Liban de Panurge il n'y a que les mauvaises habitudes qui durent...
Il suffit de suivre le...
VIE POUR TOUS NOS ABRUTIS... MORT POUR LE PAYS ET SON PEUPLE !
21 h 38, le 28 avril 2014